Florent Marchet, l’esthète aux synthés
Après Gargilesse (2004) et Rio Baril (2007), l’élégant Florent Marchet, trublion original du paysage français, revient avec un nouvel opus, Courchevel. Sur ces pistes, défilent de petites histoires en cartes postales, colorées du son orchestral des synthés. Ca groove, et c’est frais !
Nouvel album, Courchevel
Après Gargilesse (2004) et Rio Baril (2007), l’élégant Florent Marchet, trublion original du paysage français, revient avec un nouvel opus, Courchevel. Sur ces pistes, défilent de petites histoires en cartes postales, colorées du son orchestral des synthés. Ca groove, et c’est frais !
"Encore un nom de lieu ?", se sont écriés ses proches, lorsque Florent Marchet leur a soumis le titre de son nouvel album. Eh oui... Après Gargilesse et Rio Baril, ce dandy de la chanson française dévale tout schuss les pistes de Courchevel, station de ski huppée dans laquelle il n’a jamais glissé un pied.
Mais de ces lieux géographiques, il chante surtout les connotations sociologiques : à coup de clichés, de cartes postales, Florent plante le décor. "Avant d’écrire mes histoires, il me faut un cadre", explique-t-il. "Peut-être parce que la photographie me passionne ?" Au cœur de ces scènes figées, les personnages s’animent donc, construisent leur fable, tout droit issus de l’inconscient de Florent : pages lues, histoires vécues, ou racontées...
Quand Benjamin interroge les tourments d’un éternel adolescent, la chanson frotte ainsi les idées de bonheur et de fortune. Dans la Famille Kinder, Florent tance les bien-pensants, le diktat de la vitrine sociale, ce paradis obligatoire : "On nous vend à tour de bras la Famille Ricoré, les sourires Email diamant, alors qu’on a construit une société violente, hyper rude, qui exclut les différences !" Et puis vient l’apocalypse : ce dialogue sur fond d’avion en flammes entre lui-même et Jane Birkin, directement inspiré des ultimes conversations téléphoniques des passagers du 11 septembre (Roissy). Florent déroule le fil, découvre ses inventions, livre de petits scénarios joliment troussés.
Le son organique
Des chansons-films, donc, qui furent élaborées dans les arcanes de son propre studio, Nodiva ("surtout pas de diva !"), une véritable caverne d’Ali Baba, où squatte pêle-mêle une jungle d’instruments. En résulte un son pop, orchestral, et organique. Organique, d’abord, comme la riche matière musicale qui le compose. Mais surtout "organique" comme "orgues" électriques, ou synthétiseurs, dont il use à tour de doigts. "Gamin, t’écoutes Pierre et le Loup, et t’apprends à reconnaître tous les instruments : la trompette, le hautbois, la clarinette..." raconte-t-il. "Mais il me manquait toujours ces sons de claviers des seventies, que je ne parvenais pas à identifier. Et puis, Internet a changé ma vie. Sur la toile, des passionnés dévoilaient l’origine de ces sonorités : de véritables secrets de cuisine ! Je suis devenu fou, compulsif, jusqu’à me ruiner..."
Florent fait des emplettes en Allemagne, se réveille au beau milieu de la nuit pour acquérir un synthé mythique sur Ebay, mis en vente aux Etats-Unis. Aujourd’hui, il détient une vingtaine de claviers, dont il égrène les noms et références, en une litanie pré-futuriste : l’Eminent Grand Théâtre, "l’orgue le plus cher au monde", le Prophet 5, "le meilleur synthé", ou encore le Philicorda, utilisé à l’origine dans les petites paroisses fauchées, avant d’être popularisé par Robert Wyatt dans Rock Bottom. De chacune de ces machines, au son délicieux parce qu’imparfait, Florent connaît l’histoire. Mais aujourd’hui, sur Courchevel, c’est au tour de ces "bêtes apprivoisées" de prendre la parole.
Libérer l’interprète
La collection de chanson est pourtant née sur les planches de petites salles, dans le dénuement guitare-voix. L’épreuve du feu, dira Florent. Car à l’issue de Rio Baril, le chanteur a bien failli arrêter de chanter. Pour de vrai. "Je ne prenais pas assez de plaisir sur scène", se souvient-il. "J’étais attiré, mais quelque-chose en moi ne s’exprimait pas, ne vivait pas. J’avais oublié l’interprète au profit de l’auteur-compositeur, et même sur disque, ça clochait !"
Et puis vint sa rencontre avec Arnaud Cathrine, à l’origine du roman musical Frère Animal. Avec l’écrivain, il multiplie les festivals littéraires, où il incarne en musique les textes des autres, ces auteurs qu’il affectionne. "En interprétant des écrits qui n’étaient pas de moi, la révélation est venue !", témoigne-t-il. "Je me suis rendu compte qu’il était beaucoup plus difficile de chanter ses propres textes et d’arriver à mettre une distance suffisante. Il m’a fallu beaucoup travailler !" L’effort a pourtant laissé place à une excitation intense.
Avec moumoute polaire, lambris et tête d’ours qui s’allume de l’intérieur – une scénographie inspiré des délires d’un photographe américain ! – Florent Marchet s’apprête désormais à sillonner la France, pour réchauffer l’hiver au feu de Courchevel.
Florent Marchet Courchevel (Pias) 2010
Actuellement en tournée en France. En concert à Paris le 9 novembre au Café de la Danse et le 25 mars 2011 à la Cigale (Paris)