M pour Montréal 2016, hommage à Leonard Cohen et au talent local
Après avoir célébré avec beaucoup d’éclat son 10ème anniversaire l’an dernier, le festival M pour Montréal était de retour du 16 au 19 novembre 2016. Une édition avec moins de têtes d’affiche, mais tout autant de trouvailles québécoises ou canadiennes. Pendant quatre jours, RFI Musique a parcouru les nombreuses salles participantes.
Cette 11ème édition a doucement pris son envol mercredi dernier dans une ville encore en deuil : Montréal venait de perdre "son" Leonard Cohen, un pilier de sa scène musicale et littéraire pendant un demi-siècle. À toute heure du jour ou de la nuit, de nombreux fans continuaient de se rendre devant le domicile du célèbre artiste, situé non loin du QG de M pour Montréal, pour déposer des fleurs, allumer une bougie ou chanter l’un de ses succès.
À la toute fin de sa première soirée – un plateau réunissant Joe Grass, Groenland et Martha Wainwright organisé au magnifique Théâtre Rialto –, le festival a eu la bonne idée d’offrir un concert-hommage en l’honneur du grand poète. Tout simple et sous le signe de l’improvisation, le spectacle a rapproché plusieurs artistes francophones et anglophones, qu’ils figurent ou non dans la programmation de l’événement. Ils nous ont tous raconté avoir reçu la veille la même invitation de la direction de M pour Montréal : interpréter leur chanson de Cohen préférée.
C’est ainsi que les couche-tard ont pu voir revenir sur une scène plus discrète l’émouvante Wainwright et Joe Grass, le talentueux guitariste à qui avait été confiée la tâche de mener le groupe assemblé pour l’occasion. L’artiste country-folk Li’l Andy, pas petit du tout, a ouvert le bal avec une superbe version d’Everybody Knows, suivi d’Ariane Moffatt (Secret Life), de Katie Moore (Bird on The Wire) et d’une dizaine d’autres performances toutes plus touchantes les unes que les autres. Il fallait voir ce public tout ouïe composé de festivaliers et de collègues musiciens. L’émotion était palpable. Ce n’est assurément pas le dernier hommage à Cohen qu'entendra Montréal, mais on pourra dire que le festival a accompli quelque chose de vraiment magique dès sa soirée d’ouverture.
Brown et Lisa Leblanc : Le sens du spectacle
Une autre réussite du 11ème M a été de programmer au Club Soda Brown, un énergique trio rap/reggae/dancehall appuyé aux platines par Toastdawg, un DJ qui roule sa bosse depuis très longtemps dans le milieu du hip hop québécois. Composée de SnailKid (très connu pour son rôle de MC dans Dead Obies), de son frère Jam (qui officie aussi dans le collectif K6A, notamment) et de leur père Robin, la formation familiale a tout pour épater sur scène.
D’abord une excellente complicité, bien entendu, mais également une complémentarité des voix (les fils rappent, alors que le père d’origine jamaïcaine chante et joue de la guitare) et une énergie sans bornes. Pendant le tube Brown Baby, tiré de l’album Brown paru en janvier 2016, le public était complètement en délire. Et SnailKid de dire à la foule "Faites du bruit pour mon père !". Une chose qu’on n’entend pas si souvent sur la scène rap québécoise, il va sans dire !
Dans un tout autre spectre musical, Lisa Leblanc, qui manie la guitare et le banjo avec autant de fougue, continue elle aussi de voler la vedette partout où elle monte sur les planches. Succédant aux Deuxluxes, un duo qui ne manque pourtant pas de vigueur, dans le Loft Matahari de l’avenue Mont-Royal (qui est devenu cette année un nouveau lieu-clé de la scène musicale underground montréalaise), la chanteuse acadienne s’est emparée de la scène avec son dynamisme légendaire. Offrant des chansons en anglais tirées de son dernier album Why You Wanna Leave, Runaway Queen ?, elle a démontré sa capacité de faire rire, mais également de toucher : on pense à son joli morceau 5748 km, qui renvoie avec émotion au chemin parcouru pour un garçon, du Nouveau-Brunswick jusqu’à Vancouver.
Après-midi franco
Fidèle à l’habitude, M pour Montréal a rassemblé le samedi après-midi les performeurs de sa vitrine dédiée à la musique francophone. Ce n’est pas là que nous avons fait nos meilleures découvertes à M pour Montréal cette année, mais soulignons une nouveauté très intéressante : ces artistes s’exprimant en français n’étaient pas tous issus du Québec. En effet, on a pu découvrir la formation Ponteix de la Saskatchewan ainsi que Pandaléon de l’Ontario, deux anciens groupes participants au concours musical montréalais Les Francouvertes.
Bilingue, la première formation (nommée après son micro-village d’origine) connaît une belle lancée depuis l’été dernier, lorsqu’elle a fait paraître le mini-album J’orage. On a bien aimé sa pop planante aux accents psychédéliques, martelée par des beats électroniques. Disons que Ponteix a bien secoué la salle du petit bar Casa del popolo! Pandaléon a eu plus de difficulté : sa proposition rock sombre et son exploration sonore sont très intéressantes, mais il manquait quelque chose pour entraîner le public avec lui. En milieu d’après-midi, entre des prestations très relevées et dynamiques, le moment était sans doute mal choisi pour bien mettre en valeur le talent musical des auteurs d’Atone.
La vitrine "Franco M" s’est quand même achevée de manière percutante avec un excellent doublé rock psychédélique composé des Montréalais Corridor et IDALG. On avait déjà souligné leur efficacité et leur complémentarité à M l’année dernière. Eh bien en un an, Corridor a beaucoup étoffé sa performance live. IDALG a pour sa part offert un nouvel album, Post Dynastie, tout en tournant beaucoup, notamment en Europe. Ces deux groupes francophones originaux ont assurément un très bel avenir devant eux.