L’opération séduction d’Ariane Moffatt
Figure de proue d’une nouvelle génération made in Québec arrivée à maturité, Ariane Moffatt, comme Pierre Lapointe et quelques autres, a su réinventer la chanson francophone en repoussant les frontières du genre. Revenue en France pour présenter son dernier album, Tous les sens, la chanteuse montréalaise veut enfin faire fondre le public français au contact de sa pop brûlante et inventive.
Troisième album
Figure de proue d’une nouvelle génération made in Québec arrivée à maturité, Ariane Moffatt, comme Pierre Lapointe et quelques autres, a su réinventer la chanson francophone en repoussant les frontières du genre. Revenue en France pour présenter son dernier album, Tous les sens, la chanteuse montréalaise veut enfin faire fondre le public français au contact de sa pop brûlante et inventive.
Un lundi midi, au Studio 106 de France Inter, à Paris. Invitée de Stéphane Bern dans l’émission Le Fou du roi, Ariane Moffatt monte sur scène, discrètement accompagnée de son pianiste, et s’élance. La chanson, Quand j’aurai du vent sur mon crâne, est de Boris Vian, et la chanteuse québécoise l’interprète dans le plus pur style music-hall de l’époque, "r" roulés et sobriété gestuelle de rigueur. Surprenant, mais assez bluffant. "Je n’avais jamais repris de chansons françaises du ‘répertoire’, avec pianiste, jusque-là. Ce séjour en France était l’occasion. Et puis, je viens d’avoir 30 ans, et cette chanson exprime un peu le ‘coup de vieux’ ressenti ! ", plaisante-t-elle.
De fait, Ariane Moffatt n’est plus vraiment nouvelle dans le paysage musical. L’artiste montréalaise mène depuis 2002 une carrière florissante au Québec : un troisième album, Tous les Sens, certifié disque d’Or (70 000 copies vendues depuis sa sortie en avril 2008), plusieurs prix Félix et des concerts survoltés. En France, son nom est resté jusqu’ici relativement méconnu, malgré le parrainage de -M- et quelques scènes marquantes, dont une première partie d’Alain Souchon à l’Olympia en 2006.
Pour surmonter les nombreuses chausse-trappes du vaste marché français et préparer la sortie française du disque, rien de tel qu’un exil parisien de quelques mois : Ariane a ainsi élu domicile à Paris depuis janvier 2009. "C’est la première fois que je reste aussi longtemps, explique-t-elle. Je trouve cela peu évident de passer par-dessus les barbelés des médias en France. Difficile de contourner le système pour se produire sur scène et toucher directement le public." La chanteuse a pu tout de même compter sur l’appui de quelques amis, particulièrement Yaël Naïm ("une amie de longue date") et David Donatien, présents sur les deux inédits de la version française de l’album.
Si elle se reconnaît une parenté avec les artistes précités, ainsi qu’avec certains de nos chanteurs pop les plus atypiques – Albin de la Simone, Jacques Higelin et Emilie Simon en tête – Ariane Moffatt revendique avant tout son appartenance à la scène montréalaise : un creuset culturel unique où se mêlent en toute liberté francophonie et influence américaine, sans le poids écrasant de la tradition littéraire hexagonale. "Mes racines sont quasi exclusivement anglo-saxonnes. Je ne viens pas de la chanson française, où il y a le poids des références, des figures tutélaires, et où le texte est vraiment au centre de l’attention. Cela m’intimidait un peu lors de mes premiers concerts en France. Chez nous, les ambiances, la mise en son, sont aussi importantes que les mots. Cela nous procure une liberté, une spontanéité incomparables."
La nouvelle chanson québécoise est en marche. Après Pierre Lapointe, le public français saura-t-il en reconnaître l’une de ses plus dignes représentantes ?
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Ariane Moffatt
Tous les sens
Ariane Moffatt Tous les sens (Sony Music)
En concert le 19 mai à la Maroquinerie, à Paris, puis en tournée en France et au Québec.