Soif de grandeur pour le rap burkinabé

Peu de moyens au service d’une création fertile. Ainsi se résume la scène du hip hop au Burkina Faso. Un rap libre, voire cru, de haute tenue musicale et dans lesquels la figure du charismatique président que fut Thomas Sankara ou la mémoire du journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998, ne sont jamais bien loin. Reste que ces artistes, qui évoluent dans un univers difficile, manquent de visibilité internationale.

Faso Kombat, Yeleen, Smokey et les autres

Peu de moyens au service d’une création fertile. Ainsi se résume la scène du hip hop au Burkina Faso. Un rap libre, voire cru, de haute tenue musicale et dans lesquels la figure du charismatique président que fut Thomas Sankara ou la mémoire du journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998, ne sont jamais bien loin. Reste que ces artistes, qui évoluent dans un univers difficile, manquent de visibilité internationale.

Inutile de perdre son temps à circuler dans Ouaga 2000 ou la zone du bois de Boulogne, les deux quartiers chics de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, pour dénicher le nec plus ultra des groupes de rap et de hip hop. A l’image de leurs textes trempés dans l’acide chlorhydrique, ces artistes logent dans des quartiers populaires comme Hamdallaye, loin du "goudron" (terme qui qualifie les routes bitumées), au fond d’improbables cours entre la volaille en liberté et les vestiges de soirées arrosées aux bières locales. "Cela me maintient au contact des vraies réalités, celles du quotidien", assure le rappeur Obscur Jaffar, l’un des plus en vue avec son confrère Smokey. "Mais la rébellion avance", précise aussitôt l’auteur d’Unité des Contraires, album aux textes soignés qui compte la participation, entre autres, d’Oxmo Puccino.

S’ils s’autorisent quelques rêves comme posséder une superbe cylindrée, les rappeurs burkinabés préfèrent être au plus prêt des réalités locales, encore moins florissantes en ces temps de crise, pour mieux s’en inspirer. "Il n’y a qu’une seule façon de comprendre la vie au ghetto, c’est d’y vivre", affirme Malk’höm de Faso Kombat. 

Cette exigence explique en grande partie le dynamisme et le caractère acéré de la scène locale, y compris en province comme à Bobo-Dioulasso, la seconde ville du pays. Ces réalités ont permis l’éclosion de talents également rendus visibles ces dernières années grâce au festival international Waga Hip Hop, à des cérémonies comme les Faso Hip Hop Awards ou encore le concours Hip Hop Event for Integration, dont la finale se déroulera en juillet prochain au jardin Reemdoogo.

Des revendications pour une société plus juste

De Yeleen à K-Djoba en passant par Dhudn’j, Smarty, Golgo 13, Faso Kombat, Wemteng, Jaffar ou encore Smokey, tous portent très loin les revendications pour une société plus juste non sans en dénoncer les dérives, à l’exemple de Smarty et Mwandoe. Les deux membres de Yeleen, rare groupe dont la réputation dépasse les frontières du "Pays des hommes intègres", n’hésitent pas à s’attaquer régulièrement à des personnalités politiques de premier plan. C'est ainsi le cas de Simon Compaoré, maire de Ouagadougou avec le titre Monsieur le maire, extrait de leur quatrième album L’œil de Dieu, sorti en février dernier.   

Le duo K-Djoba ne fait d'ailleurs pas exception à la règle. L’Ivoirien Opuna Coulibaly alias Doc Ké et le Burkinabé Don Aslé Halidou Sawadogo dit "Don Aslé", n’ont sorti leur premier album Limanya qu’en 2007, quatre ans après la naissance du tandem. Mais le titre Mon Afrique se meurt les a durablement installé dans le paysage national du rap. Ce groupe, pour qui "L’assassin du 17 octobre 1987 est le même que celui du 13 décembre 1998"*, a reçu l’an passé le Kunde d’Or 2008 pour le meilleur clip video. Leur second album est attendu pour le premier trimestre de 2010.

Le Burkina manque de moyens en matière de création musicale. Cela ne retire en rien à la vitalité de ce rap inspiré, comme dans d’autres pays d’Afrique, par les réalités locales.

Qu'ils soient en français, en anglais et à base de dialectes locaux, les textes se mélangent à des sons dans lesquels la calebasse croise le sample. Il n’y a pas un mais plusieurs raps au Burkina, comme autant de vecteurs à une critique souvent tue dans ce pays. Reste à ces artistes à trouver les voies, notamment financières, qui permettraient de les exporter.

*17 octobre 1987 : assassinat de Thomas Sankara, 13 décembre 1998 : assassinat de Norbert Zongo

Les deux guerriers de Faso Kombat

A les voir travailler sagement dans leur petit studio du quartier de Tankoui, Salifou Ouedraogo alias Malk’höm, 34 ans, et David H Malgoubri, 27 ans, dit "David le Combattant" n’ont pas l’air de va-t-en guerre. Et pourtant, les fondateurs de Faso Kombat, sacré meilleur groupe au Burkina Hip Hop Awards en 2004 puis Révélation de l’année aux Kunde d’or en 2005, se revendiquent d’un afro-hip hop sans concession. Un rap africain tenant lieu de désinfectant, qui ne cesse de faire parler de lui au risque de donner des sueurs froides aux médias publics, voire de s’en couper. "Nous sommes censurés à mort ! Nous ne sommes jamais passés à la télévision nationale", explique Malgoubri.

Il faut dire que depuis la création de ce duo de choc en 2000, leur premier album Parcours de Combattants  (Assault Course, 2004) puis la sortie remarquée de Diamant et Miroir (Code Musique Production, 2006), la plume aiguisée de Ouedraogo, ancien membre de Fondy en Côte d’Ivoire d’où il est originaire, pointe l’essentiel. Elle dénonce pêle-mêle le chômage, le paysan qui "crève sur son bike", la violence faite aux femmes, la prostitution, les guerres en Afrique ou les politiciens burkinabés dont les programmes sont "un compte de fée sans effet".

Qu’il chante en dioula, en mooré ou en Français, Faso Kombat "balance tout" comme le rappelle un de leur titre. Quant à leur slogan, il est celui de toute une génération : "Faso Kombat, le combat pour un futur meilleur". Un engagement que devrait confirmer le troisième album, en préparation.