Lo’Jo, un univers de sons et de mots
A l’occasion de la sortie de Cosmophono, Denis Péan, le chef d’orchestre poétique de Lo’Jo revient sur ce qui fait tourner la planète créolisée de la troupe angevine… Rencontre.
Carnet de choses vues, lues, entendues.
A l’occasion de la sortie de Cosmophono, Denis Péan, le chef d’orchestre poétique de Lo’Jo revient sur ce qui fait tourner la planète créolisée de la troupe angevine… Rencontre.
RFI Musique : Que s’est-il passé pour Lo’Jo depuis deux ans et la sortie de Bazar Savant ?
Denis Péan : Le jour où l’on sort un disque, on commence à en composer un autre. Il faut mûrir la poésie, la musique, jouer ensemble, faire vingt chansons pour en garder douze. Et puis il y a une nécessité de continuer un nouveau cycle. On a aussi voyagé bien sûr et ces différentes expériences rejaillissent dans le disque. Les chansons racontent des choses vues, entendues, déduites, des philosophies… Il y a beaucoup de bruitages sur ce disque. Il est plus acoustique que Bazar Savant. C’est un voyage de captation, de collectage, de transactions secrètes… C’est le disque qu’on a fait le plus vite, le plus live. Il est recherché du point de vue de la texture sonore, avec un voyage musical spécial par thème. La musique de la chanson Café de la Marine ne pourrait pas être celle de Petit courage : c’est le décor de ces paroles-là.
Dans cet album, on a le sentiment d’une vision plus globale du monde…
C’est peut-être la consécration d’un sentiment de compréhension et aussi d’incompréhension du monde. Il est évoqué indirectement dans ce disque, des questions religieuses, politiques sociales, absolument poétiques aussi. Ce sont les rouages du monde qui se mélangent. J’aime la part d’ombre de la vie, quand les choses ne sont pas complètement décrites. Si j’étais peintre, je ne ferais qu’un œil à mon personnage, peut-être.
Que raconte le morceau Pays natal ?
C’est une espèce de petit opéra cosmique. On parle de la spoliation des terres, de l’appartenance, de la fuite, de la guerre, de l’exil, du colonialisme ou des nouvelles formes qu’il peut prendre aujourd’hui. Ce sont des sujets qui m’intéressent beaucoup…
Référence à Aimé Césaire et à son Cahier d’un retour au pays natal ou pas du tout ?
Je n’ai pas pensé à Césaire directement, mais beaucoup à la langue incomparable développée par les écrivains créoles, caribéens et réunionnais. C’est une foudre de mots avec une dimension mystique très puissante. Je préfère d’ailleurs le mot "créolisé" à "métissé" qu’on a souvent attribué à ma musique.
Comment vient votre écriture ?
Pour moi, c’est une question de survie d’attraper un carnet. René Lacaille a rendu un hommage émouvant à Lo’Jo sur son dernier disque et il dit à propos de moi : "les mots c’est son manzé". Je mange les mots. Voilà. Je sépare mon activité entre composer de la musique, être régisseur du groupe en quelque sorte et organiser la maison communautaire que l’on a près d’Angers, où l’on accueille beaucoup de musiciens étrangers. C’est une activité forte. C’est pour ça que j’utilise des formules laconiques, très denses, ça correspond à mon emploi du temps.
Y a-t-il du jazz dans ce disque ?
Il y en a sur tous nos disques. J’ai une grande admiration pour les jazzmen. Un jour, Don Cherry m’a serré la main, c’était presque un des plus beaux moments de ma vie. J’admire les musiciens qui vont loin avec leur instrument, et les jazzmen ont un rapport extrême et désespéré avec leur trompette ou leur piano. J’aime aussi beaucoup d’autres musiques, mais le jazz possède une profondeur de champ extraordinaire.
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Lo'Jo
Cosmophono
Ecoutez un extrait de
Lo’Jo Cosmophono (Lo’Jo Prod / Wagram) 2009
En concert au Bataclan à Paris le 28 mars 2009 et en tournée en France