Camille Louvel, ambassadeur des purs sons burkinabés

Fin connaisseur des modes et des tendances musicales du Burkina, pape de l’underground avec son maquis Ouaga Jungle, le jeune Camille Louvel s’est lancé dans la production en créant le label Chapa Blues Records. Après le succès de son protégé, le bluesman Victor Démé, révélation de l’année 2008, il multiplie les projets.

Le label Chapa Blues Records

Fin connaisseur des modes et des tendances musicales du Burkina, pape de l’underground avec son maquis Ouaga Jungle, le jeune Camille Louvel s’est lancé dans la production en créant le label Chapa Blues Records. Après le succès de son protégé, le bluesman Victor Démé, révélation de l’année 2008, il multiplie les projets.

L’une des initiatives les plus remarquées de ces dernières années pour promouvoir le hip hop au Burkina fut le maquis associatif Ouaga Jungle. Crée en 2004 par un jeune Français Camille Louvel et l’un de ses amis, étudiant en anthropologie, Julien Kieffer, ce lieu était jusqu’à sa disparition deux ans plus tard le point de ralliement de toute la scène underground du Burkina Faso.

Trois soirées par semaine, il permettait à des artistes d’horizons divers de se produire et de se faire connaître. Les jeudis étaient dédiés aux sound systems, aux drum'n'bass et aux battles. Les sons acoustiques étaient rois tous les vendredis. Quant aux prestations de groupes connus, elles avaient lieu le samedi. Ces centaines de prestations au total ont permis de sortir de vrais talents de l’ombre, tels le rappeur Obscur Jaffar, tout en les révélant au grand public.

Le label Chapa Blues Records

Si ce lieu de rendez-vous incontournable de Ouagadougou a fermé ses portes en 2006 suite au départ de Kieffer, Camille Louvel, continue de soutenir le potentiel artistique du Burkina. Et malgré sa faible visibilité dans la sono mondiale, ce pays n’en manque pas. Tombé sous le charme africain lors d’un premier séjour au Niger, l’ancien étudiant en philosophie à l’université de Rennes a notamment créé en 2007, son label Chapa Blues Records ("le blues du buveur de chapalo", bière de mil locale, ndlr).

Surtout, son maquis s’est transformé en une résidence où les musiciens viennent séjourner et concrétiser leurs projets. Située près de la mosquée de Hamdallaye, quartier populaire et très roots de Ouagadougou, la modeste maison cintrée de bougainvilliers dispose d’un studio de répétition, d’une salle d’enregistrement et de quatre chambres.

Louvel est un dénicheur, un passionné, un assoiffé de nouvelles tendances. Loin du rap, c’est à lui et au journaliste David Commelias que l’on doit la carrière internationale de Victor Démé. Produit par Chapa Blues, le premier album du chanteur-guitariste originaire de Bobo-Dioulasso, sorti en 2008, dépasse les 40 000 exemplaires. Un succès rare au Burkina.

Rencontres, production, projets

En attendant la sortie du second album de Démé, prévu pour la fin de 2009, Louvel produit d’autres groupes. Dans ce qu’il nomme lui-même un "lieu de rencontre et de vie", ses projets tournent autour de Yapa, groupe français de jazz invité à échanger avec les artistes locaux. Les Frères Diarra utilisent également la résidence pour travailler, tout comme le Malien Amadou Diabate, le groupe instrumental Balikoro ou Baliku Roots. Le Nigérien Koudede ou encore le Jamaïcain Winston McAnuff sont aussi suivis par le fondateur de Chapa. En décembre prochain commenceront également des enregistrements avec les Mountain Men, groupe de blues originaire de Chambéry, en France. Un autre projet est à l’étude avec la chanteuse Olivia Ruiz, suite à son séjour au Burkina au début de cette année.

Le vide laissé par la fermeture de Ouaga Jungle n’a pas été comblé. Mais les musiciens peuvent aujourd’hui se tourner vers Reemdoogo. Plus connu sous le nom de "Jardin de la Musique", cet espace de haute tenue situé dans le quartier de Gounghin dispose de trois salles de répétition, d’un studio d’enregistrement et d’une grande scène dotée d’équipements et d’instruments dernier cri. Financé par la mairie de Ouagadougou sur une aide de la municipalité de Grenoble, ce lieu fréquenté par le chanteur Bil Aka Kora est une première réponse apportée au manque criant d’infrastructures musicales au Burkina.

 Ecoutez un extrait de

par Victor Démé

Trois questions à… Camille Louvel

RFI Musique : L’offre en infrastructures musicales est-elle satisfaisante au Burkina ?
Camille Louvel : Les espaces d’expression sont notoirement insuffisantes et la scène musicale burkinabè manque cruellement de moyens. Y compris l’université africaine de Ray Lema. Il faudrait que des projets comme Ouaga Jungle soient plus nombreux. Lorsqu’il existait, ce maquis permettait d’entendre et de produire des dizaines de groupes. Les artistes se retrouvent aujourd’hui davantage dans des collectifs comme Konkret 53, le plus connu d’entre eux. Mais il n’y a pas assez de structures pour les live.

Quelles conséquences pour les musiciens ?
Même si certains festivals comme Waga Hip Hop mettent les musiciens en relation avec des professionnels, les artistes n’ont pas les moyens de progresser. On bricole. Les studios sont souvent faits avec les moyens du bord. Les pare-brises de camions servent de vitres de séparation. Les studios d’enregistrement se font dans des studios de répétition. Les arrangements se font au clavier. Si l’on veut monter un projet, il faut importer le matériel, surtout pour un projet d’album complet, et celui-ci est mis à rude épreuve. De plus, il n’y a pas de label burkinabè. A titre d’exemple, la plupart des compilations de ce pays sont produites en France.

Malgré tout, la scène burkinabè est-elle dynamique ?
Oui, et c’est bien le paradoxe. Les rapports humains sont très prometteurs au Burkina et les artistes ont une réelle capacité. Il y a des dizaines de tendances. Beaucoup viennent de Bobo-Dioulasso, qui sont plutôt mandingues. A Ouagadougou, on sonne plus rock. Mais d’autres musiques pourrissent tout, à commencer par le coupé-décalé ou les DJ Ivoiriens.