Transamazoniennes sur le Maroni
Dans un ancien bagne, à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, se tenait entre le 24 et le 26 octobre dernier, la cinquième édition du festival des Transamazoniennes. Cette manifestation a rassemblé des talents de la région et des artistes de carrure internationale, devenant ainsi le temps d'un weekend, un carrefour culturel entre Caraïbes, Afrique et continent américain.
Enfin une cinquième édition !
Dans un ancien bagne, à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, se tenait entre le 24 et le 26 octobre dernier, la cinquième édition du festival des Transamazoniennes. Cette manifestation a rassemblé des talents de la région et des artistes de carrure internationale, devenant ainsi le temps d'un weekend, un carrefour culturel entre Caraïbes, Afrique et continent américain.
C’est au camp de la transportation, là où les bagnards transitaient avant d’être envoyés sur leur lieu d’incarcération, que les Transamazoniennes ont planté leur décor… Un choix éminemment symbolique que cette prison aux allures de camp de concentration pour accueillir plus d’un demi-siècle après sa fermeture, un festival dédié à toutes les musiques noires du triangle transatlantique.
Pour sa cinquième édition, la manifestation montée en 1997 "dans la douleur" aura encore une fois brassé large malgré le manque de moyens d’une équipe qui se débat avec tous les problèmes inhérents à cette région. Aux marges de la France, sur les rives du fleuve Maroni, Saint-Laurent, capitale de l’Ouest-guyanais qui fait face au Surinam, est en effet une petite ville qui connaît une explosion démographique, mais aussi de réels problèmes socio-économiques. Chômage et allocations en tout genre rythment le quotidien de la population. C’est donc dans ce contexte très particulier que le régional de l’étape, Michael Christophe, l’âme de ce festival pas tout à fait comme les autres, mobilise toutes les bonnes énergies et vibrations locales pendant trois jours et nuits.
Intitulée Youth & Underground, la première soirée faisait une large place aux talents de la région, à commencer par Prince Koloni, chantre tout soul, tout cool, "porte-parole" des Bushinengue, les noirs marrons qui peuplent le fleuve et la ville. Nul doute qu’il s’agit là d’une très belle voix à suivre, même si on le préfère en formule "aléké", la bande-son locale avec tambours, qu’en format reggae.
Toujours le vendredi 24, le Guadeloupéen Admiral T, débarqué en scène à près de quatre heures du matin, aura confirmé qu’il domine le dance-hall en version française, et originale. De quoi réveiller le public, quelque peu endormi, jusqu’alors. Avant lui, sur un registre voisin, il y eut Natural Black, un natif de Guyana tout de noir vêtu, qui a adopté la Jamaïque et le Négus comme terre promise… Avec tous les clichés qui collent à la peau du style.
De même, Bookman Eksperyans aura un peu déçu : les Haïtiens dont la formule, un compas rehaussé de touches digitalo-rock-et-variétés, a vieillie, même si son propos "engagé" reste d’actualité. Plus que ces deux-là, on retiendra la prestation de Tamango, artiste polymorphe originaire de Guyane, passé par Paris et désormais installé à New York. Seul en scène, derrière son masque, il aura illico happé l’attention avec la danse entêtante de ses claquettes, une véritable leçon de musique. Avant d’être rejoint par un trio de Brésiliens, dont le groove minimaliste et improvisé, fut tout à fait raccord avec ses propres projections…
Chris Combette, parrain du festival
Voyages & Culture, tel était le propos du second soir. Après une mise en jambe, une rencontre "transamazonienne" entre Bookman Eksperyans, Tamango et des Brésiliens, suivie du parrain du festival, l’élégant Chris Combette, toujours aussi sensuel et chaloupé, Gregory Isaacs fut l’un des événements du week-end. Le public est venu pour le dandy rockeur jamaïcain qui, à défaut de faire totalement chaviré la foule, assure le show calibré avec efficacité. Mais c’est le Congolais Diblo Dibala qui mit tout le monde raccord : ses guitares suintent l’esprit de la transe… Atomique. Idéale en cette terre de créolisation à l’œuvre.
Enfin, l’ultime nuit était placée sous le sceau des Passionnés et Spécialistes. Les gagnants des différents tremplins organisés en journée (danse, musique traditionnelle, musique actuelle…) auront ouvert le bal en défilant l’un après l’autre sur scène. Sympathique initiative, même si tous ne proposent pas forcément des musiques au fort pouvoir d’attraction : les tambours s’avérèrent autrement plus perspicaces que les productions digitalisées.
Heureusement, autour de minuit, Davy Sicard aura permis de tracer des perspectives de parallèles et points de connexions avec l’esprit des esclaves de la Réunion. Salué par tout le public, comme le rappeur d’origine haïtienne Kery James, dont les textes trouvaient un écho positif en cette terre pluriculturelle, où tous les peuples qui ont bâti le nouveau monde cohabitent. Après lui, les Anglo-Jamaïcains d’Aswad concluaient ce long week-end de festival, marqué avant tout par l’esprit "rebelle" des Marrons qui peuplent les légendes et l’histoire de la région.
Ecoutez un extrait de
par Prince Koloni
Ecoutez un extrait de
par admiral T