Le Palais Royal fête la musique

Programmation osée dans les jardins du Palais Royal pour la 28e édition de la Fête de la musique. Le Ministère de la culture y avait invité ce 21 juin deux jeunes pousses, Yodelice et Carmen Mario Vega en ouverture du sombre Daniel Darc, poète vénéneux assez peu festif. Un spectacle envoûtant, une fête réussie.

28e édition, avec Daniel Darc, Yodelice et Carmen Maria Vega

Programmation osée dans les jardins du Palais Royal pour la 28e édition de la Fête de la musique. Le Ministère de la culture y avait invité ce 21 juin deux jeunes pousses, Yodelice et Carmen Mario Vega en ouverture du sombre Daniel Darc, poète vénéneux assez peu festif. Un spectacle envoûtant, une fête réussie.

Rémi Bricka pour les costumes (sans les paillettes), rockabilly pour le jeu de jambe, indéniablement folk quand aux influences. Maxim, musicien un temps proche des chanteurs de téléréalité, semble avoir trouvé son univers avec le personnage de Yodelice. Entre Herman Düne et Jeff Buckley, il habille très vite la scène de son empreinte avec son arbre porte-chapeau et ses multiples petits gris-gris musicaux. Accompagné d’un violoncelliste et d’un guitariste, le chanteur libère le versant lascif du folk.

Pour sa première prestation à la Fête de la musique, le public n’est certainement venu par hasard, puisque dès le deuxième titre, Sunday with a flu, l’assistance reprend le refrain en chœur. Terriblement touchant dans ses chansons aériennes, comme avec la reprise dépouillée du Smells like teen spirit de Nirvana, Yodelice s’autorise aussi quelques accès électriques gorgés de distorsion. La frange la plus âgée des spectateurs écarquille les yeux de surprise, certains se bouchent les oreilles, la plupart utilisent leurs paumes pour battre des mains. A la fin du dernier titre, un cri du cœur dans le public : "Je vais acheter le cd dès demain !"

Arletty version Sex Pistols

Un léger problème sonore à l’entrée de Carmen Maria Vega sur scène, celle-ci désigne aussitôt les ingénieurs du son : "Ils m’ont bousillé mon intro, ces connards !" Le ton est donné. Ce petit bout de femme ne peut laisser insensible : elle engueule ses musiciens, s’en prend au public, assure le spectacle à elle seule. On frémit à chaque compliment, craignant la vacherie qui s’ensuit.

Venue du théâtre, Carmen réunit la gouaille d’Edith Piaf et d’Arletty avec l’énergie des Sex Pistols. Son premier album sort en octobre chez AZ mais la chanteuse s’est déjà largement fait remarquer ce soir. Elle alterne rythmes furieux (Hiérarchie) et titres apaisés (Finir mon verre) pour terminer sa prestation avec l’hymne caustique Les gens sont gentils : "Allez tout le monde les bras en l’air, on le chante encore une fois, on va finir par y croire !" Le public exulte.

Happé par cet éloge du spleen

Qu’une institution comme le Ministère de la culture invite Daniel Darc à se produire sur scène, il y a cinq ans encore, l’idée aurait relevé du doux délire. Aujourd’hui, elle surprend agréablement. Après la prestation enflammée de Carmen Maria Vega, l’ambiance s’assombrit. "Dépression, c’est déjà loin, j’ai l’impression que c’est la fin.", " Dis-moi encore, est-ce mieux d’être mort." Le fil du micro enserrant son biceps, en équilibre instable, aussi souvent débout qu’à genoux, le poète chante comme il lèche ses cicatrices. Passé le premier moment de surprise, malgré le vent glaçant, l’assistance reste, captivée entre pop et dissonance.

Nosfell, chanteur largement aussi barge, vient l’accompagné pour Une romance des cruels. Autre invité, Berry lui arrachera un sourire radieux le temps d’un duo sur La chanson d’Hélène. Le chanteur puise largement dans ses deux derniers albums. On se sent inexorablement happé par cet éloge du spleen. L’artiste en devient bouleversant, tant il faut de courage pour montrer le nu de la vie. Une fois le concert terminé, le retour dans les rues bruyantes sonne complètement irréel.


"Ma première fête de la musique"

Daniel Darc : "Keith Richards [guitariste des Rolling Stones, ndr] disait : 'Ceux qui se souviennent des années 60 ne les ont pas vécues.' J’ai tendance à penser la même chose pour les Fêtes de la musique, pour tout d’ailleurs ! Je me rappelle un moment, c’était la première ou la deuxième édition. J’étais au Gibus [salle parisienne, ndr] et je rencontrais Rachid Taha. C’était bon enfant. Quand je repense à ça, c’est très touchant parce qu’il y avait plein de gens qui se sont barrés ensuite, qui sont morts ou qu’on ne connaît plus. Et puis il y avait Jack Lang, qui était comme nous, enfin c’est ce qu’on pensait naïvement."

Yodelice : "Je devais avoir dix ans, j’étais avec mon père à moto et il y avait un monde de fou. On se baladait dans les rues de Saint-Germain-des-Prés où se produisaient plein de groupes, principalement de jazz. Je serais incapable d’en citer un parce qu'ils étaient amateurs mais il y avait des trucs vraiment pas mal. Ça m’a donné très envie de jouer. J’ai presque honte de le dire mais comme j’ai plutôt un parcours de musicien de studio, c’est la première fois, ce soir, que je joue pour la Fête de la musique !"

Carmen Maria Vega : "La toute première je ne m’en souviens pas. Mais je me rappelle de mes Fêtes de la musique quand j’avais 15 ans, c’était à Lyon et je pense que c’était avec Babylon Circus sur une grand étendue d’herbe avec plein de jeunes bourrés… dont je faisais partie ! La première pour laquelle j’ai joué, c’était l’année dernière, à Bron et c’était vraiment bien".