Les Fils de Teuhpu font leur cinéma
Une recréation étonnante autour de Buster Keaton
13/01/2009 - Paris -
En marge de leur répertoire de fanfare acoustique, les festifs Fils de Teuhpu se sont lancés dans un projet un peu à part : recréer la bande son de deux films muets de Buster Keaton. Entre séquences rythmées et longues plages électriques, les six musiciens remettent le comique "qui ne rit jamais" au goût du jour et s’offrent une nouvelle jeunesse musicale. Un ciné-concert à retrouver en bonus sur Camping Sauvage, prochain album du groupe, annoncé en mars 2009.
L’idée trottait depuis quelques temps au sein de la bande. "On en discutait entre nous pour rigoler et un jour notre tourneur était là. Lui, il y a pensé très sérieusement" explique Poumchack, le batteur du groupe.
François, multi-instrumentiste, confirme : "Il y avait aussi une réalité économique. On tourne depuis plus de dix ans sans quasiment jamais s’arrêter. Pour un tourneur, ça devient un problème de devoir toujours trouver des dates."
Les Fils de Teuhpu, fanfare funk aux plus de 1000 concerts, se sont donc attelés à un projet à part, un labeur long de dix-huit mois : recréer la bande musicale de deux œuvres de Buster Keaton. Puis l’interpréter en public et en direct, en se synchronisant sur la projection vidéo.
Le groupe a terminé l’année 2008 par un de ces ciné-concerts dans la toute récente salle d’Alfortville, en banlieue parisienne. Habitués aux scènes les plus incongrues, les six musiciens bénéficient de conditions de représentation des plus confortables. Pour Poumchack, c’était aussi une des raisons d’être de ces "Fils de Buster" : "Toucher d’autres endroits. On a toujours joué dans la rue pour un public très ouvert, très large. Le fait de monter sur scène et de devenir professionnel, ça a un peu fermé le truc, avec essentiellement des festivals et des jeunes. Nous, ça nous éclate à chaque fois de jouer devant des publics familiaux. Ça nous manquait d’avoir aussi ça. Ce projet nous permet de jouer dans des endroits où le public nous connaît peu ou pas. Nous retrouvons la personnalité du groupe qui est de jouer devant tout le monde."
Le dogme de l’acoustique
La scène est scindée en deux, à gauche un écran géant, à droite les Fils de Teuhpu dans une ambiance rouge tamisée. Sur le premier court métrage, One Week, les Fils de Teuhpu offre une prestation enlevée, en osmose avec le rythme hallucinant des séquences. François s’éclate avec une tripoté d’instruments incongrus. Le groupe évolue, avec maîtrise, dans un registre burlesque acoustique, voisin de son répertoire habituel.
La surprise vient avec Sherlock Junior, moyen métrage de 43 minutes. Loin des gags virevoltants du premier film, Buster Keaton prend ici le temps de poser ses personnages. Les six musiciens, qui composent tous ensemble, ont du développer leur créativité et leur champ d’intervention. Autrement dit : rebrancher leurs instruments. Quasiment un sacrilège !
Un bienfait plutôt, comme le confirme Poumchack : "Nous avons retrouvé le plaisir de jouer de la musique sans considération de forme, sans nous demander si oui ou non, ça sonnait Fils de Teuhpu." Et le groupe s’en est donné à cœur joie. Il profite d’une scène où Buster Keaton s’imagine en grand détective pour se lancer dans un surprenant délire expérimental. L’hilarante course poursuite finale sera l’occasion d’une longue envolée Blaxploitation, grosse basse et guitare wah-wah à fond.
On quitte radicalement l’univers de la fanfare funk pour s’aventurer dans le rock, le jazz, l’expérimental. Sous leur aspect de joyeux lurons, solidement doués pour mettre l’ambiance, les Fils de Teuhpu nous avaient caché le principal : ce sont aussi des musiciens doués et inspirés. Ce projet des Fils de Keaton a ouvert une brèche qui n’est pas près de se refermer. Le groupe compte bien dorénavant mener de front ses deux répertoires. Et maintenant que le dogme du "tout acoustique" est brisé, Camping Sauvage, le prochain album des Fils de Teuhpu risque d’offrir de très belles surprises.
Ludovic Basque