T 34, Re-rock the casbah !

Un retour très attendu

24/03/2011 -  Paris - 

T34, la formation mythique du rock algérien des années 80 revient enfin sur le devant de la scène : un deuxième album en 25 ans de carrière, ça se fête ! En plein mixage dans un studio des hauteurs d’Alger, Khaled Louma, la voix patinée de T34 revient sur le parcours sinueux du groupe, emblème de toute une génération.

Le rendez-vous est fixé devant la Grande Poste d’Alger, carrefour hyper embouteillé du centre ville. Alger s’est drapée des couleurs grises de l’hiver, mais la voiture de Khaled Louma, le leader de T34 est elle, bien blanche. Direction le quartier de Dely Brahim où, dans un petit home studio, se peaufine le second album du groupe de rock légendaire des années 80 en Algérie : T34.

Patine vintage

Véritable événement dans le paysage musical algérien, le retour de T34 est attendu par toute une génération qui avait fait des cinq étudiants, le porte-drapeau du mouvement rock’n’roll et d’une jeunesse en manque de repères. Après quinze ans de silence, revoilà les rockers en pleine forme mais en formation réduite.

Le temps et les aléas de la vie ont restreint le groupe à son noyau dur : Khaled Louma, le chanteur et Mourad Rahali, le guitariste. Composés en région parisienne, les morceaux du second album de T34 prennent forme à Alger, grâce au travail léché de Bruno Morana, propriétaire des lieux. "Bienvenue dans le futur Motown d’Alger !" rêve-t-il dans un sourire.

La barre semble bien haute et pourtant, à chaque nouveau morceau, c’est tout un univers qui fait irruption dans le studio enfumé : dans Bad Movie, des paysages montagneux défilent en Super 8 ; tandis que quarqabu, derbouka et guitares électriques donnent à Machi Nyari ("Ce n’est pas mon jour") un groove blédi et une philosophie millénaire. Pour couronner le tout, la basse de Breaking the law possède carrément le pouvoir de ressusciter Curtis Mayfield !

La voix de Khaled Louma a pris avec le tabac et le temps une patine quasiment vintage. Il insiste : "La grande question avant de revenir était : 'Que doit-on ramener ?' Fallait-il rechanter les titres qui ont fait le succès de T34 ? Cela a été difficile car nous avons passé plusieurs années sans toucher une note de musique…Puis à force d’écrire, on s’est rendu compte que nous avions encore des choses à dire, peut être de façon plus universelle… ".

Energie brute

Né au début des années 80 dans un bâtiment universitaire d’Alger – le T, chambre 34 –, le son T34 se répand comme une traînée de poudre. S’ils se situent plutôt dans la lignée des Clash tout le pays les surnomme déjà les "Pink Floyd algériens". La radio nationale souhaite les programmer et leur demande d’enregistrer quelques morceaux. "En 1984, Boualem El Far, le premier morceau que nous avons jeté sur les ondes, racontait l’histoire d’un titi algérois obligé de dealer la nuit pour joindre les deux bouts".

Les guitares électriques, l’énergie brute de ces morceaux, mais aussi le parler populaire de T34, compris à travers tout le pays, font le succès du groupe. "A l’époque le raï était encore clandestin. Nous sommes arrivés avec une attitude punk qui concernait toute la jeunesse. On a par exemple tourné des clips en jeans, alors que pour passer à la télévision, les artistes se mettaient en smoking !".

Mais l’insouciance est de courte durée : en octobre 1988, la jeunesse exprime son ras-le-bol dans des émeutes sans précédent. Deux ans plus tard, l’Algérie sombre dans le terrorisme. "Nous avons enregistré en plein couvre-feu à Alger notre premier disque auto-produit, She Ness ("Ces gens là"). Certaines chansons ont bien marché, mais en 1991-1992, le contexte était rude…". Pendant cette période, la culture algérienne se désagrège et -comme d’autres formations de l’époque-, T 34 amorce une longue période de silence radio. Le groupe s’exile en France en 96, y donne quelques concerts et notamment un New Morning mémorable en 1998.

Dix ans plus tard, après avoir traversé déserts et océans, ils sont fin prêts à reprendre du service.

Eglantine Chabasseur