Hasna el Becharia, l’affranchie

Dans un univers encore très largement dominé par les hommes, l’Algérienne Hasna el Becharia est parvenue à se faire un nom au-delà de ce coin de Sahara où elle a longtemps vécu. Au son de la guitare ou du guembri, la musicienne et chanteuse sexagénaire revisite la culture gnawi à travers son second album Smaa Smaa.

La musique gnawi au féminin

Dans un univers encore très largement dominé par les hommes, l’Algérienne Hasna el Becharia est parvenue à se faire un nom au-delà de ce coin de Sahara où elle a longtemps vécu. Au son de la guitare ou du guembri, la musicienne et chanteuse sexagénaire revisite la culture gnawi à travers son second album Smaa Smaa.

RFI Musique : Quelle est votre relation avec le guembri, cet instrument traditionnel avec lequel on vous voit chaque fois sur les pochettes de vos albums ?
Hasna el Becharia :
J’ai une vraie histoire avec le guembri. Mon père était un maître gnawi et il m’a interdit de toucher cet instrument. Quand j’ai osé, j’ai été battue. C’est pour ça que j’ai laissé le guembri et que j’ai pris la guitare. Je ne me suis affranchie qu’en 1999, en France, pour le festival Femmes d’Algérie. On m’a invitée, et c’est à ce moment-là que je me suis autorisée à en jouer… Quand je suis arrivé à Paris, j’ai rêvé de mon père qui me disait : "vas-y."

Vous partagez votre temps, depuis dix ans, entre votre Algérie natale et la France. Est-ce que cela a modifié votre façon de faire ou de penser la musique ?
Ça a beaucoup changé, bien sûr. En Europe, je chante toute seule et je chante mes chansons. Là-bas, en Algérie, c’était pour les mariages, entre amis. Je ne faisais que jouer de la guitare. Il y avait deux femmes qui chantaient à ma place. Ça fait longtemps que je n’ai pas joué pour un mariage, et ça me manque. C’est un autre style, mais maintenant je me suis habituée à la scène, et je trouve ça très bien. Comme le studio : pour le premier disque, je tremblais. Pour le nouveau, ça allait.

Comment avez-vous imaginé ce nouvel album, Smaa Smaa ?
Ce disque est très personnel, il m’a permis de sortir pas mal de souffrance, de vécu, de souvenirs. J’ai donné tout ce que j’avais en moi. C’est pour ça que c’est assez triste. En même temps, il y a de la joie comme dans Sadrak, une belle chanson d’amour qui raconte la rencontre d’un couple. Mon défunt frère la chantait et j’ai voulu lui rendre hommage. C’était un grand musicien. Je vois son image quand je la chante sur scène, et c’est pour cette raison qu’elle est sur l’album.

En quoi cela change-t-il le résultat d’enregistrer la musique sur place, au cœur du désert, plutôt que dans un studio en Occident ?
Ce qui est différent, c’est l’esprit. Le vécu aussi. Ces chansons-là sont presque familiales pour les musiciens là-bas, ils ont grandi avec elles. Et puis l’endroit : on était dans le vieux ksar, dans des maisons très anciennes L’acoustique était extraordinaire. C’est la simplicité aussi. Il n’y a pas de stress. Si ça ne va pas, on refait un thé. Tout ça se sent en écoutant le disque.

Vous avez participé à la seconde édition du festival Panafricain à Alger, en juillet 2009. Est-ce un événement qui avait une signification particulière pour vous ?
Oui. Ça veut dire que moi aussi, femme d’Algérie, j’ai chanté Panafricain, comme Miriam Makeba. Au moment du premier festival, j’étais jeune, j’avais 22 ou 24 ans et j’ai le souvenir qu’il y avait Miriam Makeba. Je l’avais vue à la télévision. Elle avait composé une chanson qui disait qu’elle était libre en Algérie. C’était une Africaine et l’Algérie était aussi son pays. Pour moi, c’était des paroles fortes. Je l’ai dit aussi quand j’ai chanté pour mon pays Djazaïr johara.

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 Hasna el Becharia
 Smaa Smaa

Hasna El Becharia Smaa Smaa (Lusafrica/Sony) 2010

En concert le 28 janvier 2010 au Café de la Danse à Paris

 Retrouvez Hasna El Becharia sur RFI dans l'émission de Laurence Aloir, Musiques du Monde, le 13 février.