Tété, l’épopée américaine
Pour son quatrième album studio, le chanteur Tété, aux fortes influences anglo-saxonnes, a décidé d’enregistrer Le Premier clair de l’aube à Portland, aux Etats-Unis. Une prise de risque à la rencontre de ses amours musicales pour initier un "nouveau départ".
RFI Musique : Pourquoi avez-vous décidé d’enregistrer votre disque aux Etats-Unis ?
Tété : Je rêvais de jouer aux Etats-Unis, car toute ma musique provient de l’univers anglo-saxon. Les multiples tournées réalisées là-bas avec mon pote Eric John Kaiser m’ont ouvert des portes insoupçonnées, révélé de nouvelles directions et des envies à préciser. De même que l’émission musicale Tété ou Dédé (diffusée sur France 5 à l’été 2008, ndlr) : avec André Manoukian, j’ai exploré quatre villes américaines – New York, La Nouvelle Orléans, San Francisco, Miami. Les recherches sur leurs musiciens, les interviews d’artistes, ont ouvert des perspectives, nourri l’envie et fait le lit de cet album. Enfin, le type avec lequel je voulais bosser habite Portland...
A quoi ressemble Portland ?
C’est une petite ville à la qualité de vie appréciable, où l’on peut se balader à pied, à vélo, sans ce côté tentaculaire des mégapoles américaines. Le climat rappelle le temps breton, avec du crachin, j’aime bien. Aux alentours boisés, Portland se situe à une heure de la mer et de la montagne. Surtout, la ville possède une scène indie-rock développée, qui a vu l’émergence de groupes comme Gossip, avec une forte émulation.
Que vous ont apporté le producteur et les musiciens avec lesquels vous avez travaillé ?
Réunis par le producteur Steve Berlin (REM, John Lee Hooker...ndlr), les musiciens m’ont appris à connaître une tradition, un vocabulaire, m’inscrire dans un héritage. Ils m’ont enseigné que le moindre riff possède son histoire, sa communauté. Surtout, ils m’ont indiqué d’autres routes à suivre, que celles préméditées.
Vous avez donc pris des risques pour enregistrer cet album ?
Disons que j’ai retrouvé une certaine urgence. J’ai enregistré mes derniers disques dans un cocon sécurisant, à deux pas de la maison, avec une équipe de gars que je connaissais depuis dix ans. Je désirais casser le rituel, sortir du confort, partir en terrain inconnu.
Vous parlez au sujet du Premier clair de l’Aube d’un "désir d’épuration"...
J’ai toujours écrit mes chansons guitare-voix, mais lors des enregistrements, j’en rajoutais des tonnes (contre-chant, orchestration....) : une sorte de peur du vide, que j’ai eu envie de briser, pour revenir à une énergie brute. Dans cette démarche, Steve a été le "gardien du temple", pour contrer toute tentative de fioriture... Et puis j’ai composé-enregistré cet album en un laps de temps court, porté par un mouvement intense, qui écartait pas mal les questions.
De quoi vous inspirez-vous pour écrire vos textes ?
Vaguement autobiographiques, mes mots s’inspirent de lectures, de poésies... A Paris, des marchés vendent des bouquins de seconde main, souvent publiés à compte d’auteur. Lorsque je déniche un livre qui me touche, j’ai l’impression qu’il m’a rencontré autant que je l’ai trouvé... Un sentiment de surprise et d’émotion spontanée, que nous n’éprouvons pas avec un auteur consacré, lourd du poids des traditions.
Vos paroles restent assez énigmatiques...
En anglais, il est possible d’être littéral. Une chanson peut dire textuellement : "je me suis levé ce matin, je me sentais comme ci ou comme ça..." En français, il faut trouver des images, élaborées sur la gamme d’émotions que tout un chacun éprouve. D’où l’énigme. Mais je trouve cela plutôt rigolo, que le sens ne se donne pas d’emblée...
Votre titre Le Premier Clair de l’Aube signe-t-il donc un nouveau départ ?
C’est à la fois la fin d’un cycle et le début d’une nouvelle ère, sur un plan professionnel et personnel. Sortir de la cellule sécurisante d’un couple constitue un renouveau, qui permet de réapprendre son rapport à soi, son rapport à l’autre... J’aime cette idée qu’il puisse y avoir plusieurs renaissances dans une vie d’homme ou de femme.
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Tété
Le Premier clair de l'aube
Tété Le Premier clair de l'aube (Jive Epic/Sonymusic) 2010
En tournée en France et en concert à Paris le 27 avril 2010 à la Cigale