Sakifo, un festival voyageur
Une cinquième édition sous le signe du changement
07/08/2009 - Saint-Pierre (La Réunion) -
C’est à Port-Louis, la capitale mauricienne, qu’a démarré cette année, le Sakifo quelques jours avant de rejoindre du 6 au 10 août sa base réunionnaise située désormais au sud de l’île, à Saint-Pierre. Plus de cinquante concerts se sont déroulés sur les six scènes de ce festival dont le succès populaire repose en partie depuis la première édition en 2004 sur une programmation équilibrée et cohérente. Un subtil dosage entre stars françaises ou internationales et talents de l’océan Indien.
Pourquoi ne pas profiter de la présence à La Réunion d’artistes tels que Tiken Jah Fakoly, Dionysos, Keziah Jones ou Asa pour les faire jouer à Maurice, distante d’à peine 200 kilomètres ?
Jérôme Galabert, à l’origine du Sakifo, s’était toujours dit qu’il fallait tenter l’aventure, "pour ne pas avoir de regrets". S’appuyant sur la notoriété acquise par son festival, il s’est lancé, avec le souci de faire également une place aux groupes des deux îles sœurs pour que l’affiche de ces deux soirées conserve des couleurs régionales. Mais cette première tentative mauricienne, handicapée notamment par des conditions météo désastreuses, s’est soldée par un cuisant échec aux lourdes conséquences financières.
Heureusement, à La Réunion, la situation est bien plus réjouissante. L’engouement autour de l’événement ne cesse de croître année après année. Pourtant, le Sakifo 2008 a traversé de sérieuses turbulences au lendemain des élections municipales du mois de mars : l’arrivée d’une nouvelle équipe à la mairie de Saint-Leu, partenaire jusque-là fidèle, a changé la donne et poussé le festival à trouver une autre ville d’accueil. Le voilà donc installé à Saint-Pierre, sur un terrain de quatre hectares en bord de mer où sont disposées trois des six scènes tandis que les autres – d’accès gratuit – ont été montées dans des quartiers animés.
Plus encore que les précédentes, cette cinquième édition semble avoir été placée sous le signe du groove : celui du maloya traditionnel de La Réunion bien sûr, avec entre autres le doyen Granmoun Sello ou la famille Groove Lélé à laquelle a été attribué cette année, le prix Alain-Peters ; celui de la troupe nigériane de Seun Kuti ; celui du reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly qui a attiré près de 11 000 personnes ; ou encore celui du franco-centrafricain Bibi Tanga dont la formule soul funk enrichie des sons du Professeur Inlassable a très vite fait ses preuves auprès d’un public ravi par cette belle découverte.
Rencontres au Sakifo
Le longiligne Cyril Atef était lui aussi venu pour voir et écouter. La veille, il avait terminé une session studio de quelques jours avec son complice Vincent Segal de Bumcello et Nathalie Natiembé. Le trio s’était rencontré en 2007 pour le Sakifo. Le résultat de cette brève association avait été si prometteur que la chanteuse réunionnaise a voulu les faire participer à son prochain album. Du coup, le projet Natibumcello en a profité pour donner un nouveau concert.
Si Nathalie Natiembé fait figure de mascotte du festival – elle y a participé chaque année – , Sami Waro Pageaux est à compter désormais parmi les habitués. Remarqué l’an dernier au point de se voir décerner le premier Prix Alain-Peters, son duo baptisé Lo Griyo a été de nouveau sollicité. Sa prestation, sous les yeux attentifs de son illustre père Danyel, confirme le potentiel de sa musique construite en live par des boucles successives, mariant entre autres la kora et le saxophone au maloya.
Au même moment, à l’autre bout du terrain, Thierry Gauliris faisait la démonstration que son groupe Baster demeure une valeur sûre du paysage musical réunionnais, toujours très apprécié pour son style unique à base de sega, de maloya, de rock et de reggae. L’efficacité est là, rien ne dépasse. Le constat vaut tout autant pour Alex, ancien membre du Moovman La Kour. Parti du rap, il a suivi les conseils des Sénégalais Positive Black Soul et s’est remis à chanter pour intégrer ses propres mélodies et harmonies dans ses morceaux. Joué sur scène par sept musiciens expérimentés, son répertoire transcende les genres, sans perdre de vue sa terre natale.
Seul représentant de Madagascar au Sakifo, Mikea est également un artiste dont le nom commence à circuler. Déjà invité au Maroc au festival Timitar, ce guitariste du sud-ouest de la Grande Île trouve son inspiration dans le beko, les chants de lamentations de son ethnie. Dans l’assistance, peut-être avait-il sans le savoir de lointains cousins, descendants de ces esclaves malgaches amenés pour peupler l’île Bourbon devenue La Réunion ?
Bertrand Lavaine