L’ode à la Méditerranée d’El Sikameya
Chanteur et violoniste oranais formé à l’école de la musique arabo-andalouse, Akim el Sikameya renoue avec l’esprit de tolérance qui régnait dans le sud de l’Espagne à la fin du Moyen-âge. Enrichi de grooves funky, latino, tsigane, Introducing El Sikameya, son tout nouvel album aux parfums de miel, de fleur d’oranger et de cannelle, est bien plus qu’un simple hommage.
Une irrésistible gourmandise
Chanteur et violoniste oranais formé à l’école de la musique arabo-andalouse, Akim el Sikameya renoue avec l’esprit de tolérance qui régnait dans le sud de l’Espagne à la fin du Moyen-âge. Enrichi de grooves funky, latino, tsigane, Introducing El Sikameya, son tout nouvel album aux parfums de miel, de fleur d’oranger et de cannelle, est bien plus qu’un simple hommage.
"J’ai quitté Oran pour venir vivre à Marseille, ville dont je suis parti un jour pour rejoindre Paris", relate Akim El Sikameya avant de claironner : "Je bouge tout le temps !" Naturellement, son esprit divague entre les deux rives de la Méditerranée. "Parfois, je me dis que c’est moi qui fais les choix, parfois, je me dis que c’est le destin, mon destin, le mektoub comme on dit en Afrique du Nord." Sans vraiment chercher à apporter une réponse à cette épineuse question, le chanteur et violoniste reconnaît avoir eu, à un moment de sa vie, envie de voir le monde, de tracer sa route. Quand il arrive à Marseille, il ne se sent vraiment pas dépaysé : "La même mer, le même soleil et des habitudes de vie très proches".
C’est sur le label marseillais Esengo qu’il publie en 1999 Atifa. Un premier opus rapidement agrémenté d’un CD 4 titres (Oumi), dont trois enregistrés au Paléo festival de Nyon, en Suisse. Salué par la presse - qui met en exergue sa fine voix de contre-ut et ses univers inspirés du répertoire arabo-andalou - Akim gagne en assurance et se voit proposer les premières parties de vedettes de la chanson française (Julien Clerc, Alain Souchon…) ou des musiques du monde (la Cap-Verdienne Cesaria Evora, l’Israélienne Noa…). Il participe même plus tard au Womad, festival prescripteur qui lui ouvre les portes des plus grandes scènes mondiales. Entre temps, Aïni, son deuxième opus autoproduit sur Lila Records (label qui porte le nom de sa fille), prolonge le trait du renouveau des musiques arabo-andalouses en y incorporant par petites touches duende flamenco, grooves afros et effluves celtiques, tziganes ou bossa.
Pied de nez aux barbus
Un chouia d’amour, son troisième et dernier album (produit avec la complicité de Philippe Eidel) est signé en licence par World Music Network, qui choisit de le rebaptiser Introducing pour le faire entrer dans le cadre de sa collection éponyme. "Rien d’autre n’a été modifié. L’aventure continue telle que je l’ai toujours imaginée. Aujourd’hui, je suis toujours indépendant et entouré qui plus est d’une équipe jeune et motivée", s’enthousiasme-t-il. "Ma licence est anglaise, mon tourneur allemand et moi, l’Oranais, je vis désormais à Paris", commente le violoniste et chanteur. "Le métier a changé. Avant, tu étais un artiste salarié. Aujourd’hui, tu es un artiste-entrepreneur et ce n’est pas plus mal. Tu es obligé de faire tes propres choix", constate celui qui, 16 ans durant, a formé son oreille et son doigté aux subtilités des noubas arabo-andalouses. Noubas dont il emprunte deux noms ("sika" et "meya") pour s’inventer un patronyme.
Cette vision globale du métier d’artiste passionne Akim. C’est elle qui lui offre sa liberté artistique. "Certains ont cru bon de me conseiller de chanter du raï, d’autres souhaitaient que je reste au pied de la lettre du répertoire arabo-andalou, mais ce n’était pas ma façon de penser. Mon indépendance est la source de ma liberté", commente-t-il. "Sur ce nouvel album d’ores et déjà diffusé dans plus de 40 pays, je passe de l’amour courtois à l’amour charnel. C’est une révolution et un beau pied-de-nez aux barbus", relève-t-il presque innocemment. Avant de faire remarquer qu’il existe une tradition de textes érotiques dans la culture arabe. "Tout est dans la subtilité. Il faut savoir être à la hauteur de l’héritage arabo-andalou et lire entre les lignes. Il faut savoir soigner le deuxième degré, jouer avec les codes. C’est pourquoi je travaille le fond avant la forme. Je peux ainsi dénoncer l’intégrisme, les compromissions et les dérives de l’état algérien", relate ce fan de la chanson francarabe et de l’un de ses maîtres : le regretté Salim Halali.
Noubas d’ici
C’est à Paris que cet artiste à part entière a choisi d’encadrer une chorale d’adolescentes en difficulté. "Nous travaillons le répertoire arabo-andalou. C’est une autre façon d’aborder les idées de tolérance et de respect de soi, de l’autre. Je suis aussi le directeur artistique du Med’Set Orkhestra, une formation où les différents pays du pourtour méditerranéen sont représentés, à raison d’un artiste par pays au moins. Nous avons conçu le répertoire lors d’une résidence à Séville en février 2008 et tourné l’été dernier. Toutes ces facettes de mon art se retrouvent au sein des Noubas d’ici, un rendez-vous mensuel que nous organisons à la Bellevilloise, à Paris", confie le musicien.
Lors de la première des Noubas d’ici le 5 février 2009, Akim a donné un concert avec comme invité le guitariste et producteur Philippe Eidel. Ces concerts, programmés dans la halle aux Oliviers, ont une saveur toute méditerranéenne, renforcée par la chaleur et l’enthousiasme du public, qui n’hésite pas à se lever pour danser entre les tables. "Le 4 juin, pour la dernière de la saison, la soirée s’ouvrira par la chorale d’adolescentes, suivie d’un concert où seront réunis tous les invités de l’année."
Ecoutez un extrait de
El Sikameya Introducing El Sikameya. (Lila Records/World Music Network/Harmonia Mundi) 2009
En concert le 4 juin 2009 à La Bellevilloise, à Paris.