Moriarty & Moriba Koita à Africolor
Dans le cadre du festival Africolor, le groupe folk Moriarty a invité ce vendredi 28 novembre, le joueur de ngoni, Moriba Koita afin d’explorer ensemble les racines africaines du blues. Pleine de surprises hypnotiques, la soirée a surtout permis de mettre en évidence les liens forts qui unissent Moriarty et Moriba Koita, bien au-delà de la gamme pentatonique…
Sur les routes
Dans le cadre du festival Africolor, le groupe folk Moriarty a invité ce vendredi 28 novembre, le joueur de ngoni, Moriba Koita afin d’explorer ensemble les racines africaines du blues. Pleine de surprises hypnotiques, la soirée a surtout permis de mettre en évidence les liens forts qui unissent Moriarty et Moriba Koita, bien au-delà de la gamme pentatonique…
Sur la scène de la petite salle de l’Odéon à Tremblay-en-France, Philippe Conrath, directeur du festival Africolor, monte sur scène pour dédier le concert à tous les jeunes africains à qui l’Europe refuse un visa et qui prennent la mer pour tenter l’aventure. Puis, il présente le concert : Moriarty invite le griot Moriba Koita, une création très transversale du festival Africolor, censée explorer les racines africaines du blues.
Voyage nocturne
Moriarty ouvre le concert, à six comme d’habitude. Après deux morceaux au souffle très inspiré, quasiment chamaniques, Moriba Koita, vêtu d’un grand boubou en bazin, monte sur scène. Tous les amateurs de musique africaine de la région parisienne le savent : Moriba est partout. Très sollicité, il accompagne tous les meilleurs groupes d’Afrique de l’Ouest sur les scènes de Paris et du monde... Pedro Kouyaté, joueur de calebasse, également malien, se joint à eux. Puis, Rosemary, la fée enchanteresse de Moriarty, propose de sauter dans un tramway nocturne entre Tokyo, la Nouvelle-Orléans, Bamako et Tremblay-en-France. C’est parti, nous voilà sur la route…
La route, un dénominateur commun qui relie les membres de Moriarty entre eux et Moriarty à Moriba Koita. Le groupe a choisi ce nom en hommage à Dean Moriarty, le héros désenchanté du roman initiatique, Sur la Route, de Jack Kerouac. Arthur (guitare) et Thomas (harmonica) ont eux aussi pris la route au début des années 2000 : "On avait l’idée d’aller en Afrique pour chercher les racines africaines de la musique nord-américaine. On a sillonné différents pays comme le Mali, le Burkina, le Sénégal, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, raconte Thomas. On enregistrait des musiciens et parfois on jouait avec eux, comme avec Ali Farka Touré par exemple. Ensuite, on a été aux Etats-Unis entendre les ressemblances qu’on pouvait trouver dans ces musiques. On n'a rien trouvé de révolutionnaire, mais on s’est enrichi. Disons que la musique que joue Moriarty a ses racines en Afrique de l’Ouest parce qu’elle est inspirée par des musiques folkloriques nord-américaines aux gammes proches de celles que Moriba joue, comme la gamme bambara. Et puis, il faut aussi dire que j’ai travaillé pendant un an à Africolor et que j’ai accompagné Moriba sur la route, en tant que tourneur et manager… Nous sommes restés proches, c’est pour cela qu’on souhaitait cette rencontre… "
Moriba Koita, qui a travaillé la nuit précédente jusqu’à neuf heures du matin sur Gee Whiz But This Is A Lonesome Town, l’album de Moriarty, rappelle que la force de l’histoire qui les réunit, ne doit pas être oubliée. "C’est la gamme pentatonique, utilisée dans le blues et dans la musique bambara qui nous réunit, oui bien sûr ! Mais j’adore ce qu'ils font, c’est aussi cela qui me permet de rentrer dans leur musique".
Ouvertures
Moriba Koita, ravi d’être là, apporte une touche intemporelle à Lily ou Jimmy, les tubes de Moriarty. Il joue le rôle de l’aîné donnant le top départ des morceaux et blaguant avec le public : "Ce n’est que le début du commencement !" prévient-il. Bientôt, les musiciens s’éclipsent de la scène : la chanteuse Rosemary et Moriba reprennent Miniyamba, (le Grand Bois), un traditionnel bambara. Emue, elle ne quitte pas les paroles en bambara du regard. Moriba, les yeux clos, entonne le refrain avec elle.
Avant le concert, Charles (guitare) rappelait que cet été Moriarty avait été invité au festival Sakifo à La Réunion et que Rosemary avait appris quelques mots de créole pour présenter les morceaux : "Cela nous fait un bien fou d’ouvrir notre univers très défini à d’autres. A la Réunion, où nous sommes restés une semaine, on a beaucoup joué avec Danyel Waro, c’était extrêmement fort. Chez lui, il y a de la musique tout le temps. Et ce qui est intéressant pour nous, c’est que le maloya n’est pas mélodique du tout. C’est très percussif, donc cela a été une expérience assez unique. Lundi dernier, dans un autre style, nous avons joué un morceau avec le groupe de folk Jack The Ripper dans le cadre de leur projet d'album de duos, Fitzcarraldo. Mais dans la musique de Moriba comme dans celle de Danyel, c’est le côté hypnotique qui nous attire. On aime bien aussi dans nos morceaux répéter les mêmes motifs, faire tourner des boucles à l’infini."
Après la délicieuse reprise de Dépêche Mode, Enjoy the silence, Moriarty quitte la scène. Rappel magique avec la chanson Fireday, où s’engage un dialogue complètement halluciné entre l’harmonica de Thomas et le ngoni de Moriba. A la fin du morceau, Moriba prend la parole. "J’aime beaucoup ce morceau. Comment il s’appelle ? Ah Fireday. Et en français ? Jour de feu. C’est un très beau morceau".
Arthur, l’autre voyageur ouest-africain prend à son tour la parole "Au départ, on devait explorer les racines africaines du blues, et finalement les morceaux que Moriba préfère sont les moins bluesy !" Ils enchaînent sur Whiteman’s ballad, (La balade des blancs becs), petit carnet de choses vues pendant leurs neuf mois de voyage transcontinental. Moriba se lève de sa chaise et se met à jouer du ngoni par "dos", à la manière d’un Jimi Hendrix. Il précise : "Chez nous, les griots font ce geste quand ils sont très contents, quand ils sont bien à l’aise, ou qu’ils veulent montrer leur virtuosité. C’est naturel ! Les griots bambaras, les Sarakolés, mais aussi les Peuls ou les Tamasheqs quand ils accompagnent le bétail aux champs font cela aussi ! Nous n’avons pas attendu Jimi Hendrix pour le faire !". Les racines du blues poussent là où on ne les attend pas !