Le phénomène Carmen Maria Vega
Mi poissonnière, mi femme fatale, Carmen Maria Vega déboule dans la chanson française comme un chien dans un jeu de quille. Son premier album alterne entre titres doucereux et envolées punk manouches. Portrait d’une révélation grande gueule et haute en couleur.
L’insolence sensible
Mi poissonnière, mi femme fatale, Carmen Maria Vega déboule dans la chanson française comme un chien dans un jeu de quille. Son premier album alterne entre titres doucereux et envolées punk manouches. Portrait d’une révélation grande gueule et haute en couleur.
C’est peut être Brassens qui décrirait le mieux Carmen Maria Vega "Une jolie fleur dans une peau de vache, une jolie vache déguisée en fleur." Petit bout de femme d’à peine un mètre soixante, la Lyonnaise, d’ascendance guatémaltèque, tance avec véhémence son auditoire. Du genre "on est là pour se faire remuer". Doc Martens aux pieds, voix troublante et ton de charretier, Carmen ne s’en laisse pas compter. Elle côtoie les planches depuis ses sept ans, âge où sa maman décide de l’inscrire au théâtre. La chanteuse puise dans son expérience de comédienne. En concert, elle propose un véritable spectacle alliant interventions provocantes ou prises à partie fleuries et titres d’inspirations punk acoustique, réaliste ou manouche.
C’est grâce à une rencontre avec le musicien Max Lavegie (et aussi à un échec à un concours d’art dramatique) que la carrière de Carmen s’oriente vers la musique. Avec Max, ils reprennent d’abord en duo des standards du jazz dans les cafés concerts. Un passage par le Conservatoire de musique plus tard, les deux se rendent comptent qu’ils ne seront jamais plus à l’aise qu’avec leurs propres compositions. Max se charge des paroles et de la musique, Carmen de l’interprétation. Un partage des rôles où la jeune femme s’épanouit : "j’aime bien l’idée de servir un auteur. Je n’écris pas et je n’en souffre pas. Souvent, c’est ce qu’on me demande : 'Vous êtes un pantin, vous n’avez rien à dire ?' Si ! J’ai plein de choses à dire mais je préfère que ce soit bien écrit plutôt que super maladroit comme je le fais moi !" Pas besoin de la chercher bien longtemps…
L’alchimie opère d’abord sur scène. Le duo devenu trio avec l’arrivée d’Alain Arnaudet à la contrebasse, écume la France (deux cents dates) et les tremplins (Le Fair, les chantiers des Francos, deux prix au festival Alors chante de Montauban, etc.). En 2009, le groupe trouve un batteur (Toma Milteau) et une maison de disque (AZ). Le quatuor enregistre avec l’équipe de Thomas Dutronc de Comme un manouche sans guitare. Mais côté manouche, Carmen tiendrait plus de Sanseverino. Un pied dans chaque extrême, la chanteuse oscille entre brûlots insolents aux rythmes ravageurs et titres délicats à la pudeur émouvante.
Sur ce premier album éponyme, Carmen se dévoile à travers les personnages composés sur mesure par Max : mythomane hilarante sur La Menteuse, grande gueule insoumise (Hiérarchie), cœur abandonné (l’excellent Le Fourbe) ou dépressive entraînante (Les Antidépresseurs). Des titres épiques qui croisent d’autres perles, plus feutrées, comme le touchant Mia, récit tout en simplicité d’une histoire de tragédie ordinaire. De ces moments en demi-teinte, émergent des histoires tourmentées, délestées de tout pathos. Des évocations qui touchent au sublime sur Finir mon verre, saga du désespoir de comptoir avec des envolées digne d’Ennio Morricone.
Si quelques titres résonnent comme du Aznavour (En attendant, Dessous les toits), Carmen Maria Vega s’oriente davantage vers l’énergie de Brel. Un artiste qui n’a jamais eu peur d’en faire des tonnes.
Carmen Maria Vega Carmen Maria Vega (AZ) 2009
En concert à la Cigale le 20 novembre