L’âme d’enfant de Michel Jonasz
Mis à part un disque d’hommage à la chanson française en 2007, le dernier album studio de Michel Jonasz date d’il y a six ans. Depuis, entre tournées et écriture, il se consacrait à Abraham, pièce de théâtre et de musique tzigane où il raconte l’histoire de son grand-père maternel, juif polonais déporté de Hongrie. Tout en travaillant à ce nouvel opus, Les Hommes sont toujours des enfants, dans lequel on retrouve sa musique qui chaloupe et qu’on attendait tant.
Nouvel album, Les Hommes sont toujours des enfants
Mis à part un disque d’hommage à la chanson française en 2007, le dernier album studio de Michel Jonasz date d’il y a six ans. Depuis, entre tournées et écriture, il se consacrait à Abraham, pièce de théâtre et de musique tzigane où il raconte l’histoire de son grand-père maternel, juif polonais déporté de Hongrie. Tout en travaillant à ce nouvel opus, Les Hommes sont toujours des enfants, dans lequel on retrouve sa musique qui chaloupe et qu’on attendait tant.
"Quand ils regardent la voie lactée/Les yeux tournés vers le firmament/Devant le ciel, l’immensité/Les hommes sont toujours des enfants." La poésie se fait entendre dès les premières notes de piano, et Les hommes sont toujours des enfants donne son nom au nouvel album de Michel Jonasz.
A quoi rêvait Michel Jonasz, enfant ? Il a grandi entouré de musique hongroise, tzigane, française : sa mère chantait dans la cuisine, son père jouait du violon et l’amenait voir Edith Piaf sur scène. Il écoutait des chansons yiddish en famille. Mais il ne rêvait pas de carrière. Son rêve à lui était la conviction que le futur lui apporterait de belles choses. "J’avais cet optimisme naturel en moi, quelque chose de la joie en attente. J’ai gardé l’enthousiasme de faire, l’émerveillement. Mais le plus important est de savoir vivre l’instant présent, ce qui est propre aux enfants et qu’il ne faut surtout pas perdre. J’espère que c’est ça qui va être compris : ne perdez pas le lien avec l’enfance, il y a là quelque chose à préserver."
Les Souvenirs le "prennent à l’abordage", et il y évoque les amours d’adolescence. Comme dans Avant, avec son clin d’œil au Yesterday des Beatles. Le passé tient sa place, les images sont tendres sans être nostalgiques. Ce qui n’a pas bougé, c’est sa flamme de musicien : "J’ai toujours les mêmes motivations qu’à 18 ans, quand je chantais du rock‘n'roll au Golf-Drouot. Avec le rock, le blues, on est animé par un besoin vital de faire de la musique, il n’y a que ça."
La musique des mots
Chaque titre raconte une histoire, la sienne, ou une qui pourrait exister. Dans Hé Black, Jonasz imagine des retrouvailles avec un compagnon de route comme il y en a eu : "Adolescent, on veut faire des groupes, de la musique, puis après on se perd de vue. Moi j’ai fait ma route, et l’autre je ne sais pas. J’ai imaginé qu’on se retrouve, qu’on puisse essayer quelque chose."
Tout part de ses textes, la musique ne lui vient que bien plus tard. "J’ai des cartons entiers de cahiers d’écolier remplis de chansons. Je peux reprendre des textes d’il y a des années. Quand je décide d’une chanson pour l’album, car j’en écarte toujours beaucoup, je peux faire la musique très vite : la pulsion rythmique des mots est déjà là, je la connais." Le texte de Woman in blue a, par exemple, douze ans : "Je me rappelais la musique que j’avais dans la tête à l’époque, mais je l’ai changée".
Pour décrire la musique, il emploie l’image d’une vague, harmonieuse, qui lui fait souvent choisir un tempo médium-lent. "Avec mes musiques je cherche la chose qui ondule. C’est ce que je ressens et c’est ce qui m’inspire. Quand je fais des rocks, des bossas-novas, c’est pour m’amuser." Là, Les Bougies de secours est un prétexte pour danser la salsa. Il a recherché pour ce disque une manière de composer plus dépouillée, laissant derrière lui les marches harmoniques complexes qu’il aimait faire avant, pour donner son unité à l’album. "Il y a des accords très simples, pour une mélodie plus libre."
Un seul morceau a été co-écrit, avec Caroline Liborio. Alors qu’il cherchait une chanson au tempo soutenu, elle pense à la rapidité d’un coureur. La belle idée de Jesse Owens, l’une des perles de l’album, était née. Michel Jonasz y tient le rôle de narrateur, tandis que, des deux chanteurs qui l’accompagnent, Eric Filet joue Jesse Owens. Puis Jean-Marc Reyno, ancien compétiteur, interprète le souffle du coureur. Leurs trois voix participent à la tension musicale qui porte le morceau. "Je me suis imaginé ce qui se passait dans sa tête alors qu’il était en train de courir". On est en 1936, aux J.O. de Berlin. Hitler est dans les tribunes, "C’est un homme qui court/Un homme noir qui court". "Il gagne (quatre médailles d’or ndlr), tous les Blancs sont derrière. Quelle belle revanche ! Par rapport aux Allemands, mais aussi à l’Amérique très ségrégationniste de l’époque."
La liberté du saltimbanque
Si Michel Jonasz livre ici onze chansons inédites écrites en toute liberté, il n’en oublie pas sa promesse d’hommage aux trois musiques qui l’ont inspiré : la chanson française, la musique tzigane, le blues allié au rock. "J’ai fait la chanson française, la musique tzigane avec la pièce de théâtre Abraham, il me reste le blues ! Je vais écrire les chansons, qui parleront du blues, ou seront sous la forme de blues. Je m’y suis engagé, j’ai envie de le faire. Ça peut être dans dix ans comme dans deux, pour le prochain album."
En attendant, il a commencé sa nouvelle tournée, et continue également à jouer Abraham, qui est un véritable succès avec déjà plus de 150 représentations. "C’est ça qui me plaît, j’aime cette diversité. Passer du théâtre à la musique, c’est génial ! Je suis totalement libre de mon temps. Dès que j’ai de l’espace pour écrire, j’en profite et je prépare la suite."
Et garder son âme d’enfant permet aussi de nouveaux rêves. "Il y a un truc que j’aimerais faire, mais je ne sais pas si j’en suis capable. C’est ce que faisait mon grand-père maternel, Abraham. Il était cantor dans les synagogues. Il parait qu’il chantait magnifiquement bien. Si je pouvais un jour faire ça… Mais pour chanter ces chants sacrés, il faudrait que j’apprenne, c’est une technique vocale difficile, aujourd’hui je ne pourrais pas le faire. Mais peut-être, un jour… "
Michel Jonasz, Les Hommes sont toujours des enfants (MJM/Warner Music) 2011
En tournée dans toute la France et au Casino de Paris du 8 au 12 mars 2011