Maalesh, tout en douceur

Lauréat du prix Musiques de l’océan Indien en 2007 et ancien vainqueur du concours Découvertes de RFI, le Comorien Maalesh réussit avec son troisième album Yelela, sous-titré "Afrique du soleil levant", à planter un décor et à suggérer des images à travers ses chansons empreintes de simplicité qui bercent les esprits. Un voyage aussi dépaysant qu’apaisant.

À regarder de près la carrière de Maalesh, il n’y a guère de doute : la visibilité d’un artiste n’est pas forcément fonction du nombre de lignes que compte sa discographie. Depuis qu’il a remporté en 1995 le prix Découverte de RFI à Dakar, le chanteur comorien n’a enregistré que trois albums, et pourtant son CV musical est d’une densité difficilement imaginable, rempli chaque année de concerts et tournées effectuées en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique ou encore dans l’océan Indien. "Je suis un peu le chemin de Francis Cabrel : il ne fait pas des chansons tous les jours, mais quand c’est le cas il donne tout de lui", commente-t-il quelques semaines après avoir justement pris part à la 28e édition des Rencontres d’Astaffort montées par la vedette française à laquelle il se réfère.

A 47 ans, Maalesh nourrit toujours l’ambition de faire davantage connaître sa musique, tout en reconnaissant qu’il n’est pas "du genre à être affamé ou assoiffé de quelque chose". Lui, l’habitué des festivals, voudrait bien "passer de la petite à la grande scène", devenir une vraie tête d’affiche. Mais pas à n’importe quel prix. Quitter Moroni pour s’installer à Paris, "parce que c’est là que tout se passe", ne l’a jamais vraiment tenté. "Si je dois encore apporter un problème de plus en terre française, je préfère rester aux Comores", sourit-il.

L’expatriation est en réalité une expérience qu’il a déjà vécue. La première fois, il avait quinze ans. Lorsque l’archipel des îles de la lune cesse d’être une colonie française après le référendum d’autodétermination organisé en 1975, la nouvelle République islamique des Comores manque cruellement d’enseignants pour ses écoles. "Le pays a pris son indépendance et moi j’ai pris la mienne", résume le chanteur.

Vers la Tanzanie

A bord d’un bateau qui transporte des zébus, il monte clandestinement. L’embarcation met le cap sur les côtes africaines et accoste à Mombasa, en Tanzanie. Sur place, le jeune garçon ne connaît personne. "Tout ce que j’avais, c’était une vieille guitare, très mauvaise mais qui sonnait", raconte-t-il. Grâce à sa capacité à savoir imiter ce qu’il écoute en utilisant les quelques accords que lui avait appris son compatriote Abou Chihabi, l’une des figures de la musique comorienne, il est rapidement remarqué.

On lui propose de travailler dans les clubs et les hôtels "pour faire danser les touristes". Une bonne école pour développer son sens musical. Chaque semaine, il doit enrichir son répertoire de nouvelles reprises de tubes internationaux afin de satisfaire la clientèle. L’aventure dure trois ans. Revenu sur sa terre natale, il choisit de l’abandonner à nouveau pour une autre destination : "C’était en 1982, l’Arabie saoudite venait de s’ouvrir et tout le monde y partait pour les pétrodollars. Là-bas, je ne faisais pas de musique : j’étais vendeur de cigares. Un beau jour, après huit ans, je me suis dit que je ne voyais pas la vie de cette façon, et je suis reparti au pays pour ne faire que de la musique. Ça ne me rapporte pas les sous que je gagnais avec les cigares, mais je m’enrichis en rencontrant d’autres gens, en découvrant d’autres pays. J’ai gagné plusieurs prix, donc ça valait la peine."

Nouvel album, Yelela

 

De ses séjours en Afrique et en Arabie, les deux mamelles de la culture comorienne, Maalesh a rapporté les ingrédients d’une recette qui lui a permis d’être la révélation du Masa (Marché des arts et spectacles africains, à Abidjan) en 1995. Yelela, son nouvel album enregistré lors d’un passage en France, met un peu plus en valeur cette identité, résultante d’une alchimie aussi naturelle que personnelle. "Je ne suis pas un laboratoire. Tout ce qui passe dans mes oreilles, si c’est bon pour moi, ça reste quelque part. Quand je fais un morceau, je n’ai pas besoin de fouiller ma mémoire, il y a toujours cette façon orientale de faire bouger la vague", explique le chanteur.

En studio, entouré de la poignée de musiciens qui l’accompagnent sur scène et de quelques invités, il a tenu à conserver la simplicité de ses morceaux acoustiques portés par les mélodies. "On m’a toujours reproché de faire de la musique douce", remarque Maalesh. "Mais qui n’a pas besoin d’un câlin dans ce monde où nous vivons, speedés, secoués, avec tant de points d’interrogations dans la tête ? Après une bonne journée de travail, quand on rentre chez soi, on a envie de sentir qu’il y a quelqu’un qui nous masse le corps. Et je crois qu’on a aussi envie d’écouter des choses qui nous amènent à positiver, à rêver." Pourquoi résister ?

Maalesh Yelela (Marabi/Harmonia Mundi) 2008