Chansons pour un ballon
Sujet libre ou imposé, qu’il s’agisse de déclarations spontanées ou d’œuvres commandées, le football en Afrique est à l’origine de nombreux enregistrements effectués par les artistes du continent et d’ailleurs.
De Dibango à Zebda
Sujet libre ou imposé, qu’il s’agisse de déclarations spontanées ou d’œuvres commandées, le football en Afrique est à l’origine de nombreux enregistrements effectués par les artistes du continent et d’ailleurs.
"Cameroun, champion du monde ! [ …] Nous, on choisit le jeu qui régale et rigole. Crochets courts, feintes raides et talonnades sont les trois mamelles d'une belle escapade." Les fervents supporters, auteurs de cette chanson, ne sont pas des compatriotes des Lions indomptables… mais les Français du groupe Zebda ! Paru en 1995 sur l’album des Toulousains intitulé Le Bruit et l’Odeur, le morceau en dit long sur la popularité acquise par la sélection camerounaise, en particulier depuis le mondial organisé en Italie en 1990 où elle est la première nation africaine à atteindre les quarts de finale.
Le joueur vers lequel se tournent tous les regards, à l’époque, est l’avant-centre Roger Milla. A 38 ans, il marque quatre buts au cours de la compétition. Cela vaut bien au moins une chanson. Le Zaïrois Pepe Kallé, l’un des rois du soukouss, lui consacre un titre qui porte son nom dès 1991. La même année, l’attaquant vedette enlève ses crampons et passe derrière le micro le temps de l’album Saga Africa porté par le single Sandy. Dans ce club –restreint – des footballeurs chanteurs, figurent entre autres le Français de la Guadeloupe Marius Trésor, interprète en 1978 de Sacré Marius, ou encore l’international sénégalais Sarr Boubacar et sa Beguine à Bouba en 1984.
Quand le vétéran Milla reprend du service pour le Mondial de 1994, l’équipe camerounaise fédère les artistes bien au-delà des questions de nationalités. A Paris, Jocelyne Béroard, Papa Wemba, Meiway, Djély Moussa Diawara, Touré Kunda, Princess Erika, Lokua Kanza et quelques autres se réunissent en studio pour enregistrer Allez les Lions.
L’Afrique subsaharienne est représentée pour la première fois à une phase finale de Coupe du Monde avec le Zaïre, en 1974. Cette qualification, qui avait plus qu’une valeur symbolique, fut aussitôt saluée par le très productif orchestre du TP OK Jazz et son leader Franco à travers Coupe du monde. Mais sur les terrains allemands, il s’est mis à pleuvoir des buts dans les cages des Léopards : 9-0, encaissé contre la Yougoslavie !
Soul Makossa
Entre le foot et la musique en Afrique, les relations sont à la source d’un rebondissement aussi inattendu que majeur, a posteriori. Quand les autorités de son pays lui commandent un hymne officiel pour la huitième Coupe d’Afrique des nations organisée en 1972 au Cameroun, Manu Dibango compose une marche qui répond parfaitement à ce qu’on attendait de lui. Sur la face B du 45 tours distribué gratuitement, le saxophoniste place Soul Makossa qui reflète son inspiration du moment. "Un rythme traditionnel makossa accommodé à ma sauce soul", explique-t-il dans sa biographie Trois kilos de café. Le titre passe totalement inaperçu sur place, mais le disque voyage et resurgit aux États-Unis. En quelques mois, le succès est phénoménal et lance véritablement Manu Dibango sur la scène internationale.
Événement biennal, la Coupe d’Afrique des nations (CAN) est un rendez-vous que les artistes ont souvent mis en musique. L’album CAN History (1957-2006) rassemble quelques-uns des titres que le foot a inspirés du Guinéen Sékouba Bambino. Entre les multiples cassettes de soutien au onze du Sily National et les CDs tel que Ambiance Ballon, les enregistrements sur le sujet se bousculent dans la discographie de ce chanteur membre du collectif Africando.
Chaque fois que son pays participe à la CAN, Askia Modibo, le reggaeman malien semble revenir dans l’actualité. Ancrée dans l’inconscient collectif depuis qu’elle est parue en 1994 pour féliciter l’équipe qui s’était hissée en demi-finale du tournoi continental organisé en Tunisie, sa chanson Les Aigles, avec ses cuivres arrangés à la façon d’Alpha Blondy, est devenue un classique.
Lorsque le Mali accueille la 23e édition de cette compétition en 2002, l’hymne officiel est confié au Français Passi. Le rappeur aux racines congolaises choisit la carte du panafricanisme et invite à ses côtés Cheb Mami, Rokia Traore, Femi Kuti, Papa Wemba ou encore Youssou N’Dour, déjà sollicité à l’occasion du Mondial 1998 en France pour La Cour des Grands en duo avec Axelle Red. Si les projets orientés vers le foot sont nombreux à ce moment-là chez les artistes locaux, Neba Solo se distingue avec CAN 2002 qui donne l’occasion à ce balafoniste amateur de beats modernes, de se faire davantage connaître de ses compatriotes.
A l’avant-garde lui aussi, mais dans le domaine du coupé décalé, le DJ ivoirien Shanaka Yakuza doit sa notoriété soudaine en 2006 à l’album Drogbacité et aux mouvements de danse "aile de pigeon", en référence au jeu du footballeur Didier Drogba. Si l’attaquant des Éléphants marque lors du Mondial en Afrique du Sud, il y a fort à parier que ses gestes soient sur le champ mimés dans une nouvelle version de la Drogbacité à Abidjan !