Le 18 octobre, retour de Chandigarh

Samedi 18 octobre, lever 5h du matin, longue douche froide (oublié de mettre à chauffer l'accumulateur), s'asseoir violemment sur la valise pour réussir à la fermer (de travers avec une manche de chemise qui sort), ne pas oublier un pantalon ou une montre dans la chambre d'hôtel, les couloirs sont déserts, le chauffeur est là, petits yeux, qui nous emmène à la gare, on rentre à Delhi.

Le toit de la bagnole est chargé, le coffre aussi. J'aime rouler de bon matin en Inde, il y a un tendre et léger voile sur la lumière de l'aube. On (c'est à dire Guillaume) a réussi à tout caler dans le wagon. Je me suis acheté un bouquin michto (exclamation admirative en langage manouche) sur ce vieux Dilip Kumar (acteur indien qui fût le Shah Ruk Khan d'une autre époque). Il a été, dans Ganga Jumna, un fameux bandit d'honneur, révolté contre l'injustice des propriétaires terriens des hautes castes. C'est aussi je crois le premier film où j'ai admiré la danse de l'actrice Vyjayanthimala...

Hier, nous avons donné le dernier concert de cette tournée en invitant sur scène le jeune joueur de tablâ Avirbhav Verma, (à côté de Ze Luis sur la photo), fils du Pandit Pawan Kumar Verma. C'est un type très fin, ouvert et chaleureux, et son jeu de tablâ nous a vraiment plu. Esma Redzepova, la "Gipsy Queen", a chanté ici, chacun s'en souvient, et le présentateur rappelait, en introduction du concert, que nous avons joué ensemble, Esma et moi, récemment, ainsi qu'avec Gulabi qui vient souvent au Punjab...

 

Nous étions là-bas dans une ville étrange, créée de toutes pièces par Le Corbusier et découpée en secteurs numérotés, c'est comme un écho d'une étrange science-fiction indo-suisse des années soixante. Notre chauffeur Surjit, sikh comme la majorité de la population de Chandigarh, était sans cesse paumé car tout se ressemble et il ne sait sans doute pas lire les panneaux avec les numéros des secteurs (Il n'y a pas de nom, que des chiffres !).

Le climat est très agréable et il y a énormément de jardins, parcs, avenues ombragées, et de l'espace, ce qui est rare dans les villes indiennes... Arrivés à Delhi, nous faisons une halte en attendant notre avion, chez Myriam Kryger. Pendant que ses deux fils, Khoren et Tigrane, se régalent au spectacle de singes savants ambulants, certains roupillent et d'autres en profitent pour vider les boîtes à mails. Et moi, ... j'écris ma dernière lettre. Demain, on se sépare tous les quatre pour quelques jours (le prochain concert est le 23 à Tourcoing, sous un autre climat, j'imagine).

Je vais peut-être enfin découvrir notre nouveau disque tout frais sorti d'usine, Kali Sultana... Merci de m'avoir lu pendant ces quelques jours, j'espère que vous allez bien et que l'automne français (qui nous attend) n'est pas trop humide. Salâm Namaste ! ...

"La beauté est divine
et, plus qu’humaine,
elle naît pourtant d’un simple regard,
des gestes de la servante,
du reflet de sa silhouette dans le lac de Pushkar,
du souvenir de son parfum mêlé à la sueur laiteuse,
du chant du qawwal, prière passionnée,
de l’abandon et de la possession des corps,
de la fatigue qui suit l’effort,
du sourire du gamin édenté comme du silence de l’ascète,
de ton refus digne comme de ma confiance inébranlable.
Hafez l’a si bien dit,
elle est comme la nouvelle lune qui éclaire doucement le chemin des égarés,
puis se retire sous le voile des nuages."

Textes et photos : Titi Robin

Samedi 18 octobre, lever 5h du matin, longue douche froide (oublié de mettre à chauffer l'accumulateur), s'asseoir violemment sur la valise pour réussir à la fermer (de travers avec une manche de chemise qui sort), ne pas oublier un pantalon ou une montre dans la chambre d'hôtel, les couloirs sont déserts, le chauffeur est là, petits yeux, qui nous emmène à la gare, on rentre à Delhi.

Le toit de la bagnole est chargé, le coffre aussi. J'aime rouler de bon matin en Inde, il y a un tendre et léger voile sur la lumière de l'aube. On (c'est à dire Guillaume) a réussi à tout caler dans le wagon. Je me suis acheté un bouquin michto (exclamation admirative en langage manouche) sur ce vieux Dilip Kumar (acteur indien qui fût le Shah Ruk Khan d'une autre époque). Il a été, dans Ganga Jumna, un fameux bandit d'honneur, révolté contre l'injustice des propriétaires terriens des hautes castes. C'est aussi je crois le premier film où j'ai admiré la danse de l'actrice Vyjayanthimala...

Hier, nous avons donné le dernier concert de cette tournée en invitant sur scène le jeune joueur de tablâ Avirbhav Verma, (à côté de Ze Luis sur la photo), fils du Pandit Pawan Kumar Verma. C'est un type très fin, ouvert et chaleureux, et son jeu de tablâ nous a vraiment plu. Esma Redzepova, la "Gipsy Queen", a chanté ici, chacun s'en souvient, et le présentateur rappelait, en introduction du concert, que nous avons joué ensemble, Esma et moi, récemment, ainsi qu'avec Gulabi qui vient souvent au Punjab...

 

Nous étions là-bas dans une ville étrange, créée de toutes pièces par Le Corbusier et découpée en secteurs numérotés, c'est comme un écho d'une étrange science-fiction indo-suisse des années soixante. Notre chauffeur Surjit, sikh comme la majorité de la population de Chandigarh, était sans cesse paumé car tout se ressemble et il ne sait sans doute pas lire les panneaux avec les numéros des secteurs (Il n'y a pas de nom, que des chiffres !).

Le climat est très agréable et il y a énormément de jardins, parcs, avenues ombragées, et de l'espace, ce qui est rare dans les villes indiennes... Arrivés à Delhi, nous faisons une halte en attendant notre avion, chez Myriam Kryger. Pendant que ses deux fils, Khoren et Tigrane, se régalent au spectacle de singes savants ambulants, certains roupillent et d'autres en profitent pour vider les boîtes à mails. Et moi, ... j'écris ma dernière lettre. Demain, on se sépare tous les quatre pour quelques jours (le prochain concert est le 23 à Tourcoing, sous un autre climat, j'imagine).

Je vais peut-être enfin découvrir notre nouveau disque tout frais sorti d'usine, Kali Sultana... Merci de m'avoir lu pendant ces quelques jours, j'espère que vous allez bien et que l'automne français (qui nous attend) n'est pas trop humide. Salâm Namaste ! ...

"La beauté est divine
et, plus qu’humaine,
elle naît pourtant d’un simple regard,
des gestes de la servante,
du reflet de sa silhouette dans le lac de Pushkar,
du souvenir de son parfum mêlé à la sueur laiteuse,
du chant du qawwal, prière passionnée,
de l’abandon et de la possession des corps,
de la fatigue qui suit l’effort,
du sourire du gamin édenté comme du silence de l’ascète,
de ton refus digne comme de ma confiance inébranlable.
Hafez l’a si bien dit,
elle est comme la nouvelle lune qui éclaire doucement le chemin des égarés,
puis se retire sous le voile des nuages."

Textes et photos : Titi Robin