Les Amazones de Guinée, retour en force !
Deuxième album de la troupe
01/03/2011 - Paris -
"Venez voir ce joli bijou", c’est en substance ce que signifie Wamato, le titre du second album (en quarante-six ans d’existence !) des Amazones de Guinée. RFI Musique a obéi aux ordres, et est allé à Conakry rencontrer les perles de la musique guinéenne contemporaine. Gendarmes, femmes et artistes : les Amazones valent le détour !
Le soleil tape dur en cette fin de matinée de décembre à Conakry. Du hangar de tôle situé à côté du Palais du peuple s’élèvent des rythmes cuivrés et bien rythmés. A l’intérieur onze femmes, toutes en uniforme kaki, répètent, inlassablement, les morceaux de leur nouvel album. Le second en quarante-six années d’existence ! Les Amazones sont rentrées dans la légende grâce à leurs concerts mémorables sur les scènes du monde entier…
L’orchestre de la gendarmerie nationale est exclusivement composé de femmes et existe depuis 1961, date où Fodéba Keita alors ministre de la Défense nationale de la Guinée fraîchement indépendante, décide de mettre en avant la culture du pays à travers ses "gendarmettes". L’orchestre chante la révolution et ses valeurs. Sékou Touré approuve.
Opération réussie : pendant les premières années de son existence, les Amazones déstabilisent et fascinent, en Guinée mais aussi très vite dans toute l’Afrique de l’Ouest. Pendant quatre ans, l’orchestre joue uniquement avec des instruments à cordes traditionnels, avant de se mettre en 1965 aux guitares électriques, aux cuivres, à la batterie et à la basse...et de faire un carton sur toutes les scènes d’Afrique. Aujourd’hui, quarante-six ans plus tard, sous la tôle ondulée de Conakry, des gendarmettes, tous grades confondus, s’éclatent derrière leurs instruments. Qui a dit que la discipline empêchait de s’amuser ?
Dates mythiques
Mais le temps a fait son œuvre et il n’existe plus de gendarmes de la première génération des Amazones… Le Capitaine Nyépou Abas, reine des Amazones, guitariste virtuose s’en est allée en 2004. Dans le grand hangar de tôle, la doyenne des Amazones est le Commandant Djénabou Bah, entrée en 1965 dans l’orchestre. Elle range son saxophone ténor et égrène les souvenirs…
Pour commencer, la date mythique de 1977, à Lagos où le Festival des Arts et de la Culture du monde noir, le FESTAC, tout entier tombe à genoux devant la scène. "L’orchestre de la gendarmerie nationale" prend alors le nom des guerrières du roi Behanzin au royaume du Dahomey, dans l’actuel Bénin. Les gendarmes deviennent les Amazones, combattantes de l’émancipation féminine. Puis, Djénabou se rappelle de cette riche année de1983, où le groupe enregistre son premier album, Au cœur de Paris, et tourne pendant plus de six mois en France et en Europe. La Guinée est alors le phare de toutes les résistances, et rayonne de sa culture partout en Afrique.
A l’occasion d’une fête nationale, le maréchal Mobutu alors président du Zaïre, appelle Sékou Touré en personne pour lui demander ses Amazones. Pourtant, Kinshasa ne manque pas d’artistes talentueux. Mais Mobutu tient aux Amazones. Elles sont à Paris ? Qu’importe ! Le président à la toque léopard fait affréter un avion qui part chercher et ramène une semaine plus tard les Amazones à Paris. Les années 1980, la belle époque pour les musiciens d’Afrique !
En force !
"Retour en force des Amazones de Guinée !" lance Baloba Keïta, l’une des chanteuses du groupe. Et les musiciennes démarrent en trombe, sur une boucle rythmique entêtante, cuivres à l’appui et sourires radieux en prime. Wamato a été enregistré en août 2005 au studio Bogolan de Bamako, grâce à l’incontournable maison de production Syllart. Depuis la sortie de l’album Au cœur de Paris en 1983, l’occasion de sortir un disque ne s’était pas présentée, dixit le commandant Djénabou Bah.
Sous la direction du Commandant Salématou Diallo, à la basse, les Amazones portent un regard lourd d’expérience sur le monde qui les entoure. Les artistes prônent la confiance, la droiture, la respect des anciens, mais chantent aussi Nyépou Abas, la guitariste disparue…Les Amazones invitent également à la découverte de leur verte Guinée, montagneuse et généreuse. Dans l’album, on découvre même la langue Toma et les Zawagui, trois femmes de la forêt guinéenne qui chantent en polyphonie, et proposent une autre facette du pays mandingue. Sur l’un des morceaux, Daloba Keïta s’avance, micro en main et esquisse avec entrain des pas de danse en uniforme kaki… Spontanées et vitaminées, les Amazones de Guinée ne manquent décidément pas de saveur !
Eglantine Chabasseur
Les Amazones de Guinée Wamato (Syllart/RFI/Sterns Music) 2008