"Gainsbourg (vie héroïque)"

Une quinzaine de jours avant la sortie du film de Joann Sfar, Gainsbourg (vie héroïque), sa bande originale arrive dans les bacs. Un double-CD qui unit aux acteurs du film Dionysos, Nosfell, Emily Loizeau…Et livre de Gainsbourg, une œuvre revisitée par le talent lumineux du compositeur Olivier Daviaud.

Le son précède l’image : une poignée de jours avant la sortie du film tant attendu de Joann Sfar, Gainsbourg (vie héroïque) (le 20 janvier), sa bande-originale découpe sur l’écran de nos  imaginations un nez proéminent, une silhouette auréolée de fumée, l’épopée d’un éternel insoumis…Une aventure musicale en deux disques, qui, avant le lever de rideau, nous donne l’eau à la bouche.

Confiées aux soins du compositeur Olivier Daviaud, 43 perles reconstruisent le puzzle Gainsbourg et convient le fleuron des artistes hexagonaux pour révéler l’icône : Dionysos joue un Nazi Rock punk, brut de décoffrage, Emily Loizeau et Jeanne Cherhal s’éclatent comme deux gamines survoltées sur Qui est "in", qui est "out", les magmas vaporeux de Nosfell relisent Love on The Beat, quand les skunks reggae de K2R Riddim font groover léger la rythmique d’Aux armes et Caetera

Il y a aussi Philippe Katerine, irrésistible dans le rôle de l’ivre Vian (Je bois versus Intoxicated Man), le virtuose manouche Angelo Debarre (La Leçon de Guitare, l’Atelier en Flammes…), comme l’inclassable Gonzales qui fait swinguer, sonner, grincer le piano comme personne, hors de tout art balisé. Surtout, Olivier Daviaud réussit le pari d’amener chaque acteur à chanter au plus proche de la vérité, sans singer : Sara Forestier incarne la voix juvénile de France Gall (Baby Pop), les mélodies gourmandes de Laetitia Casta façonnent la divine Bardot (Comic Strip, Bonnie And Clyde), quand la suave Anna Mouglalis fait résonner une sensuelle Javanaise à la Gréco.

La palme revient pourtant à l’acteur principal, Eric Elmosnino. Sans chercher à imiter Gainsbourg dans le chant, il parvient à la même élégance, la même fragilité, les mêmes failles et révoltes dans la voix, pour un résultat très émouvant. Sans ressusciter le chanteur, il donne vie au personnage, à l’emblème créé par Joann Sfar, tout en ligne de force et en symboliques, qui en sublime l’essence.

Toucher le cœur

 

Car c’est bien vers ce prodige que tire la bande originale : ni tout à fait lui, ni tout à fait un autre. La première écoute soulève le doute, car la mémoire nous joue des tours, comme l’habileté de Daviaud se rit de nous. Les titres ressemblent étrangement à nos souvenirs, et ces pastiches sonnent si juste que l’on ne sait plus si les rares originaux de la BO (Je t’aime Moi non plus, La valse de Mélody) sont au final vrais…ou faux.

Puis l’on se replonge dans les authentiques, et la différence éclate au grand jour. Une différence dans la forme, mais une similitude d’esprit et de cœur. De chaque chanson, le compositeur a su retirer une matrice, le leitmotiv, la rendre reconnaissable entre 1000 : un exercice qui mêle la liberté prise à l’humilité, la révérence envers une grande œuvre et l’imagination qui la subjugue.

La BO nous donne alors des clés pour mieux comprendre l’Homme à tête de chou (beaucoup de morceaux s’inspirent d’œuvres classiques chères à l’artiste : Brahms, Chopin ou Beethoven). Elle laisse entendre la flamboyance d’orchestres bulgares, et d’intimes dialogues qui pénètrent la confidence, l’intimité du personnage rêvé par Sfar : un Gainsbourg essentiel, crayonné par le réalisateur au fil des 60 pages du livret. Un bien bel objet, donc, qui convoque les images et dessine, en musique, toutes les promesses du film. Comme un avant-goût…

Bande originale Gainsbourg (Vie Héroïque) (Polydor) 2010
Sur les écrans français le 20 janvier 2010 le film de Joann Sfar, Gainsbourg (Vie Héroïque)