La superproduction de U-Cef
Huit ans après Halalium, un premier album remarqué où il mélangeait drum’n’bass et mélodies arabes, U-Cef revient avec Halalwood. Un deuxième épisode tout aussi concluant où le Marocain pousse le bouchon encore plus loin. Epaulé par Rachid Taha, Damon Albarn ou Natacha Atlas, il lance un pont extrêmement attirant entre musique traditionnelle et titres dancefloor.
Deuxième album, Halalwood
Huit ans après Halalium, un premier album remarqué où il mélangeait drum’n’bass et mélodies arabes, U-Cef revient avec Halalwood. Un deuxième épisode tout aussi concluant où le Marocain pousse le bouchon encore plus loin. Epaulé par Rachid Taha, Damon Albarn ou Natacha Atlas, il lance un pont extrêmement attirant entre musique traditionnelle et titres dancefloor.
U-Cef ne mixe pas que la musique mais aussi les langues. Dans une même phrase, il peut jongler entre français, anglais et arabe. Pas par snobisme, par obligation. Aujourd’hui résident à Londres, ce batteur de formation a grandi au Maroc. Il y monta notamment un groupe de jazz-rock où déjà, il s’essayait à intégrer de la musique arabe dans des compositions occidentales.
Puis ce fut le virage par les Etats-Unis : "Quand je suis parti à New York, explique-t-il, j’avais toujours cette idée de marier le rock et la funk avec des mélodies du Maghreb mais il n’y avait pas forcément de musiciens compétents pour faire ça. Alors j’ai joué beaucoup, de tout, parfois cinq soirs par semaine. C’était une bonne école."
Ce n’est qu’une fois arrivé à Londres que U-Cef revient à ses premières envies, un peu par obligation. "J’ai été forcé d’apprendre le travail en studio. A New York, il y a plein de salles de répétition, la musique est dans la rue. Ici, à Londres, tu ne peux pas jouer que de la batterie, la ville est très isolante. Il y a 10000 studios mais ce sont des chambres !".
Equipé d’un sampler et d’une boîte à rythme, il compose son premier album Halalium en 1999. Un mix très réussi entre la musique de ses racines et les rythmes trip hop et drum’n’bass de l’époque. Ensuite, malgré les huit années d’intervalle, U-Cef assure ne pas avoir chômer : "J’ai bossé comme un acharné. J’ai passé cinq ans sur Halalwood. Ce n’est pas un disque que tu peux faire en quelques mois. En tout cas pas avec mon budget !"
Hendrix version gnaoua
Le Marocain a vu grand pour sa superproduction. Douze titres, douze collaborations avec un spectre très large s’étirant de la musique égyptienne à la drum’n’bass en lésinant du côté du rock et du hip hop. U-Cef ne se perd pas en analyses savantes : "J’ai fait de mon mieux pour créer quelque chose de stimulant." Pas besoin de longs discours pour être immédiatement emballé par le titre MarhaBahia. Le batteur-producteur y entremêle airs traditionnels gnaoui et percussions brésiliennes pour plus de six minutes de transe.
Sur Boolandrix, il ressuscite un pan méconnu de l’histoire du rock des années 1970. "Je voulais associer cette chanson avec la venue de Jimi Hendrix au Maroc, confie-t-il. Il a joué avec des musiciens gnaoui, berbères. Ce titre est ma version de ce qui n’a jamais été enregistré ! C’est basé sur la chanson Samaoui aussi appelé Boolandi."
U-Cef poursuit, à fond dans son sujet : "Il y a plein de rockers qui sont venus au Maghreb. Led Zeppelin allaient jammer avec les Arabes et les Africains. Les compositions de Led Zep sont très différentes de celles des autres groupes rock de l’époque. Je suis sûr que ça vient de ces multiples expériences." Et on comprend l’enthousiasme de l’artiste pour ces expérimentations rien qu’en écoutant Stick, titre écrit en collaboration avec Damon Albarn (Blur, Gorillaz, …). Les deux hommes y malaxent une pop froide traversée de dub et de cordes arabes.
U-Cef ose tout !
Avec Halalwood, U-Cef se situe à la croisée des cultures et des générations. Ses chansons renouent les liens entre toutes les musiques. Le hip hop, le funk et le raï se marient à merveille sur Idman. Les nappes de clavier de Steve Hillage communient en toute quiétude avec les rythmiques traditionnelles de Hilal. Le Marocain s’autorise même un clin d’œil r'n'b sur Hamdou’llah.
Avec l’aide de Rachid Taha, il revisite également Ya Rayah, un des plus gros tubes du franco-algérien. U-Cef raconte : "Je connais Steve Hillage, c’est un très bon pote. J’ai beaucoup de respect pour lui et pour Rachid Taha, ce sont des gens qui repoussent les limites avec majesté. Je leur ai proposé de remixé Ya Rayah. Grâce à eux, cette chanson a été jouée partout et plus seulement au Maghreb. Elle a cassé les frontières. Je rêvais de mettre ma patte dessus. Mais Barclay et Universal sont peu flexibles sur les droits. Quand j’ai reçu l’autorisation, j’ai bien compris que c’était exceptionnel. Bien sûr, on aurait pu faire une reprise mais c’est la version de Rachid qui est connue, c’est celle-là que je voulais. Même pas l’originale de Dhamane El Harachi."
U-Cef ose tout et c'est à ça qu’on reconnaît son talent. Avec la chanteuse Amina Annabi, il reprend un des titres phares d’Oum Kalthoum, Inta oumri. "Amina et moi, on voulait depuis longtemps travailler ensemble. Elle est venue une fois sur Londres pour deux ou trois jours mais elle n’avait pas beaucoup de temps. On a essayé de faire un morceau original, j’avais des beats, des mélodies, elle a commencé à chanter mais j’ai vu que ça allait demander beaucoup de travail. Je lui ai alors proposé cette reprise, elle connaissait déjà la version originale. J’ai ramené deux musiciens, un claviste et un violoniste puis j’ai bouclé le morceau avec des DJs." Un Kalzoom fort respectueux qui à tout pour satisfaire les plus âgés, en séduisant les plus jeunes.
Ecoutez un extrait de
Ecoutez U-Cef dans l'émission de Laurence Aloir
Ecoutez U-Cef dans l'émission de Laurence Aloir
U-Cef Halalwood (Crammed Disc) 2008