Dakhla, Festival Mer et Désert

Une manifestation populaire au sud du pays

08/04/2010 -  Dakhla  - 

Nouvelle terre de festival, le Maroc organisait du 28 février au 3 mars dernier à Dakhla, au Sahara Occidental, le Festival Mer et Désert. Un rendez-vous musical de qualité avec des artistes marocains et internationaux mais aussi une bonne opération de communication pour la région.

Dakhla, à 2500 km au sud de Casablanca, abrite 10.000 militaires, soit 10% de la population. L’aéroport est dans la ville. Premières images, des hélicoptères et des avions en pyjama camouflage, et des immeubles, qui ressemblent à des carrés de sucre avec paraboles et linge qui sèche…

Entre Sahara et Atlantique, la péninsule est devenue en cinq ans, un spot couru de planche à voile et de kite surf. Pour développer le tourisme, la musique prend le relai. En 2007, Dakhla  et sa population sahraouie ainsi que ses Marocains d’Agadir, de Casa, de Kenitra ou de Tanger, sont 30.000 à applaudir Randy Weston et les Nass El Ghiwane. Le festival est le seul événement culturel de l’année, et toute la ville et les environs se déplacent en famille.

Cette année, les femmes sont séparées des hommes, pour préserver l’intimité des dames. Elles seront déchaînées lors de la prestation d’un bellâtre ultra populaire au Caire, l’Irakien Kadem Saher. Les rappeurs marocains, très en place, enlèvent le morceau. Belle surprise avec Fès City Clan, emmené par Simo et Anouar, 12 ans, le plus jeune rappeur du Maroc. Pour gagner sa vie, Simo travaille dans un centre d’appel : "David Delarue, bonjour…" ! Les Meknessis H-Kayne sont passés à la vitesse supérieure. Eux, vivent de leur musique "grâce aux concerts, car on ne touche pas un rond avec nos 2 CDs".

"Un jour, on deviendra des escargots"

Khalid est le leader du groupe Haoussa, peut-être la formation la plus subversive de Casablanca, entre punk et reggae. Malgré la libéralisation des ondes en 2005, il ne passe pas à la radio. "Normal, on n’a pas fait de disque. Pas d’argent. Mais surtout, on a été paresseux…" Ses chansons évoquent avec ironie la nullité de l’économie, le parlement qui dort, le ministre qui s’engraisse. "On a un gouvernement malin qui te dit : 'vas-y, chante ce que tu veux, mais rien ne va changer'. Je trouve que c’est pire que de risquer la prison en défendant ses idées".

Si la scène émergente marocaine est globalement fière de jouer à Dakhla, et se sent patriote, on reste plus nuancé du côté des artistes internationaux : Desert Rebel, avec Abdallah Oumbadougou et Amazigh Kateb, Daby Touré, Mouss et Hakim ou Tiken Jah Fakoly.

La star du reggae ivoirien, en exil au Mali, et forte de son retour à Abidjan où elle a joué en décembre 2007, mise sur la réconciliation des peuples. "Tous les peuples ont le droit de réclamer leur identité, mais je pense que la seule solution est le dialogue. Mais si les gens protestent, c’est que quelque chose ne va pas…"

"Je suis vivant et je ne suis pas un animal" chante Amazigh Kateb. "Que le royaume chérifien donne la parole aux rebelles du nord Niger, avec Desert Rebel, est hallucinant. On sait très bien que les décideurs, ceux qui donnent de l’argent à la culture, ne comprennent rien à la culture, et ça peut être salutaire parfois." A l’arrivée de Désert Rebel, le collectif franco-nigérien, le public masculin se met à huer. Il attendait la star du raï Khaled, qui a déclaré forfait.  "Il a eu un problème cardiaque…" Ici, on entend surtout "pression de l’Algérie"…

Le lundi à l’aube, la presse, les artistes, les surfeurs qui ont passé des nuits blanches et venteuses sous les khaimas (les tentes berbères) quittent le camp et ses militaires, très protecteurs…Belle opération de communication pour le Maroc,

Laurence Aloir

Retrouvez Amazigh Kateb et Desert Rebel sur l'antenne de RFI,  dans l'émission de Laurence Aloir Musiques du monde le 3 avril prochain.