René Lacaille et son <i>Cordéon Kaméléon</i>
Accordéoniste réputé dont la carrière ressemble à un joyeux vagabondage musical, René Lacaille a toujours le regard tourné vers l’océan Indien. Avec Cordéon Kaméléon, un double CD en guise de cinquième album, le Réunionnais installé en France métropolitaine depuis trente ans repart sur les chemins de son île natale, entouré entre autres par Danyel Waro, André Minvielle ou encore Bumcello.
Un cinquième album bigarré
Accordéoniste réputé dont la carrière ressemble à un joyeux vagabondage musical, René Lacaille a toujours le regard tourné vers l’océan Indien. Avec Cordéon Kaméléon, un double CD en guise de cinquième album, le Réunionnais installé en France métropolitaine depuis trente ans repart sur les chemins de son île natale, entouré entre autres par Danyel Waro, André Minvielle ou encore Bumcello.
Il a posé devant la fenêtre le portrait d’Alain Peters qu’on lui a offert un peu plus tôt. Ce soir, René Lacaille aura l’impression de partager sa chambre d’hôtel avec son ancien complice disparu en 1995, et cette idée semble le rendre heureux. Dans ses yeux comme dans sa voix, se lit toute sa tendresse à l’égard de cet ami perdu, artiste écorché devenu un personnage quasi légendaire de la musique réunionnaise. Les deux hommes ont écrit ensemble quelques pages de cette histoire, et ce passé-là habite toujours le présent de René, au point de rejaillir dans le titre de son nouvel album : Cordéon Kaméléon.
L’expression résume le musicien - accordéoniste capable de se fondre dans n’importe quel environnement – et fait en même temps allusion au fameux groupe Caméléon, formé par René Lacaille et Alain Peters. La première chanson évoque d’ailleurs cet épisode. Comme pour planter le décor : "C’est une façon de rappeler qu’on était là, qu’on était des pionniers", rappelle René Lacaille. L’aventure n’a duré que trois ans tout au plus mais elle fut "intense". A l’époque, René Lacaille jouait de la guitare. Surtout du rock progressif : Yes, Genesis et King Crimson, dont Peters était fan. Ce répertoire anglais était très apprécié par la jeunesse réunionnaise. Les concerts avaient lieu dans des stades, les salles de spectacle s’étant vite révélées trop petites.
Sur le plan discographique, Caméléon n’a guère été productif. Pourtant, la joyeuse bande insouciante vivait dans un studio d’enregistrement, à Saint-Joseph. L’essentiel était ailleurs, dans ces interminables bœufs entre musiciens qui ont donné naissance au maloya électrique. C’est aussi là que René a découvert la batterie : "Il y en avait une, montée en permanence. Pendant deux ans, j’en ai joué quatre heures par nuit tandis que les autres dormaient". Jusqu’à tomber de fatigue sur le petit matelas qu’il avait installé à côté. Trente ans plus tard, René Lacaille a décidé de s’y remettre. Pour la scène, lorsqu’il présentera ses morceaux.
Premières amours
Retrouver les instruments qu’il avait délaissés depuis de nombreuses années, le sexagénaire réunionnais en a eu envie sur Cordéon Kaméléon. "Après les concerts, certains me disaient parfois qu’ils auraient aimé m’entendre à la guitare parce qu’ils m’ont connu à une autre période. " Celle où il avait rangé son accordéon. Trop ringard. "Quand tu en jouais, tu te faisais siffler. Verchuren et quelques autres ont tué l’accordéon. Moi, je voulais rester dans le coup, alors j’ai pris les guitares. Et là, c’était plus facile avec les copines…", sourit-il.
Le musicien de l’océan Indien n’a renoué avec ses premières amours qu’en 1992, à l’occasion du Printemps de Bourges. Danyel Waro, chantre du maloya, y faisait la première partie de Jacques Higelin. "La soirée était magique. J’ai ri, j’ai pleuré tellement c’était fort", se souvient René. "Lorsqu’on s’est tous retrouvés à table, Higelin s’est mis à l’accordéon. Et dès que je suis rentré chez moi, j’ai ressorti le mien." Pour ne plus le lâcher. Il évoque les "mauvaises habitudes" prises depuis l’enfance avec cet instrument qui lui servait de jouet, oubliant de mentionner que, très jeune, il était déjà aux côtés de son père pour animer les bals.
A l’écouter parler du talent de Raul Barboza, André Minvielle et quelques autres amis accordéonistes, il passerait presque pour un débutant ! Le parcours de ce Saint-Leusien aujourd’hui Grenoblois ne manque pourtant pas de références. Cinquante-cinq ans de musique dans des registres très variés, une succession de rencontres en guise de carrière, avec pour seul fil directeur le plaisir de jouer en participant sans cesse à de nouveaux projets. A plusieurs, de préférence. "C’est comme boire un coup : ça se partage, sinon ce n’est pas très excitant."
Que son cinquième album ait des allures d’aventure collective ne s’avère donc guère surprenant. Tout au long de l’enregistrement des vingt-neuf morceaux (dont dix-sept instrumentaux), il a su rester au contrôle et trouver la place qui convenait à chacun de ses invités. Afin d’exploiter au mieux le potentiel de ses propres chansons. Les copains de longue date ont bien sûr été conviés à la fête : l’Américain Bob Brozman, Danyel Waro, Denis Péan de Lo’Jo, André Minvielle et Loy Erlich, ex-Caméléon aujourd’hui avec Hadouk trio. Sans oublier les plus jeunes, comme le chanteur Loïc Lantoine avec lequel l’accordéoniste réunionnais travaille depuis plusieurs années. Ou encore Vincent Segal et Cyril Atef de Bumcello, rencontrés sur les routes. Pour René Lacaille, la musique n’est pas qu’une question de notes. C’est d’abord une histoire humaine.
Ecoutez un extrait de
René Lacaille Cordéon Kaméléon (2 CD) (Connecting Cultures/Rue Stendhal) 2009
En concert le 21 mars 2009 à Illkirch (67) pour le festival du Printemps des bretelles.