Un Air hors du temps
C’est en tête-à-tête dans le somptueux studio qu’ils viennent de s’offrir à Paris que Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, alias Air, ont conçu Love 2. Débarrassés des contraintes de temps, ils donnent à entendre une musique plus lumineuse que sur leurs précédents albums. Rencontre dans leur antre.
Cinquième album du duo français
C’est en tête-à-tête dans le somptueux studio qu’ils viennent de s’offrir à Paris que Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, alias Air, ont conçu Love 2. Débarrassés des contraintes de temps, ils donnent à entendre une musique plus lumineuse que sur leurs précédents albums. Rencontre dans leur antre.
RFI Musique : Pourquoi avez-vous eu envie de posséder votre propre studio ?
Jean-Benoît Dunckel : On avait besoin de place pour stocker notre matériel et surtout, c’était très important pour nous d’avoir un sanctuaire, un espace où l’on peut être protégé du reste du monde et faire artistiquement et musicalement tout ce qu’on imagine. Ce studio a été conçu exprès par un acousticien pour livrer un son stéréo très lourd, très "fat" comme on dit en anglais. C’était crucial pour préserver notre texture sonore, qui est notre marque de fabrique.
Etre chez soi pour enregistrer, qu’est-ce que ça change ?
Nicolas Godin : Tout est beaucoup plus relax. Il n’y a aucune contrainte de temps et ça nous a enlevés cette pression qui peut te faire stresser et t’amener à ne pas faire les bons choix quand tu loues un studio. Là, tout s’est fait très spontanément, et finalement assez vite. Notre musique en est ressortie plus fraîche, plus joyeuse. En ayant plus de temps, on aurait pu penser qu’on allait tomber dans une musique très léchée, très contrôlée. C’est finalement l’inverse qui s’est produit.
Jean-Benoît Dunckel : Love 2 est un disque de lâcher prise, avec un son plus live incarné par la batterie, très présente. Un batteur est venu deux jours enregistrer avec nous. Tout le reste, c’est nous deux lancés dans des improvisations dont on ne se rappelle pas toujours bien l’origine.
Qu’avez-vous voulu raconter sur cet album ?
Nicolas Godin : Notre musique est toujours très cinématographique, mais nous n'avions pas de films particuliers en tête en travaillant. J'ai regardé pas mal de Bruce Lee pendant l'enregistrement, alors on entend un peu l'influence du compositeur Lalo Schifrin. Sinon, on veut vraiment que ceux qui nous écoutent se fassent leur propre film. C'est pour ça qu'on a du mal à faire des clips et qu’on ne diffuse pas d’images pendant nos concerts : on ne veut pas casser le trip des gens !
Pourquoi une pochette en noir et blanc?
Nicolas Godin : C'est notre côté proustien, à la recherche du temps perdu. Elle signifie qu'on a fait ce disque à l'ancienne, en se prenant par exemple la tête sur l'ordre des chansons, ce qui paraît dérisoire à l'heure du MP3 et de l'écoute en mode shuffle... Mais on ne sait pas faire autrement. La photo reflète aussi bien l'état dans lequel on est quand on sort de ce studio : complètement azimutés et inadaptés. A l'intérieur, on se ressource comme des vampires qui ont enfin trouvé une gorge à croquer mais à l'extérieur, tout est pour nous très compliqué.
Que pensez-vous du débat actuel sur le téléchargement illégal ?
Jean-Benoît Dunckel : Je trouve ça un peu bizarre de vouloir punir les consommateurs alors qu’on leur a donné tous les outils pour télécharger et qu’on leur a montré comment on faisait ! L’ensemble du système a évolué vers la copie des films et des fichiers audio. Les supports changent, les façons d’enregistrer et de distribuer la musique aussi. L’art se régénère, l’humanité évolue, elle n’en restera pas au MP3 à se contenter d’écouter un son aussi pourri.
Hormis la tournée, avez-vous d'autres projets ?
Nicolas Godin : On est en train de faire la bande-originale du prochain film de Sam Garbarski, qui est tiré de la bande-dessinée Quartier Lointain de Jirô Taniguchi. C’est un bouquin très important pour nous, on le connaît par cœur, alors c’est vraiment fun !
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Air
Love 2
Air Love 2 (Aircheology / Virgin / EMI) 2009
En concert au Casino de Paris le 11 janvier 2010