Oxmo Puccino apaisé

En dix ans de carrière et cinq albums, Oxmo Puccino a su s’imposer comme un poids lourd de la scène hip hop française, tout en sachant en renouveler le genre et les mots. Après un virage jazz-rap et film noirs avec les Jazzbastards, dans Lipopette Bal, Oxmo s’affranchit des codes et des modes et invite Olivia Ruiz, K’naan, Oncle Ben et Sly Johnson sur son nouvel opus, L’arme de paix.

Le son du bien être

En dix ans de carrière et cinq albums, Oxmo Puccino a su s’imposer comme un poids lourd de la scène hip hop française, tout en sachant en renouveler le genre et les mots. Après un virage jazz-rap et film noirs avec les Jazzbastards, dans Lipopette Bal, Oxmo s’affranchit des codes et des modes et invite Olivia Ruiz, K’naan, Oncle Ben et Sly Johnson sur son nouvel opus, L’arme de paix.

Il a repris les armes. Finis les matins cafés-croissants et le journal disséqué en argot entre habitués au troquet dans son 19e arrondissement natal, quartier où Oxmo a grandi en arrivant du Mali. Puccino a repris les armes et a fourbi ses cartouches d’encre, il a de nouveau couché ses mots et levé son micro. Au boulot ! Et cette fois, le black mafioso, ex-patron du Lipopette Bar, semble avoir moins "mal au mic". L’Arme de Paix ne conjugue plus flingues et ambiance noires, comme Lipopette Bar, mais veut apporter le "son du bien être". "Chaque mot, chaque phrase a été choisi dans un objectif positif, confie le géant rappeur qui porte ce projet depuis plusieurs années. J’ai systématiquement supprimé tout ce qui piquait, ou qui aurait pu pencher vers la morosité, en cherchant toujours la couleur de mot la plus gaie. Contre une souffrance qui est devenue banale, j’ai la prétention de penser qu’une petite chanson peut apporter quelque chose."

Pas de triche

A l’origine de ce virage vers ce disque plus personnel et moins noir : internet et les témoignages multiples exprimés après le succès l’album Lipopette Bar et la tournée qui a suivi sa sortie en 2006. "Le net m’a permis d’être en contact direct avec notre public, d’être touché par des messages. Ça oblige les artistes à ne pas tricher et quelque part, ça m’a poussé à écrire pour bonifier" confie Puccino.

Pourtant toujours pas de risque de dérive démago avec Oxmo, qui ne contourne ni la douleur, ni les combats, ni la chronique d’un univers urbain où l’horizon se perd dans la grisaille du ciel : "Je n’écris pas pour que l’on m’adore, ni pour qu’on soit tous d’accord" prévient-il. En route vers un nouvel univers musical, plus dense et moins hip hop, avec des invités dans des rôles inattendus, comme Olivia Ruiz, le rappeur somalien K’naan ou le beat boxeur Sly Johnson du Saïan Supa Crew pour l’occasion plus chanteurs que rappeurs, Oxmo a composé avec une nouvelle méthode de travail en s’entourant de musiciens, qui ont joué avec ses mots et se sont adaptés à son flow.

"Il y a eu quelques doutes, notamment sur le titre Masterciel, composé à partir de programmations faites chez moi. Après plusieurs essais, on a fini par trouver une souplesse rythmique, sans repère de temps, qui m’a permis de swinguer plus librement. Avec des musiciens, la recherche peut être infinie. Avant, il m’est arrivé plusieurs fois de regretter d’avoir écrit une chanson d’une certaine manière ou de trouver un meilleur synonyme après la sortie du disque, mais le travail permet de mettre le doute à distance, heureusement !"

Plus vieux

Avec son nouvel impératif positif, L’Arme de paix veut lever les doutes, réconcilier chanson et hip hop et s’affranchir des codes. "J’ai fait des disques avec une musique pas toujours facile d’approche parce que jusqu’à un certain âge, on se cherche, analyse Puccino, l’As de mots de 35 ans. Et ce qui résulte de cette quête n’est pas toujours très stable, même s’il y peut y avoir du beau dans le déséquilibre parce qu’un artiste sait récupérer les accidents de la vie. Dans mes disques, je racontais une histoire, un film audio, mais jamais l’instabilité personnelle. Pourtant, j’ai toujours fait de la musique en dépit du bonheur, je mettais le maximum de ce que je pouvais donner, en allant jusqu’au bout, parfois au-delà de mes forces d’où une certaine souffrance qui pouvait transpirer dans la musique. Aujourd’hui, je suis plus âgé et je peux mieux gérer mes émotions, donc je suis plus responsable de ce que je fais ressentir à l’auditeur."

La touche finale de ce cocktail d’émotions et d’intentions a donc été confiée à un réalisateur heureux, et reconnu, Renaud Létang (collaborateur de Manu Chao ou Sergent Garcia). "Il est au mixage ce que Zidane est au football : quelqu’un à qui l’on confie un disque comme un ballon, et après, on attend que du spectacle ! rigole Oxmo. Dans le hip hop, le mixage est axé sur la puissance de la rythmique des basses. Or comme cet album est plus musical, je voulais qu’on en entende toutes les richesses, que le plaisir soit plus palpable, moins lointain." Le front de cette nouvelle paix intérieure paraît effectivement plus proche, plus léger, preuve que le processus de paix valait le détour.

 Ecoutez un extrait de 365 jours

Oxmo Puccino L'arme de paix (Cinq 7/Wagram music) 2009
En tournée française à partir du 2 avril. En concert le 5 mai au Bataclan à Paris