Panafricain d'Alger 2009

Quarante ans après la première édition du festival en 1969, Alger la Blanche est redevenue capitale culturelle de l’Afrique. Un festival pluridisciplinaire très dense, que la musique a réussi à rendre populaire. Reportage lors de l’avant-dernière soirée du festival …

Deuxième édition ambitieuse

Quarante ans après la première édition du festival en 1969, Alger la Blanche est redevenue capitale culturelle de l’Afrique. Un festival pluridisciplinaire très dense, que la musique a réussi à rendre populaire. Reportage lors de l’avant-dernière soirée du festival …

A Bab El Oued, on n’avait pas vu ça depuis très longtemps. Des grappes de jeunes, dansant ensemble sur du raï, des familles, venues assister au spectacle, cornet de glace à la main, et sourire aux lèvres. La scène El Kettani, montée à côté de la plage du même nom est sans doute la plus populaire des douze scènes qui jalonnent la ville.

Pour cette avant-dernière soirée du festival Panafricain d’Alger, les rues sont bondées. Un peu plus loin, sur l’artère centrale d’Alger, à la Grande Poste, c’est l’indémodable Bembeya Jazz guinéen qui fait chalouper la foule. Pendant quinze jours, le bouche à oreille à fonctionné et les Algérois sont venus très nombreux pour profiter des concerts.

A Alger, d’habitude très calme le soir, c’est complètement inédit. Les derniers concerts de cette ampleur remontent à la Fête de la Jeunesse de 1986, cantonnées à l’esplanade Riad El Feth ! Toute une génération, celle des années 1990, marquée par les années noires du terrorisme, n’a donc encore jamais vu sa capitale bruisser d’une telle animation.

Se connaitre

Quarante ans après l’édition de 1969, l’Algérie a vu les choses en très grand : 43 pays d’Afrique représentés, 2500 musiciens invités, une caravane d’artistes dans plusieurs villes du pays, des concerts dans douze quartiers et un budget pharaonique : Alger se veut capitale culturelle de l’Afrique. L’occasion unique de prendre conscience de la richesse culturelle du continent.

Ray Lema, Salif Keita, Youssou N’Dour, Rido Bayonne, Mory Kante, Ismael Lô et un nombre impressionnant de troupe de danse et de musique plus traditionnelles d’Afrique centrale et australe ont joué à Alger ou dans les villes de l’intérieur du pays. Le Camerounais Manu Dibango a par exemple tourné dans sept villes avant d’arriver à Alger.

Le contact avec le public a été parfois compliqué, quand pour des questions de sécurité (une préoccupation omniprésente en Algérie), le public s’est trouvé barricadé loin de la scène. Ou quand, au début du festival, certains Algériens avaient des réactions racistes envers certains  artistes.

Au-delà des questions de prestige national, c’est surtout là, l’enjeu de cette grande réunion panafricaine : se découvrir et apprendre à se connaître. Le Sénégal ne connaît pas l’Algérie, qui ne connaît pas le Malawi, qui ignore tout du Nigéria, mais qui se retrouvent ensemble à partager un tagine ou … une scène !

A la différence de l’édition de 1969, très tournée vers le jazz et l’improvisation, ce Panaf’ ne laisse pas vraiment cours à la créativité des artistes, et c’est un peu dommage. Les sets sont courts (en moyenne quarante minutes), pour permettre à toute l’affiche de se produire, et les groupes ne traduisent pas en musique cet esprit de rencontre. Au dernier jour du festival, public et artiste espèrent simplement qu’il ne faudra pas attendre quarante ans pour revivre une telle expérience panafricaine !

Ray Lema au Panaf’

Le congolais Ray Léma est un panafricain de la première heure. La veille de son concert sur l’esplanade Riad El Feth, la plus grande scène du festival d’Alger, il défend l’indispensable continuité de l’événement.

RFI Musique : Quelle importance a ce festival Panafricain pour vous ?
Ray Lema : Depuis mon arrivée en Algérie, je ressens une émotion très forte. C’est extraordinaire, pour nous Africains de se rencontrer, d’écouter l’autre. On n’a pas tous les jours ce genre d’opportunité. Mais attendre quarante ans entre les deux éditions algériennes du festival, c’est ridiculement long. J’étais en 1977 au FESTAC à Lagos et retrouver la même énergie, trente ans plus tard, je trouve cela aberrant. On devrait faire chaque année un festival panafricain dans un pays différent, pour que l’Afrique connaisse les Africains. Sur scène, on lit bien les émotions du public : et là, on se rend compte que l’Algérien de la rue ne nous connaît pas du tout !

Vous croyez en une politique culturelle à l’échelle continentale ?
Les dirigeants africains doivent prendre conscience de l’enjeu culturel. Une bonne partie de notre culture n’est pas sur papier, donc la transmission de la culture doit passer par des rencontres, comme ici à Alger. Si on profite de l’impulsion de ce festival, le pari sera gagné, mais s’il faut attendre à nouveau quarante ans pour voir les artistes du continent échanger, cela n’a aucun intérêt.

En 2004, vous avez lancé l’Université Musicale Africaine (UMA), un projet très panafricain, justement…
Oui, nous sommes allés au Burundi et au Burkina Faso donner des cours de musique aux instrumentistes semi-professionnels, pour faire monter par ricochet le niveau des chanteurs.  Ce projet est actuellement en veilleuse, parce que je dépendais beaucoup d’une institution française et c’est quand même un projet africain. Pour l’instant, j’espère pouvoir me libérer et repartir au Burkina Faso avec mes propres fonds … en attendant qu’une institution continentale s’intéresse au projet !