Acid Arab, des garçons dans le Sirocco

Acid Arab. © Flavien Prioreau

Guido Minisky et Hervé Carvalho sont Acid Arab, un duo de DJs et producteurs au nom choc qui bouscule depuis l’été 2012 la scène électro-arabisante. Pour leur premier album truffé d’invités, les deux Parisiens mettent la barre haute en le baptisant sans équivoque possible : Musique de France. Visite guidée avec Monsieur Minisky.

Le hasard qui fait bien les choses, installe les débuts de ce duo dans le désert tunisien à l’été 2012. C’est là, si loin de l’Hexagone, que nait ce binôme. De retour, ils se mettent au boulot. Une première série de maxis baptisés Collections marque les esprits sur Versatile, le label de DJ Gilb’R qui finira même par les compiler sur CD.

"On invitait des musiciens et/ou DJs à proposer avec nous leur vision de ce mix entre musiques électroniques et musiques arabes" rappelle Guido, citant au passage le nom de quelques-uns de ses invités : I:Cube, DJ Gregory, Étienne Jaumet, Crackboy, Gilb’R… Un premier E.P. suit. Il installe le duo qui se retrouve presque chaque week-end aux platines des clubs ou en festival, en France comme à travers le monde.

L’envie d’album

"Porté par le succès et parce que notre entourage - à commencer par notre tourneur - nous expliquait que c’était l’étape logique suivante ; nous avons commencé à penser à l’album" explique le demi Acid Arab pour qui il est hors de question de n’être qu’Acid ou qu’Arab : "C’est un mix que l’on porte tous les deux dans toutes ses nuances", précise-t-il dès qu’on le titille.

Gilb-R fait savoir qu’il passe son tour. Le label bruxellois Crammed Discs, probablement alerté par son antenne parisienne, prend le relais et s’engage au côté du duo qui prolonge à sa façon le trait de l’aventure cosmopolite initiée par le label depuis ses premières sorties, il y a plus de trente-cinq ans.

Des musiciens d’ici et d’ailleurs

Au studio Shelter, leur caverne d’Ali Baba posée dans le Xe arrondissement de Paris, ils imaginent et enregistrent, titre après titre, Musique de France avec la complicité de Pierrot Casanova et Nicolas Borne avec qui ils collaborent depuis le début de l’aventure et Kenzi Bourras, le claviériste de Rachid Taha qui les a rejoints depuis leur premier live.

Ensemble, ils convoquent sur une rythmique jungle l’esprit des anciens esclaves noirs d’Afrique du Nord, en la personne du gnawa de Paris, Jawad el Garrouge, quand ils ne relèvent pas l’électro sombre, minimaliste et répétitive façon Suicide, d’une bonne cuillère d’hariss’Taha. "Rachid a couché les paroles sur le papier en studio. Houria, le morceau en question a beaucoup évolué. Quand il a posé sa voix, ce n’était même pas le même beat. Au final, ses lyrics collent parfaitement à la direction que nous avons prise" explique-t-il.

Il revient aussi sur les enregistrements : "La plupart ont été fait là ; à l’exception de nos lointains invités" et de citer dans la foulée le nom du Rizan Said, l’auto-proclamé "King of keyboards", vu et entendu par le passé au côté de la star syrienne Omar Suleyman, des chanteuses yéménites installées en Israël A-Wa et du chanteur turc et joueur de saz, Cem Yildiz. "Bien sûr, on est toujours frustré de ne pas être là quand ils enregistrent, mais on est ravis qu’ils se soient prêté à l’exercice avec un tel enthousiasme et une telle créativité ; d’autant que tout a démarré le plus souvent par un simple mail."

Un Sahara imaginaire

Au final, cet album qui sera appuyé sur scène par un live à trois (les deux double A aux machines et Kenzy aux claviers) scénographié par les Suisses de Supermafia, s’aventure sur les pistes d’un vaste désert. Ce Sahara imaginaire relie le sud du Maroc à Londres, le Moyen-Orient à la région des Grands Lacs aux États-Unis, Oran à Londres et les quartiers populaires de Paris à Manhattan.

On y entend le souffle puissant du chant des Médahates, ces vieilles femmes de l’Est algérien sans qui le raï ne serait rien et le son envoutant des gasbas (flûtes obliques), la rigueur des basslines tout droit sorties des TB-Roland 303, les machines qui ont imprimé le son acid au milieu des années 80, la frénésie du dabke, une danse villageoise qui se pratique aussi bien au Liban qu’en Syrie, Palestine, Jordanie ou Irak, le tempo engageant bien qu’assoupi de la trap-music, la punk-attitude des chanteurs de pop-raï et la pulse technoïde des clubs des mégapoles occidentales.

Définitivement, ces garçons dans le Sirocco n’ont pas de frontières quand ils composent Musique de France.

Acid Arab Musique de France (Crammed Disc) 2016
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