Lindigo, un maloya couleur océan

Révélation 2006 des festivals Sakifo (la Réunion) et Africolor (Seine Saint-Denis), Lindigo, le groupe qui fait parler de lui à la Réunion, débarque en métropole avec Lafrikindmada, un troisième album paré des couleurs indiennes, africaines et malgaches de l’île de la Réunion.

Richesses réunionnaises

Révélation 2006 des festivals Sakifo (la Réunion) et Africolor (Seine Saint-Denis), Lindigo, le groupe qui fait parler de lui à la Réunion, débarque en métropole avec Lafrikindmada, un troisième album paré des couleurs indiennes, africaines et malgaches de l’île de la Réunion.

Ils s’étaient aventurés à explorer les racines malgaches du maloya. Les musiciens de Lindigo, ont décidé pour leur troisième album de rendre hommage à tout ce qui fait la richesse de leur île : le métissage. Lafrinkindmada, fait donc le tour de la Réunion entre les communautés créoles, malgaches, malbars (hindoues) et rend hommage aux ancêtres venus des Comores, du Mozambique, d’Inde ou de Madagascar pour travailler sur les plantations de canne de l’île de la Réunion.

Sacrés granmoun

Olivier Araste, la puissante voix lead de Lindigo symbolise parfaitement ce carrefour culturel et musical qu’est la Réunion. Il a grandi à Paniandy, un quartier malgache de Bras-Panon, une petite ville de l’est de l’île coincée entre Saint-André et Saint-Benoît. Enfant, sa grand-mère maternelle, née au Mozambique, lui chante des airs d’Afrique de l’Est, tandis que son arrière-grand-père malgache ne parle pas un mot de français. "Quand nous étions gamins, on ne pouvait pas déranger les granmoun (anciens) pour avoir des détails mais on volait des petits bouts d’histoire malgaches en jouant. On n’y faisait pas vraiment attention, jusqu’au jour où je me suis rendu compte que je portais en moi tout cet héritage".

Comme beaucoup d’enfants de l’île, Olivier apprend de son père les chants dans les plantations de canne. "C’était pour nous encourager au moment de la récolte, mais très vite nous avons été contents d’aller couper la canne, pour l’ambiance… ". Sa famille compte en effet de sacrés ambianceurs, à commencer par son père, chef tambouyè dans les cérémonies malbars des descendants des tamouls venus d’Inde pour travailler dans la canne. "Mon père avait un cabanon derrière l’usine Bois-Rouge, juste à côté du temple malbar. Lorsqu’on était enfants, les jours de cérémonies, on courait vitement pour aller chercher des bananes, des cocos, pour le temple. La chanson Pandialy raconte donc cela".

Du côté de sa mère, le granmoun joue de l’harmonica dans les servis malgas, qui sont à peu près l’équivalent des servis kabaré créoles, ces fêtes où l’on danse et où l’on chante le maloya toute la nuit. "Selon les régions, il y a des différences, précise Olivier. A l’est de l’île, on danse et on chante en malgache ou en créole, pour communiquer avec les ancêtres et rentrer en transe. A l’ouest et au sud de l’île, les servis kabaré racontent en créole la vie de tous les jours. Si mon voisin me doit de l’argent je pourrais par exemple le chanter dans la soirée".

Olivier Araste grandit donc entre les soirées de transe de la communauté malgache et les rituels initiatiques des cérémonies hindoues. "Ma famille est très métissée, mais c’est vraiment courant à la Réunion. Ma femme, Lauriane, aux chœurs et au kayamb dans Lindigo, a aussi une famille qui vient de tout l’océan Indien et les six musiciens aussi".

Maloya nouvelle génération

Dans cette société réunionnaise finalement assez cloisonnée, où les communautés se mélangent peu, Lindigo représente un visage contemporain de l’île dans lequel tous les Réunionnais peuvent se retrouver. "Si les communautés se mélangent peu dans la vie de tous les jours à la Réunion, à travers la musique, dans les servis kabaré, tout le monde se retrouve et personne n’est exclu : c’est donc ce que nous avons voulu restituer dans notre disque".

Le maloya métissé de Lindigo se chante en créole et en malgache et réunit toutes les générations. "Au début, en 1999, il fallait oser...Ce n’était pas courant comme musique. Mais les gens se sont retrouvés dans ce mélange et dans notre premier album Misaotra Mama en 2004. Alors des deejays nous ont demandé des morceaux pour les remixer. Puis, on s’est dit que notre musique était dansante, et nous sommes allés jouer en live dans des discothèques. On a été les premiers à le faire et ça a vraiment bien marché".

Aujourd’hui, leur dernière création, Lafrikindmada porte la force des ancêtres et l’offre aux jeunes générations. "Dans Bakoko, je remercie par exemple mon arrière-grand-père comorien de m’avoir donné la vie, et je raconte son arrivée par bateau sur l’île de la Réunion, en 1902. Il est venu de son propre gré pour construire le chemin de fer. Il est mort à 108 ans, c’était un guerrier". Cette histoire, c’est bien sûr celle des mouvements migratoires dans l’océan Indien, qui parle aux anciens et éduque les plus jeunes. "Dans Nasyon Ocean, un big up maloya à tout l’océan Indien, je voulais rendre hommage aux pays qui nous entourent. Car grâce à eux, La Réunion est ce qu’elle est aujourd’hui". Et Lindigo reflète une image fidèle de cette société réunionnaise métissée.

Ainsi, début novembre 2008, malgré une pénurie d’essence sur l’île, 4000 personnes sont venues pour le lancement de l’album au champ foire de Bras Panon applaudir Lindigo et les amis du groupe, venus jouer pour l’occasion : Willy Philéas, l’un des fils de Granmoun Lélé et Davy Sicard, tenants de la nouvelle génération maloya. Dans le public, Olivier Araste a reconnu des créoles, des malbars, des métros, des chabins, des Malgaches, des métisses, bref la Réunion en miniature.

 Ecoutez un extrait de

Lindigo Lafrikindmada (Lindigo Productions) 2009