Mukta, au-delà du visible

Cinquième opus des Nantais de Mukta, Invisible Worlds tisse à nouveau des liens entre jazz et musiques indiennes. Particulièrement réussi, cet album réagit comme un métier à tisser qui, au fil du temps passe entre les chaînes du métier, libère un son aux mille enchevêtrements, harmonieux et mutin.  Rencontre avec Simon Mary, le contrebassiste et membre fondateur du groupe dont l’intitulé sanskrit signifie "perle".

Entre Orient et Occident

Cinquième opus des Nantais de Mukta, Invisible Worlds tisse à nouveau des liens entre jazz et musiques indiennes. Particulièrement réussi, cet album réagit comme un métier à tisser qui, au fil du temps passe entre les chaînes du métier, libère un son aux mille enchevêtrements, harmonieux et mutin.  Rencontre avec Simon Mary, le contrebassiste et membre fondateur du groupe dont l’intitulé sanskrit signifie "perle".

Au croisement de deux mondes, de deux pensées, Mukta confronte Occident et Orient. Contrebassiste passionné de musiques indiennes, Simon Mary, alors à la tête d’un quartet de jazz, rencontre Brigitte Menon, une joueuse de sitar. Indian Sitar & World Jazz, un premier album "programme" est enregistré en 1998. Dix ans plus tard, cette 5e référence prolonge la démarche, même si depuis quelques années Brigitte Menon n’accompagne plus le groupe, laissant sa place à Michel Guay, un Canadien formé en Inde lui aussi.

Aujourd’hui, Mukta entre dans une nouvelle dimension, franchit un cap ouvrant les portes d’un monde qui se moque des regards, d’un monde où l’invisible à autant d’importance si ce n’est plus, que ce que l’on donne à voir, à paraître. "Invisible Words, le titre de notre dernier album évoque tout ce qui ne se voit pas, qu’il s’agisse de notions physiques comme une planète qui serait trop loin pour que sa lumière nous parvienne ou de tout ce qui n’est pas rationnel" explique le contrebassiste. "Je ne sais jamais pourquoi, alors que les musiciens sont autant investis, il y a des concerts où tout le monde décolle ensemble et d’autres non" ajoute-t-il cherchant à donner un exemple de cet irrationnel.

Beaucoup de libertés

Eternelle question où chacun est libre de trouver sa réponse, d’inventer sa théorie, c’est cet interstice que souhaitent fouiller Simon et ses amis. "Généralement, je viens avec une ébauche de morceau déjà structuré, écrit" explique le contrebassiste et principal compositeur. "Ce qui n’empêche pas chacun de poser sa patte dessus, d’improviser. Ensuite seulement, on maquette. Mais rien n’est figé. Par exemple, quand on organise, transpose le répertoire pour la scène. On recherche surtout la direction dans laquelle on peut l’attirer, les parties que l’on peut étirer" confie celui qui a toujours refusé de jouer la surenchère des noms. "Dans Mukta, il n’y a pas de pointures, pas de Zakir Hussain (une star indienne des tablas)". Comme si chez Mukta, le jeu collectif et l’harmonie primaient sur la performance.

Même les notions de musiques indiennes et de jazz ne délimitent pas trop aujourd’hui les terrains où Mukta divague de bon cœur. N’Toto Mountains, huitième plage de cet album suggère par exemple, par sa rythmique, l’Afrique noire, voire le Brésil. Blue Tala tourne lui sur une rythmique jamaïcaine, et Ijazzat (un titre chanté) sur un groove afro-américain. "On a tellement frotté, croisé, mêlé, interpénétré jazz et musiques indiennes, c’est aujourd’hui un univers qui nous est si familier, que naturellement on a envie d’ouvrir peu à peu de nouvelles portes, de provoquer de nouvelles rencontres. On se connaît suffisamment pour ça ! Dix ans pour le noyau dur (Le trompettiste Geoffroy Tamisier, le batteur Jean Chevalier ou le percussionniste Olivier Congar) et plus de la moitié avec le joueur de sitar, Michel Guay" explique le contrebassiste avant d’ajouter : "J’écoute beaucoup de choses, souvent des choses très différentes. Il n’y a rien de très réfléchi, mais j’imagine que la fusion se fait en interne."

Passé à la question, il avoue apprécier aujourd’hui aussi bien le duo Robert Plant/Alison Krauss que Steve Reich, les Beatles, Radiohead, Miles Davis, John Coltrane et d’une manière générale le jazz des années 60/70. "One for Turiya, (la dernière plage de l’album – ndr) est un morceau dédié à Alice Coltrane. Turiya est le nom hindou qu’elle a adopté dans les années 70. J’ai souhaité lui rendre hommage car Alice/Turiya a été parmi les premières à diffuser la culture et les musiques indiennes en Occident. Elle a ouvert notre monde sur les cultures extra-européennes et m’a fortement influencé" explique celui qui cet été, se produira dans quelques festivals, avant une tournée française à l’automne et à l’étranger au début de l’année prochaine.

 Ecoutez un extrait de

Mukta Invisible Worlds (Bassofone/Anticraft) 2008