Claire Diterzi voit rouge
Claire Diterzi interprète Rosa Luxemburg dans Rosa la Rouge, un spectacle musical et un disque résolument contemporains. Rencontre avec la chanteuse un peu comédienne, et son complice, le metteur en scène argentin Marcial Di Fonzo Bo.
Création autour de Rosa Luxemburg
Claire Diterzi interprète Rosa Luxemburg dans Rosa la Rouge, un spectacle musical et un disque résolument contemporains. Rencontre avec la chanteuse un peu comédienne, et son complice, le metteur en scène argentin Marcial Di Fonzo Bo.
RFI Musique : Comment est née l’idée de ce spectacle autour du destin de cette révolutionnaire allemande du début du XXe siècle ?
Marcial Di Fonzo Bo : Nous avions très envie de travailler ensemble. C’était un bon sujet à transposer dans l’univers artistique de Claire, surtout à travers sa personne. Je trouve qu’il y a une alchimie assez géniale entre le destin de cette femme et les questions que Claire pose en tant qu’artiste : la résistance, la révolte, la société d’aujourd’hui. Nous avons décidé de faire de la musique en live, Claire avec ses musiciens. Pas de comédiens sur scène ou de musiciens qui font les acteurs. Soit le principe même d’un concert. C’est ainsi que le sujet se racontait le mieux.
Composer de la musique à partir de la biographie d’une militante communiste a t-il été compliqué ?
Claire Diterzi : La musique a été assez facile à composer. Mais au début, je n’étais pas partie pour faire des chansons, mais plutôt une bande originale avec quatre ou cinq chansons. Ma maison de disques a écouté mes maquettes, réalisées après un an de travail, et s’est demandé s’il s’agissait d’une bande originale ou d’un disque de chanteuse. J’ai relevé mes manches, on était en décembre 2009, et je me suis isolée pour composer les quatre chansons qui manquaient. J’avais en tête la kalash-guitare (croisement entre une kalachnikov et une guitare, ndlr) fabriquée pour le spectacle par le graphiste Michal Batory et Marcial avait bien avancé sur la scénographie de la pièce.
Votre musique oscille entre guitares électriques, rythmiques électroniques et r’n’b. C’est un peu surprenant…
Claire Diterzi : C’est un vrai choix. Nous ne voulions pas rentrer dans le pastiche rococo ou façon images d’archives dans le spectacle. Pour la musique, c’est pareil : ni textes un peu rétro, ni orchestration vieillotte. Je suis née 100 ans après Rosa Luxemburg, en 1970, mais je crois que le propos de cette femme est vraiment d’actualité : la résistance, la révolution… c’est bien le moment d’en parler ! Et je ne vais pas évoquer ces sujets dans des chansonnettes accompagnées à la guitare acoustique. Il fallait envoyer du son !
La chanson Je touche la masse est presque un tube r’n’b…
Claire Diterzi : Rosa Luxemburg passait ses journées à écrire ou dans des trains à sillonner la Pologne pour aller rencontrer la classe ouvrière. Je vais un peu raccourcir ses idées, mais elle voulait toucher la masse. J’ai fait le parallèle entre elle et mon métier : je passe la majeure partie de mon temps dans un camion, pour aller voir les gens, défendre mes projets, leur interpréter mes chansons. Je ne suis pas une chanteuse à tubes, je voulais en sourire avec ce titre un peu genre Britney Spears ou MTV. On débute le spectacle par celui-ci, histoire d’instaurer tout de suite un décalage. Mais les paroles ne sont pas légères, elles m’ont été inspirées par cette phrase de Rosa Luxemburg : "Le monde est si beau malgré toutes les horreurs, et il serait plus beau encore s’il n’y avait pas des pleutres et des lâches".
Pourquoi avoir choisi des instruments à vent ou des machines pour vous accompagner ?
Claire Diterzi : La batterie et les programmations, pour ce décalage dont je parlais. Tout ce dispositif contemporain se voit sur scène. Rosa était obsédée par la nature, les nuages et les oiseaux, comme en témoigne son énorme correspondance, lorsqu’elle était en prison. D’où des instruments à vent, comme le cor, si majestueux. Les cuivres ont à la fois un côté fanfare militaire et bande originale de film. Le hautbois évoque plutôt les oiseaux. J’ai notamment écrit un arrangement pour cor et hautbois de Madame Rêve d’Alain Bashung.
Ce n’est plus vraiment un concert ni tout à fait une pièce de théâtre…
Marcial Di Fonzo Bo : Un peu comme en musique, les spectacles sont souvent classifiés. Ce spectacle est un objet hybride, entre le théâtre, le concert et l’installation vidéo. Claire chante, joue et lit des textes de Rosa Luxemburg. Mais je pense que cela reste un spectacle populaire et un grand moment de plaisir.
Après ce spectacle, êtes-vous tentée par une expérience de comédienne ?
Claire Diterzi : Je préfèrerais mourir plutôt que d’être comédienne ! C’est une corde à mon arc, mais je reste chanteuse. Je vois les acteurs comme des artisans, pas des artistes, souvent inconsistants et narcissiques. J’ai beaucoup plus de respect pour les techniciens et les créateurs.
Claire Diterzi Rosa la Rouge (Naïve) 2010
Actuellement en tournée en France. Du 11 au 22 mai 2010 au théâtre du Rond-Point, à Paris.