Africa Fête a trente ans !
A l’occasion du festival Africa Fête qui se tient le 27 et 28 juin à Marseille, et qui célèbre les 30 ans du festival Africa Fête, RFI Musique revient sur l’histoire de la structure qui, à travers la personnalité hors norme de Mamadou Konté lança la majeure partie des artistes africains d’aujourd’hui.
Retour sur une épopée musicale
A l’occasion du festival Africa Fête qui se tient le 27 et 28 juin à Marseille, et qui célèbre les 30 ans du festival Africa Fête, RFI Musique revient sur l’histoire de la structure qui, à travers la personnalité hors norme de Mamadou Konté lança la majeure partie des artistes africains d’aujourd’hui.
Tandis que Marseille vibre dans une brume de chaleur, l’association Cola Production, le versant marseillais d’Africa Fête, s’affaire à préparer une édition un peu particulière du festival du même nom. Mamadou Konté, son fondateur, n’est plus depuis le 20 mars 2007. Pourtant, Africa Fête célèbre ses trente ans. 1978-2008 : trois décennies d’engagement politique et culturel destiné à sortir l’Afrique d’un ghetto social et culturel.
Meeting-concerts
Gilles de Staal, fut compagnon de route de Mamadou Konté dans les années 70. Attablé au café de la Friche, il raconte avec passion la genèse d’Africa Fête, né d’une intense activité militante au cours de l’année 1968. Mamadou Konté, fils de paysans maliens prend la tête à partir de 1969 de Révolution Afrique, un mouvement de revendication des travailleurs immigrés africains en France. Tous vivaient en foyer. "Les conditions de vies y étaient épouvantables, mais il y avait une activité culturelle et politique permanente dans les foyers. Les Ballets Lemba, un ballet congolais traditionnel, mais aussi des ouvriers du Fouta Toto de foyers de Saint-Denis jouaient pendant les grèves de loyers… A l’époque, Mamadou n’avait pas le look rasta, il avait les cheveux courts et ressemblait plutôt à un Don Quichotte, qui parlait avant chaque concert de la condition des ouvriers immigrés".
Pour faire sortir l’Afrique des ghettos et sensibiliser l’opinion publique, Révolution Afrique -interdite en 1976 - organise des meetings-concerts à la Mutualité à Paris. Pour l’un d’eux, le 13 janvier 1978, le nom "Africa Fête" apparaît comme une évidence, pour attirer le maximum de monde. "La Mutualité était pleine ! Quand on a vu tous ces publics différents dans une même salle, les vieux en boubou pour les Ballets Lemba, les profs de lettres venus écouter Pierre Akendengué et les étudiants français fans de Nougaro, on s’est dit : mais c’est ça ! Il faut mélanger les publics !". Africa Fête était né.
Paris, capitale de la world music
Avec l’arrivée des années 80, les revendications révolutionnaires s’émoussent et la world music explose. Mamadou Konté s’éloigne petit à petit des réseaux militants et devient un acteur incontournable de la nouvelle scène africaine à Paris. Youssou N’Dour, les frères Touré Kunda, Baaba Maal, Ismaël Lô, Angélique Kidjo et beaucoup d’autres débarquent à Paris sur les scènes d’Africa Fête.
Rapidement, Mamadou Konté se professionnalise : il devient producteur et manage Salif Keita pendant quinze années. Africa Fête se transforme en label. Cécile Rata, assistante de Mamadou Konté pendant des années assure aujourd’hui la relève à Dakar. Elle raconte le tournant américain d’Africa Fête. "Mamadou rencontre dans les années 90, Chris Blackwell d’Island Records. Il lui propose de faire des tournées américaines sur la côte Est. Entre 1994 et 2001, Angélique Kidjo, les Frères Guissé, Cheikh Lô, ou les Têtes Brûlées jouent en Amérique du nord… Les tournées sont largement soutenues et les artistes Africa Fête arrivent à gagner une crédibilité… Par exemple, c’est comme ça que Positive Black Soul après avoir sorti New-York-Paris-Dakar chez nous, signent chez Universal".
Après Paris et New York, Mamadou Konté retourne à Dakar en 1993, pour faire fonctionner le label d’Afrique. Il organise un grand concert au stade Demba Diop avec les artistes phares du label : plus de 40.000 personnes sont au rendez-vous. Puis, Africa Fête ouvre un centre d’action culturelle à Dakar, le Tringa. A la fois bar, salle de concert, de répétition et studio, il est contraint de fermer ses portes quelques années plus tard, en 1998…
Après vingt ans de festival à Paris, la première édition d’Africa Fête à Dakar démarre en 2001. Parallèlement, la structure se tourne vers la formation des professionnels de la musique en Afrique de l’Ouest. Le festival Africa Fête itinérant prend la route, direction la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso… Africa Fête Dakar continue aujourd’hui à co-animer un réseau de professionnels et contribue largement à structurer le milieu au Sénégal. Mais pour garder un pied en France, Mamadou Konté et Cécile Rata installent une antenne à la Friche à Marseille et y lance un festival annuel en 2005. "Marseille, porte entre l’Afrique et l’Europe, c’était une antenne pour pouvoir démarrer les tournées et assurer des résidences" rappelle Cécile.
Cette semaine, par exemple, à la Friche, Imhotep, architecte sonore du groupe IAM, Duggee Tee de l’ex-Positive Black Soul et Mister Catra, un rappeur brésilien ont travaillé ensemble et proposeront, ce vendredi 27 juin, lors du festival de Marseille une vision internationale du hip hop. En décembre prochain, pour le festival Africa Fête Dakar, Imhotep et Mister Catra viendront à leur tour au Sénégal pour prolonger la rencontre…A suivre !
Festival Africa Fête Marseille, 27 juin-28 juin, Cabaret Aléatoire de la Friche Belle de Mai
Gilles de Staal Mamadou m’a dit (Ed. Syllepse) 2008