Festival Sakifo 2007

Alain Peters et la musique des îles à l'honneur

01/02/2011 -  Saint Leu - 

Pendant cinq jours, la ville de Saint-Leu, à La Réunion, est la capitale musicale des îles de l’océan Indien. La quatrième édition du festival Sakifo (qui s’est achevée dimanche 5 août), a rendu hommage au chanteur Alain Peters. L'artiste disparu est entré dans la légende de la musique réunionnaise avec un superbe concert de ses anciens acolytes et la création d'un prix portant son nom.

D’étranges totems se dressent dans le dos des passagers qui s’apprêtent à entrer dans l’avion à destination de La Réunion : ce sont les guitares des musiciens invités au Sakifo. A 10000 kilomètres de Saint-Leu, l’ambiance du festival est déjà palpable dans la salle d’embarquement de l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle, où se trouve réunie une rare concentration d’artistes. Tout juste revenu d’un concert au Canada et heureux de s’envoler vers son île natale avec sa formation métropolitaine, Davy Sicard vient saluer le Réunionnais de cœur Loy Ehrlich d’Hadouk Trio, qui n’a pas pu s’empêcher de sortir ses instruments. Au passage, il échange quelques mots avec la choriste Shana, qui participe pour la troisième fois au festival. Cette année, elle accompagne la star sénégalaise Ismaël Lo.

Avec deux jours de concerts supplémentaires, la version 2007 du Sakifo fait plus que jamais figure de rendez-vous musical majeur dans ce département français d’Outre-Mer et dans le reste des îles de l’océan Indien. Les risques pris par Jérôme Galabert, patron du festival au tempérament de bulldozer, se sont chaque année révélés payants depuis la première édition en 2004. L’engouement populaire – 28000 entrées payantes et plus d’une dizaine de milliers de spectateurs pour la scène gratuite – a donné des idées aux publicitaires locaux : à l’approche du mois d’août, de la brasserie au constructeur automobile, en passant par la banque, chaque secteur d’activité redouble d’imagination pour utiliser le nom du festival ("c’est ça qu’il faut", en créole) dans ses slogans !

La couverture médiatique est impressionnante. Impossible d’y échapper. Pendant cinq jours, l’île vit au rythme de ce qui se passe sur les cinq scènes installées à Saint-Leu. Un mini-festival "off" s’est même monté avec la bénédiction de l’organisation de Jérôme Galabert, avec des artistes tels que Ti-Fock ou Tiana, la chanteuse malgache.

Cinquante concerts

Si une partie de la programmation éclectique du Sakifo est composée de têtes d’affiche internationales ou métropolitaines (Sanseverino, Amadou & Mariam, Ayo, Patrice, Joeystarr…), elle continue à mettre en avant les artistes de l’océan Indien qui ont donné cette année plus de vingt des cinquante concerts : du maloya avec Kiltir ou le doyen Firmin Viry entouré pour l’occasion d’un orchestre indien, du ragga avec Benjam et James, très appréciés par la jeunesse. Il fallait aussi parfois savoir décrypter le programme. Derrière le groupe electro dub Zon se cache en fait "Zong, sans son point G", explique Costa. Drean, la  chanteuse du trio réunionnais, n’était pas très loin puisqu’elle est apparue au micro avec la formation dub mozambicano-sud-africaine 340ML.

Les rencontres entre artistes sont au cœur de ce festival et lui donnent une valeur ajoutée inestimable. Associés au duo de surdoués Bumcello, la Réunionnaise Nathalie Natiembé et ses musiciens ont fait entrer le maloya dans une autre dimension. Sami Pageaux-Waro, l’un de ses deux percussionnistes, montait quelques heures plus tard sur scène avec l’Anglais Flox. La veille, il jouait sous le nom de Lo Griyo avec Luc Joly. La prestation du duo lui a permis de remporter le prix Alain Peters, une nouveauté de ce festival destinée à rendre hommage au chanteur réunionnais disparu en 1995. Le talent et la capacité d’innovation du fils de Daniel Waro n’ont pas échappé au jury présidé par Gilbert Pounia de Ziskakan. Pour se souvenir de la beauté des mélodies d’Alain Peters, ses anciens compagnons tels que Loy Ehrlich et René Lacaille lui ont rendu un poignant hommage en reprenant ses chansons devant plusieurs milliers de spectateurs lors du traditionnel riz chauffé matinal. Sans doute le plus beau moment de toute l’histoire déjà riche du Sakifo.

Bertrand Lavaine