Amkoullel, l’enfant peul

Rappeur de la première génération au Mali, Amkoullel multiplie les initiatives musicales et citoyennes en faveur de la jeunesse de son pays. Bien au-delà du rap, son engagement en fait un atout précieux pour le Mali d’aujourd’hui.

Plus qu’un rappeur

Rappeur de la première génération au Mali, Amkoullel multiplie les initiatives musicales et citoyennes en faveur de la jeunesse de son pays. Bien au-delà du rap, son engagement en fait un atout précieux pour le Mali d’aujourd’hui.

Issiaka Bâ, alias "Amkoullel, l’enfant peul", fait ses valises en vitesse. Juste avant de décoller pour Bamako aux alentours de deux heures du matin, il doit donner un show dans une discothèque en vue de Ouagadougou. La veille, il a enflammé le public de la Maison du Peuple de Ouaga pendant la neuvième édition du festival Waga hip hop… En une heure de discussion à bâtons rompus, il revient sur son parcours hybride, tissé d’engagement et de détermination.

Amkoullel a commencé à rapper à la fin des années 1990, puis sa carrière démarre en trombe en 2002 avec un premier album In Faculté, suivi l’année suivante de Farafin. A l’époque, les rappeurs ont besoin d’être parrainés par les artistes de musique traditionnelle, notamment par les griots, souligne Amkoullel : "Au Mali, la musique était complètement dans les mains des djélis, qui sont la mémoire vivante de notre pays. Oumou Sangaré a chanté avec des rappeurs, les Tata Pound, d’autres artistes lui ont emboîté le pas, ce qui a légitimé notre musique". Petit à petit, les rappeurs font leur chemin dans la société malienne et commencent à être écoutés.

Amkoullel s’exile en France pour terminer ses études de droit et découvre la "vraie vie" à Paris – ou plus précisément à Ivry, en banlieue sud. Il déchante vite, retourne au Mali en 2006 et décide de donner à ses compatriotes sa propre version de "l’aventure". "Dans l’énervé Tounga ("L’exil"), issu de l’album Waati Sera, je demande aux Africains de revenir au pays pour faire en sorte que nos enfants ne vivent pas cette nouvelle forme d’esclavage moderne où nous-mêmes nous mettons les chaînes"… Sorti en mars 2007, Waati Sera ("Il est temps" en bambara), permet à "l’enfant peul" de rafler trois récompenses aux hip hop Awards 2009. Le morceau Farafina, qui chante la fierté d’appartenir au continent africain, connaît un énorme succès au Mali. Amkoullel innove aussi sur scène et joue du hip hop live avec The Grooveez, une formation tradi-moderne qui donne une nouvelle impulsion à sa musique.

Double aura

Amkoullel jouit aujourd’hui d’une double aura : celle du rappeur talentueux et de la star de télévision. En 2006, il a en effet présenté la deuxième édition de Case Sangha, l’équivalent malien de la Star Academy. C’est la particularité d’Amkoullel : savoir s’exposer pour pouvoir mieux travailler dans l’ombre. Le rappeur joue sur plusieurs tableaux pour mettre en route un bataillon de projets militants. Il initie par exemple le Farafina Club, école de danse hip hop et ragga installée au quartier Faladjé, à Bamako. Mais il créé aussi, avec Ramsès et Lassy King Massassy - d’autres pionniers du rap malien -, les "Matinées yoyoyo" au café Blonba, sortes de tremplins rap de l’été 2008.

Depuis quatre mois, Amkoullel prolonge cet élan lors de soirées culturelles organisées au bord du fleuve Niger, par les jeunes de son fan club. Sensibilisation, VJ ("Vidéo-jockey", projection d’images en musique, ndlr), concerts, scène ouverte et tout cela avec de tous petits moyens. En bouclant sa valise, Amkoullel précise : "C’est un peu l’école de la vie… Cela permet à chacun de se mobiliser, de réfléchir, d’inventer, je veux montrer aux jeunes qu’on peut toujours trouver des solutions". Dans l’avion du retour qui le ramènera à Bamako, Amkoullel planchera d’ailleurs sur son nouveau projet : la comédie musicale hip hop du groupe Bama Saaba, fondé avec ses deux complices, Ramsès de Tata Pound et Lassy King Massassy… A suivre !


Bama Saba, trio de vétérans hip hop !

Les trois vétérans du hip hop malien unissent leurs énergies pour chroniquer la société malienne d’aujourd’hui, dans la comédie musicale Mali Safari.

C’est la bonne nouvelle de cette fin d’année pour les fans de hip hop au Mali ! Les trois vétérans du rap malien : Amkoullel, Ramsès de Tata Pound et Lassy King Massassy unissent leurs flows et fondent le groupe Bama Saba, les "trois caïmans", symbole de Bamako. Les trois rappeurs n’en sont pas à leurs premiers faits d’armes. A l’été 2008, ils avaient déjà mis sur pied les "Matinées yoyoyo" au café Blonba, avec la complicité de son dynamique directeur Alioune Ifra N’diaye. Tous les quinze jours pendant les vacances scolaires, les jeunes générations de rappeurs sont venues se produire sur des scènes tremplins : un vrai succès !

La comédie musicale hip hop Mali Safari s’inscrit dans la continuité de cette première initiative : elle est coproduite par le studio Blonba et l’enthousiasmant trio. En français et en bamana, chacun y campe un personnage emblématique de la société malienne d’aujourd’hui. Ramsès devient par exemple VDB, "venu tout droit de la brousse", un jeune orphelin sérieux et travailleur cumulant les petits boulots en ville. Le King est Bamanan Number one, un commerçant aigri de Bamako, en charge de la famille de son frère parti "à l’aventure" en Europe. Amkoullel endosse le rôle de Nono Kénè, fils de riche, vaurien et jouisseur. Leurs points communs ? Tous les trois sont Maliens et préparent leur baccalauréat.

Les trois rappeurs proposent donc une chronique de la société malienne cinquante ans après les Indépendances, et s’adressent directement à la jeunesse, à travers des problématiques comme l’école, l’immigration, le retour au pays, le travail, la volonté et bien évidemment… le rap !

Amkoullel Ne Ka Mali Nouvel album à paraître en 2010