La différence selon Salif Keïta
La Différence, le nouvel album de la star malienne Salif Keïta est une ode à la paix et à l’amour. Des sonorités acoustiques très orientalistes appellent à la compréhension entre les hommes comme pour mieux lutter contre l’intolérance et les maux de notre temps. Revue de détail.
Avec La Différence, son nouvel album sorti récemment, Salif Keïta revient toute en finesse, harmonies lancinantes et sonorités acoustiques pour rappeler sa particularité. Nouveau signe d’un militantisme qui ne l’a jamais quitté donc, mais qui semble ici nettement plus marqué qu’à l’accoutumée. Il faut dire que la révolte rentrée et - hélas - toujours inassouvie du chanteur face aux crimes perpétrés contre les albinos est pour beaucoup dans cet enregistrement. Attentatoires à sa propre identité, ces meurtres sacrificiels alliant sorcellerie au degré zéro de l’ignorance se sont intensifiés ces derniers mois dans plusieurs pays africains.
L’ancien leader du Rail Band de Bamako a fait de leur dénonciation le combat d’une vie et l’expression d’une grande partie de son message artistique. Mais ces dénonciations récurrentes, même drapées dans la magnifique tradition musicale mandingue, confèrent aujourd’hui à l’écœurement. "Il faut maintenant que les états réagissent avec fermeté. Nous ne sommes plus au Moyen Âge. Ces actes sont inadmissibles et une honte pour l’homme", explique Salif Keïta, qui désormais s'est associé à la Croix Rouge pour dénoncer et prévenir de tels actes.
Militantisme sur fond de sonorités arabisantes
Par son attitude toujours posée, retenue, voire sobre, Salif Keïta n’a rien d’un Tiken Jah Fakoly ou d’un Alpha Blondy. Son message s’exprime avant tout à travers des harmonies veloutées où la tradition griotte se mêle aux influences arabes comme en témoigne le premier morceau éponyme destiné à être un single. "Je suis un Noir/Ma peau est blanche. Et moi j’aime bien çà/C’est la différence qui est jolie/Je suis un Blanc mon sang est noir/Et moi j’adore ça". Dès les premières paroles posées sur la guitare d’Ousmane Kouyaté, ornée de shakers, la mélodie s’élance et s’étire par un riff expressif de kora et des rimshots appuyés. Puis les chœurs doublent progressivement la voix du chanteur donnant à ce morceau un phrasé lancinant que l’oud et le balafon enrichissent dès la venue du thème. "La vie sera belle/ Chacun à son tour aura son amour/Chacun dans l’honneur aura son bonheur". Tout est dit dans ce texte simple mais porté par une mélodie forte.
De tolérance ou de sensibilisation, il est question sur les huit autres morceaux. Qu’il s’agisse de la lutte pour la préservation de l’environnement sur Ekolo d’Amour ou de la dénonciation à peine voilée, du recul de la démocratie en Afrique sur une nouvelle version de Folon, les paroles se veulent politiques. Elles appellent à l’action, à la réaction face à des situations tragiques qui devraient pousser Salif Keïta à entrer en politique dans son propre pays.
Jazzmen de renom
La couleur particulière de La Différence tient également à l’apport de grands jazzmen à commencer par le trompettiste libanais Ibrahim Maalouf sur Samiga. Si cet album enregistré entre Beyrouth, Los Angeles, Bamako et Paris, fourmille d’influences, les sonorités arabes sont les plus distinctes. "J’adore ces sonorités. Elles sont très proches de la musique mandingue. Elles sont toujours présentes sur mes albums", confie Salif Keïta. Jamais musique orientale et mandingue n’ont semblé si fusionnelles que dans ce nouvel opus.
Tout aussi originale est l’apparition de musiciens inédits sur ce répertoire. A côté des complices de toujours comme le bassiste camerounais Guy N’Sanguie, d’autres, plus surprenants, font une incursion remarquée tel le bassiste de studio et accompagnateur des grands de la variété française, Jannick Top, sur Gaffou. Autre surprise avec le jazzman Bill Frisell qui pose sa patte sur Folon. Avec Seydou, ce classique du registre du chanteur est tiré de l’album éponyme sorti en 1995, et arrangé par Jean-Philippe Rykiel. Cette nouvelle interprétation à la sensibilité évidente joue, elle aussi, comme une piqûre de rappel. "Folon a été écrite lorsque le Mali chassait le dictateur Moussa Traoré. C’est une chanson très importante pour moi", souligne Keïta. Cet engagement et cette émotion à fleur de peau, l'ancien leader des Ambassadeurs ne manquera pas de les partager avec son public parisien pour un concert très attendu à l’Olympia, le 12 avril, six mois après son triomphe Salle Pleyel.
Salif Keïta La Différence (Universal Music France) 2009
En concert le 31 décembre 2009 à Bamako et le 6 février 2010 à Segou au Mali (Festival Sur le Niger)
A partir du 20 mars 2010 en tournée européenne et le 12 avril à l'Olympia à Paris