Disparition d'Alain Bashung
Le chanteur Alain Bashung est mort samedi 14 mars à l’âge de 61 ans des suites d'un cancer du poumon. Avec sa classe indémodable et son univers sombre et parfois difficilement accessible, il fut l’un des artistes les plus fascinants de son époque. Retour sur la vie mouvementée d’un poète qui va terriblement manquer à la chanson française.
Un grand nom du rock français s'en va
Le chanteur Alain Bashung est mort samedi 14 mars à l’âge de 61 ans des suites d'un cancer du poumon. Avec sa classe indémodable et son univers sombre et parfois difficilement accessible, il fut l’un des artistes les plus fascinants de son époque. Retour sur la vie mouvementée d’un poète qui va terriblement manquer à la chanson française.
En février dernier, Alain Bashung raflait les récompenses aux Victoires de la musique. Il était sacré "Artiste masculin de l’année", son dernier opus Bleu pétrole remportait la Victoire du "Meilleur album" et ses concerts celle de la "Meilleure tournée". Son cancer l’avait déjà affaibli mais il continuait à donner de superbes récitals, gonflés d’une émotion saisissante. Alain Bashung s’en est allé ce 14 mars, et on l’entend encore chanter "J’crains plus la mandragore/ J’crains plus mon destin / J’crains plus rien" sur Angora. Bashung faisait partie de ces artistes humbles et entiers, qui ne cherchent ni la gloire ni l'idolâtrie. Farouchement fidèle à son instinct, faisant fi des critiques et des mauvaises langues, il a mené une carrière qui restera l'une des plus atypiques et des plus intéressantes du paysage rock français.
Né à Paris le 1er décembre 1947, Alain Bashung grandit dans la campagne alsacienne avec pour bande-son les chants d'églises, la radio allemande et la chanson française. Ses premières idoles sont Georges Brassens et Serge Gainsbourg. De retour en région parisienne à treize ans, il découvre les rois du rock n’roll américain : Buddy Holly, Gene Vincent, Elvis Presley… Une révélation. En 1962, le jeune Alain fonde avec quelques amis un groupe mélangeant rockabilly, country et folk américain. Ils tournent en France pendant deux ans, avant qu’Alain n’obtienne son BTS de comptabilité et n’intègre l'entreprise Rhône-Poulenc sous la pression familiale. Il n'y fera pas long feu.
Très vite, il revient à Paris et chante presque tous les soirs avec son groupe dans les bars de la capitale. En 1966, il sort son premier 45 tours, Pourquoi rêvez-vous des Etats-Unis, suivi l'année d'après de T'as qu'à dire Yeah. Le succès n'est pas au rendez-vous et démoralise le jeune chanteur. La première récompense arrive en 1968 : Alain Bashung atteint la 28e place du hit-parade de Salut les copains avec Chère petite chose. Deux ans plus tard, sa rencontre avec le parolier de Serge Gainsbourg Boris Bergman accélère sa carrière. En 1977, Bergman lui fait enregistrer son premier album sous son nom : Roulette Russe. Le titre Bijou Bijou connaît un vif succès. Mais c'est véritablement en 1980 que la roue tourne pour Alain Bashung, grâce à Gaby oh Gaby, qui se vend à des millions d'exemplaires. Grâce au tube Vertige de l'amour, l'album Pizza connaît le même destin en 1981.
Malgré des différents avec son ami Boris Bergman, Alain Bashung poursuit son ascension. En 1981, il remplit l'Olympia et collabore pour son plus grand bonheur avec Serge Gainsbourg sur l’album Play Blessures. Deux ans plus tard, il devient papa et rompt avec la noirceur totale et la drogue. Il renoue avec Bergman en 1986 et enregistre en Angleterre Passé le Rio Grande, qui recevra la Victoire du meilleur album de l’année 1987. Il profite de cette période faste pour tenter sa chance en tant qu'acteur, entre deux concerts. Les tournages lui prennent beaucoup de temps et il faut attendre 1991 pour entendre son nouvel album, Osez Joséphine, pour lequel il reçoit trois Victoires de la musique.
En 1998, l’artiste revient avec Fantaisie militaire. Un album particulièrement personnel dans lequel Bashung (qui vient alors d'atteindre la cinquantaine) parle plus ouvertement que jamais des blessures de la vie. Sa sensibilité doublée de simplicité et d’autodérision touche une nouvelle fois le jury des Victoires de la musique, qui lui attribue trois trophées en 1999, dont celui d’Artiste masculin de l’année.
Alain Bashung s’épanouit également dans sa vie personnelle. Au mois de juin 2001, il épouse Chloé Mons, de 26 ans sa cadette, avec laquelle il était devenu papa pour la seconde fois quelque mois plus tôt. En 2003, il sort avec elle un album sublime (Le Cantique des cantiques) et un autre, en solo : L'imprudence, opus ténébreux aux plages longues et poignantes. Le meilleur de la carrière du chanteur aux dires des amateurs. Enchaînant concerts et tournages de films, Alain Bashung ne revient avec un nouveau disque qu’en mars 2008.
Personne n’est déçu par son Bleu pétrole, qui rompt avec sa traditionnelle poésie noire. Avec des arrangements plus classiques et des paroles plus accessibles, Bashung séduit un large public et déroute encore ceux qui voulaient lui coller une étiquette. Comme peu d’artistes, il a toujours su rester au goût du jour sans se trahir. C'est cette force et cette détermination qui ont permis à Alain Bashung de traverser modes et décennies pour, à chaque fois, renaître de ses cendres.
Pauline Borde et Fleur Delahaye
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