Bruno Maman, éternel déraciné
Entre chansons ouvertes à tous les horizons et balades plus intimistes, entre musique gnawa et bals populaires du Nord, Bruno Maman poursuit son chemin singulier sur son nouvel album, Faire l’amour. Depuis plusieurs années, le chanteur français s’est recentré sur l’écriture avec un habillage musical plus dépouillé, une évolution insufflée par Alain Goraguer, arrangeur historique de la chanson française et fidèle mentor.
Des chansons à tous vents pour Faire l’amour
Entre chansons ouvertes à tous les horizons et balades plus intimistes, entre musique gnawa et bals populaires du Nord, Bruno Maman poursuit son chemin singulier sur son nouvel album, Faire l’amour. Depuis plusieurs années, le chanteur français s’est recentré sur l’écriture avec un habillage musical plus dépouillé, une évolution insufflée par Alain Goraguer, arrangeur historique de la chanson française et fidèle mentor.
RFI Musique : L’album s’ouvre sur Léa, une surprenante balade piano-voix. Vous semblez appliquer désormais le précepte d’Alain Goraguer, arrangeur et réalisateur de l’album : “La chanson doit exister avec rien, piano ou guitare.”
Bruno Maman : Alain m’a en effet poussé à trouver ma propre pulsation, en travaillant la composition à l’os, guitare ou piano, et voix. Cela comptait pour moi : j’étais très centré sur le son et la production lors de l’enregistrement de mes deux premiers albums. J’aime toujours le travail de studio aujourd’hui, mais je le fais de manière beaucoup plus spontanée, directe. Et j’ai pu réaliser que parfois, lorsqu’il y a une faiblesse dans la chanson, il est difficile de l’orchestrer. Pour moi, l’essentiel est aujourd’hui la composition, le texte, davantage que les idées d’arrangement.
Quel rôle joue Alain Goraguer depuis l’album précédent ?
Nous avons un rapport affectif, presque père-fils. C’est quelqu’un de très sauvage, mais très vif et en accord avec son temps, malgré son âge avancé. Je me sens parfaitement sécurisé avec lui en studio. Il va toujours au plus simple, pour dire les choses, et pour les faire. J’ai appris avec lui le détachement, à être en studio le temps qu’il faut et rentrer boire un vin blanc frappé en parlant d’autres sujets. On parle d’ailleurs souvent d’autres choses en travaillant. Il arrive souvent qu’Alain intervienne aussi sur les textes, en les commentant ou en tissant des liens avec la musique. Il agit comme une photo que l’on met dans un bain, c’est un révélateur.
Il a accompagné Boris Vian, arrangé Bobby Lapointe ou Gainsbourg. Cet héritage vous intimide-t-il ?
Alain n’aime pas beaucoup que l’on évoque son passé. Quant à moi, j’espère seulement être à la hauteur. Ce qui m’a le plus intimidé, c’est cette capacité à passer d’une étape à l’autre avec une forme de légèreté, de détachement... Et son avis compte sur tout, jusqu’au mixage. Une fois le disque terminé, j’étais un peu fébrile, comme toujours, en attendant ses remarques. Son expérience fait de lui quelqu’un d’incontournable aujourd’hui, y compris pour la jeune génération : j’ai vu qu’Abd Al Malik avait fait appel à lui pour son album…
Parlons de Place de Wazemmes, la chanson emblématique de l’album. Est-ce un hymne aux quartiers populaires ?
C’est d’abord une chanson d’amour qui parle d’un quartier que j’adore, pluricommunautaire, au cœur de Lille. Presque une ville à part entière autrefois peuplée d’ouvriers. Mais comme beaucoup de quartiers populaires, il vient d’être réhabilité, et devient progressivement le quartier préféré des “bobos”. Je l’ai connu à travers le festival de l’accordéon, qui est d’ailleurs un instrument symbolique du brassage des peuples.
Cette chanson a une histoire assez inhabituelle…
Je l’ai “trouvée” un peu par hasard, à l’occasion d’un concours de boule auquel je participe chaque année dans le quartier. En me baladant dans les rues avec ma caméra, j’ai pu capter cette mélodie jouée par un bagad (fanfare de musique bretonne, ndlr). J’ai écrit le texte dans la soirée. Plus tard, j’ai retrouvé le compositeur et lui ai annoncé, à son grand étonnement, mon intention d’enregistrer la chanson. Puis je l’ai invité à m’accompagner à l’accordéon sur la scène du Bataclan. Un grand moment. J’aimerais commencer une vraie collaboration artistique, je lui ai d’ailleurs demandé s’il avait d’autres airs traditionnels à me fournir.
Depuis vos débuts, une obsession demeure, celle du déracinement.
Je parlerais plutôt d’une culture du déracinement transmise par mes parents, pieds-noirs algériens installés à Metz. J’ai grandi avec le souvenir d’un paradis perdu que je n’ai pas connu, d’une langue, l’arabe, que je ne parle pas. Et bien qu’étant français, je ne me sens pas appartenir qu’à une seule culture, ce que j’explique en creux dans Je ne suis pas d’ici. En même temps, comme mon ami Rachid Taha, cela me laisse un peu plus libre musicalement : je peux passer du musette à des rythmes arabes ou jouer du rock avec un guembri (guitare gnawa, ndlr). L’absence d’enracinement peut être synonyme de liberté.
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avec Bruno Maman
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Bruno Maman Faire l’amour (AZ/Universal) 2008
Prochainement en tournée en France…