Djmawi Africa, nouvelle vague

Depuis la grande époque du raï, la folie Gnawa Diffusion et les débuts du rap, en matière de musique, la jeunesse algérienne n’avait plus vraiment de quoi s’enthousiasmer. Depuis 2008, elle danse sur la fusion de Djmawi Africa. Retour sur un phénomène.

Une certaine représentation de la jeunesse

Depuis la grande époque du raï, la folie Gnawa Diffusion et les débuts du rap, en matière de musique, la jeunesse algérienne n’avait plus vraiment de quoi s’enthousiasmer. Depuis 2008, elle danse sur la fusion de Djmawi Africa. Retour sur un phénomène.

En trois ans, les Djmawi Africa, ont vendu 15.000 disques de leur premier album, Mama. Dans un secteur musical algérien exsangue, ce chiffre de vente est un score remarquable, qui place le groupe de fusion reggae-gnawa-chaâbi-raï en seconde position du catalogue de Belda Diffusion, le label de musiques actuelles d’Alger, juste derrière les pionniers de feu Gnawa Diffusion. Un renouveau qu’attendait une jeunesse souvent désabusée, privée de perspectives, de culture et de représentation d’elle-même.

Panafricanisme

Et à voir les Djmawi, qui répètent dans une salle du centre commercial algérois, Riad El Feth, on comprend pourquoi le groupe est tant plébiscité par son public : les huit musiciens sont des chercheurs. Venus d’horizons très différents (classique, rock, gnawi, jazz…), ils composent collectivement une musique qui mêle la base musicale populaire algérienne à d’autres influences, plus urbaines ou traditionnelles.

Plusieurs instruments ramenés de leurs tournées traînent, à portée de main. Un djembé, une kora ou un ngoni du Burkina Faso, une percussion indienne ou un cajon andalou qui viennent s’ajouter à leurs instruments de prédilection : la guitare, le oud, la batterie, les guitares et le gumbri, la basse gnawa, etc. Mama, leur premier album, mettait en avant la musique hypnotique de cette confrérie soufie présente au Maroc et en Algérie, héritée des esclaves noirs, venus du Sahel, avec leurs instruments et leurs croyances.

Le second disque espère révéler aux oreilles de la jeunesse algérienne d’autres aspects du patrimoine musical, comme le très originel son du raï trab d’Oran, basé sur la flûte gasbah et le guellal, une longue percussion en terre cuite. Ils s’en vont aussi explorer la région de Timimoune, au sud du pays, en s’intéressant au Ahellil un genre musical méconnu, structuré autour d’une voix lead, de chœurs et où les pierres font office de percussions.

"Cet album sera très différent. Mais ce qui nous intéresse, c’est de rester fidèles à nos racines africaines. L’Algérie est immense et le peuple algérien est divisé en 35 millions de petits morceaux. La seule chose que nous ayons vraiment en commun, c’est notre africanité"  explique Abdou, le guitariste de Djmawi Africa. Un discours iconoclaste dans une société, qui malgré la récente organisation du festival Panafricain d’Alger, a encore beaucoup de mal à accepter son héritage sub-saharien.

Alors, pour dépasser les frontières géographiques et les à priori culturels, les Djmawi Africa sont partis jouer en bus dans les petites villes du Grand Sud algérien, souvent délaissées par les politiques culturelles. Mais les Algérois se sont également produits au Burkina Faso, au Mali, au Soudan ou au pied des pyramides d’Egypte, histoire de marteler de part et d’autre du Sahara, leur panafricanisme sonore.

Mutation

Ces concerts sont à retrouver dans leur DVD Mama Tour, qui sort en Algérie courant mars. En trois ans, Djmawi Africa a donné plus de 200 représentations, de New Delhi, à Montréal, en passant par Paris. Sur la route, les musiciens ont grandi. "Mama nous a fait beaucoup tourner, mais au fil des scènes, notre son a muté, nous avons retravaillé les arrangements de l’album, c’était très ouvert, très évolutif. Pour nos fans et même pour nous, nous avons décidé de clôturer l’aventure Mama avant de partir sur un nouveau projet", explique Abdou.

Conçu comme un album de famille, le coffret raconte en images trois années de tournées et fait la part belle aux rencontres marquantes : au Burkina, avec deux duos avec les Français de Yapa, à Paris dans le cadre du projet Aux portes de l’Europe, où les jeunes Algériens ont travaillé en résidence avec des artistes slovènes, serbes et français.

Djmawi Africa possède une communauté de fans soudée et réactive, qui suit les allées et venues du groupe, ses choix et ses dates de concerts. En 2008, ils avaient par exemple lancé un web concours : le meilleur texte autour de l’esprit Djmawi, et la photo la plus insolite avec une bouteille Hamoud Boualem, la limonade nationale, permettaient à leurs auteurs de traverser le pays dans le fameux Mama Bus Tour, direction le festival de la Saoura, en plein désert, pour trois jours de fête au cœur de l’esprit Djmawi…

Aujourd’hui, leur page Facebook recense 12.000 fans et 2500 personnes sont venues à leur spectacle de clôture de la tournée Mama, en septembre dernier. Par conséquent, Djmawi écoute attentivement les attentes de son public. Beaucoup lui ont conseillé de muscler les textes, d’aller plus loin dans la prise de parole : les musiciens de Djmawi Africa ne représentent pas seulement eux-mêmes, mais toute la jeunesse algérienne qui les écoutent. Alors, ensemble, tous les huit, ils y travaillent, et espèrent faire écouter à leur public le résultat à l’automne 2011…

Djmawi Africa DVD Mama Tour, disponible sur le site web : http://www.djmawi-africa.com/ (2011)