Jacques Duvall, un auteur à gages
Auteur révéré pour son travail avec Lio, Alain Chamfort, Jane Birkin ou Marie-France, Jacques Duvall qui s’était amusé à chanter dans les années 1980, reprend le micro pour un album graphique et furieusement rock’n’roll.
Portrait
Auteur révéré pour son travail avec Lio, Alain Chamfort, Jane Birkin ou Marie-France, Jacques Duvall qui s’était amusé à chanter dans les années 1980, reprend le micro pour un album graphique et furieusement rock’n’roll.
Duvall est un chanteur éminemment dilettante. Car ce Belge à la plume alerte, héritier naturel de Gainsbourg, est surtout connu comme auteur. Dans les années 70, il illumine sa jeunesse dans l’écoute répétée de Dylan, T Rex, Bowie... Avec Jay Alansky, un compère en méfaits à refrains, ils composent le premier 45 tours de Marie-France, l’égérie éternelle des undergrounds successifs, à qui ils délivrent avec Daisy un certificat de punkitude et son premier 45 tours.
Dans la foulée, il réussit à vendre un morceau aux Runaways ! "J’avais été un peu déçu par leur premier album, et après un pari j’ai envoyé un morceau à Kim Fowley, qui les produisait. Je me suis fait passer pour une fille de 14 ans, et six mois après j’ai reçu un coup de fil me demandant de passer voir l’éditeur en Belgique, qui a été consterné de constater que je n’étais pas exactement une jeune fille de 14 ans ! Joan Jett avait ajouté un riff d’enfer, et c’est devenu le premier single de leur 3eme album."
De Wanda à Lio
Duvall découvre ensuite une punkette lusitano-belge à peine pubère, mais déjà dessalée en matière de musique, qui s’appelle Wanda Ribeiro de Vasconcellos. Il la rebaptise Lio à grands coups de crème fouettée. Le Banana Split patiente deux ans avant d’être accepté par une maison de disque, qui s’en lèchera les doigts (plus d’un million d’exemplaires vendus en 1979). Lio crée la version française d’une new wave pop décomplexée, les mots de Duvall lui fabriquant une crédibilité poétique et moderne qu’aucune de ses temporaires consœurs ne saura tutoyer.
Puis, par capillarité, il écrit pour Alain Chamfort, alors en rade d’auteur après la désertion de Monsieur Serge. En 1981, il signe un contrat de chanteur sous le nom d’Hagen Dierks, qu’il inaugure par un 45 tours à l’impact modeste, comme le sera son album Comme la romaine en 1983. Il commet également un 45 tours pour Enzo Scifo, star du football belge, qui doit coter assez cher ces jours-ci sur le marché des nanars majuscules.
A la fin des années 1980, Duvall règne en maître sur la pop intelligente, Lio et Chamfort enchaînent les tubes, et l’auteur étend son marché sur le territoire afférent : Arnold Turboust, The Sparks, Bijou, Elsa, Etienne Daho, puis Jane Birkin, Marc Lavoine, Lisa Ekdahl, Enzo Enzo, lui réclament des textes dignes de ce nom. Il sévit aussi pour une théorie de chanteurs à la carrière fugace. Avec les années 2000, il ajoute à son tableau de chasse Ignatus, Charline Rose, Dani ou le groupe electro Vive La Fête et sa vénéneuse chanteuse blonde.
Duvall chanteur
Régulièrement, des reprises exotiques du Banana Split viennent rappeler à notre bon souvenir qu’il en fut le pâtissier en chef. Mais voilà qu’en 2006, Jacques Duvall s’acoquine avec le label Freaksville, un indépendant vivace. Avec le groupe de rock’n’roll Phantom, il grave un premier album urgent, Hantises, qui sert de tremplin pour d’autres collaborations avec le label : un album avec Elisa Point, un autre avec Marie-France, et ce nouvel album personnel, Le Cowboy et la Call-girl, toujours avec le groupe Phantom, qui s’écoute comme on lit une bande dessinée.
"Je ne comptais plus vraiment faire le zouave, d’autant que le métier est un peu fini, mais le chef du label m’a envoyé par mail des morceaux avec Phantom pour lesquels ils cherchaient un chanteur. J’ai sauté dans un train, et on a enregistré le premier album en une journée, avec neuf textes qu’on venait de me refuser ici ou là."
Depuis, Marie-France a rejoint l’équipe Freaksville, et Lio s’apprête à y sortir ses nouvelles aventures discographiques. "C’est un retour à un rock’n’roll un peu trash, qu’on fait sans se poser de questions. Il y a un côté inconscient, une fraîcheur, ça me fait du bien. Je n’étais plus vraiment dans le circuit des majors, la plupart des chanteurs pour qui j’écris ne sont plus en phase de grand succès, donc ce n’est pas le choc des mondes. Sinon j’ai deux chansons sur le nouveau Dani. Et je travaille sur le prochain Marie-France qui sera produit par Seb Martel."
Ecoutez un extrait de
Phantom feat. Jacques Duvall Le Cowboy et la Call-girl (Freaksville Records) 2009