Les esprits jazz de Bélo

A travers son second album Référence, Bélo présente sa vision contemporaine d’Haïti, avec ses souffrances et ses espoirs. Conscient d’être devenu l’un des ambassadeurs de son pays lorsqu’il se produit sur les scènes du monde entier, le lauréat 2006 du Prix Découvertes RFI a choisi de s’exprimer dans un langage musical davantage tourné vers le jazz. Ecoutez, avec RFI, deux titres de l'album Référence, pour la première fois disponible en France.

Référence, un tableau haïtien

A travers son second album Référence, Bélo présente sa vision contemporaine d’Haïti, avec ses souffrances et ses espoirs. Conscient d’être devenu l’un des ambassadeurs de son pays lorsqu’il se produit sur les scènes du monde entier, le lauréat 2006 du Prix Découvertes RFI a choisi de s’exprimer dans un langage musical davantage tourné vers le jazz. Ecoutez, avec RFI, deux titres de l'album Référence, pour la première fois disponible en France.

A l’heure du deuxième album, Bélo avait à cœur de rappeler qu’il restait d’abord et toujours un enfant d’Haïti : si sa carrière a pris une envergure internationale depuis qu’il a été récompensé par le Prix Découvertes RFI, le jeune chanteur tenait à ce que ses compatriotes soient les premiers à découvrir ses nouvelles chansons. Pour l’occasion, un concert-événement avait d’abord été programmé le 12 avril mais, à quelques jours de cette date, de violentes manifestations contre la cherté de la vie ont secoué Port-au-Prince, la capitale haïtienne coincée entre mer et montagnes. "Il n’y avait pas moyen de faire la fête à un moment où le pays était en crise", explique Bélo qui se dit "conscient des revendications des gens" Reportée de quatre semaines, la soirée s’est finalement déroulée le 10 mai dans le Parc historique de la canne-à-sucre, situé sur le terrain d’une ancienne habitation sucrière. Devant son public, l’artiste s’est dévoilé sous un jour musical différent de celui qui l’a fait connaître. Avec son nouvel album intitulé Référence, "une portion d’Haïti comprimée en douze titres sur un CD", il s’écarte en effet de ce dérivé du reggae et de rythmes locaux qu’il a appelé ragganga pour s’engager sur une voie aux accents bien plus jazzy. "Je ne veux pas parler de changement, mais d’évolution. Le précédent disque est sorti en 2005. Aujourd’hui, on est en 2008. Je pense qu’on n’a pas le droit de présenter quelque chose qui soit identique à ce qu’on a fait trois ans plus tôt. Je me devais de faire apparaître l’expérience, la maturité que j’ai acquise durant tout ce temps", justifie-t-il.

Des musiciens de haut vol

Comme "on ne change pas une équipe qui gagne", il a renouvelé sa confiance à son guitariste Andy Barrow, "un Américain qui a grandi en Afrique et vécu pendant plusieurs années en Haïti". C’est d’ailleurs dans son studio de Miami, en Floride, qu’a été enregistré l’album. Initiateur du projet Haïti Twoubadou, Fabrice Rouzier est lui aussi de la partie. Ce producteur et instrumentiste qui a son nom sur plus de 250 albums a été le premier à croire au talent de Bélo en produisant Lakou Trankil : "On ne peut pas être musicien haïtien et ne pas avoir travaillé avec Fabrice Rouzier une fois dans sa vie", résume le chanteur.

Parallèlement, sa démarche d’ouverture à d’autres influences et sonorités l’a conduit à élargir son cercle pour collaborer avec des musiciens aux profils divers : le pianiste argentin Gabriel Saientz, le batteur costaricain Carlomagno Araya ou encore le saxophoniste hispano-vénézuelien Ed Callé, aperçu entre autres aux côtés de Franck Sinatra et Michael Bolton. "On voulait avoir cette diversité et c’est ce qui donne cette touche jazz à mon album", assure Bélo. Lorsqu’il s’est rendu en septembre 2007 à New York pour donner un concert à SOB’s, l’un des clubs les plus réputés de Manhattan, il en a également profité pour rencontrer Richard Bona et l’inviter sur son disque, estimant que tous deux vont "dans la même direction". Sur les nouvelles versions de Lakou Trankil et Istwa Dwol, déjà présentes sur le précédent disque, le chevronné bassiste camerounais "a apporté une couleur africaine", juge le chanteur haïtien.

Des textes engagés

De sa tournée effectuée l’an dernier dans une demi-douzaine d’Etats d’Afrique, Bélo a justement rapporté une chanson, Pap Negosye, composée lors de son séjour à Zinder, une ville du Niger qu’il avait atteint après quatorze heures de route : "C’est un texte qui dit aux jeunes de se protéger lors des rapports sexuels. Tout le monde sait que le sida se transmet surtout si on ne se protège pas. En tant que jeune et artiste, c’est de ma responsabilité de prendre part à la mobilisation et la conscientisation de la jeunesse."

Donner du sens à ses textes fait figure d’obligation morale pour cet ancien étudiant en comptabilité qui a été rattrapé par l’amour de la musique. Son rôle ? Etre "la voix des sans-voix". A commencer par les enfants des rues, laissés à eux-mêmes et si nombreux dans son pays. Leur sort, qu’il évoque dans Timoun Yo, est à ses yeux terriblement préoccupant. “Ce sont les adultes de demain et donc l’avenir du pays. Il faut miser sur eux si on veut vraiment qu’Haïti change." Un espoir auquel Bélo s’accroche, tout en restant lucide.

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Bélo Référence (Aztec Musique/Discograph) 2008
En concert en France le 20 juin à l'Opus Café
Et le 21 juin dans les jardins de l'Hôtel de Montesquiou à Paris avec RFI