Les Motivés toujours remontés

Motivés. © Rémy Gabalda / AFP

Avec sa reprise du Chant des partisans, Motivés a connu un succès inattendu dans les manifestations de la gauche française et au-delà. Vingt ans plus tard, le collectif créé autour des chanteurs du groupe Zebda reprend du service : il réédite son disque Chants de lutte avec quelques ajouts, sous le titre Y'a toujours pas d'arrangement !. Désormais emmenés par les frangins Mouss & Hakim, ils ne lâchent pas un combat qu’ils ont mené jusque sur le terrain de la politique locale, dans leur ville de Toulouse. 

Depuis vingt ans maintenant, pas une manifestation ou un défilé du 1er mai où l’on échappe à ce refrain : "Motivés motivés il faut rester motivés." Cette adaptation du Chant des partisans n’était pourtant pas programmée pour dépasser le cadre des défilés de la gauche française. Adaptée par les trois chanteurs de Zebda et des figures de la scène musicale toulousaine, la chanson a été enregistrée en huit jours avec l’intégralité du disque Chants de lutte, sur lequel on retrouve entre autres Le temps des cerises, La Cucaracha ou Hasta siempre.

"Quand on a fait le morceau Motivés, on s’est dit que ça irait bien dans les manifs et ça a été le cas, constate Hakim Amokrane, le cadet du duo Mouss & Hakim. Au collège, on nous a enseigné la Seconde Guerre mondiale, Nuit et Brouillard. Le Chant des partisans est aussi très présent dans toute cette manière de nous apprendre la Résistance. C’est un symbole ! Aujourd’hui encore, je trouve que ça fait partie des chansons qui ont accompagné ceux qui combattaient la noirceur.  Ça aidait les gens à tenir ! Comme El paso del Ebro pendant le franquisme ou Bella Ciao contre le fascisme mussolinien."

Une France "black, blanc, beur"

Co-produit par le Tactikollectif, le pendant associatif de Zebda, et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), le parti d’extrême gauche, le disque Chants de lutte est destiné à l’origine au milieu militant. Vendus grâce au bouche-à-oreille, 5000 exemplaires sont rapidement épuisés. Ce succès arrive aux oreilles de la Fnac, qui propose de distribuer les Chants de lutte à l’échelle nationale.

Il faut dire que le contexte musical est plutôt favorable pour le collectif centré autour de Zebda. Le groupe est déjà n°1 à Toulouse en 1997 et organise des concerts dans les quartiers Nord. Un an et demi plus tard, Tomber la chemise le consacre dans un pays qui vient de remporter la Coupe du monde de football et se rêve "black, blanc, beur".

Mustapha Amokrane, alias Mouss, se rappelle de cet "âge d’or" comme si c’était hier. Il voit encore le passage du morceau Motivés au détour d’un reportage sur les mouvements de chômeurs de l’hiver 1997 /1998 diffusé au journal de 20 heures de TF1. "À ce moment-là, raconte-t-il, nous étions déjà engagés dans notre quartier. On participait aussi à des manifestations contre le Front national, pour les sans-papiers et pour l’amélioration des conditions de travail. Dans ces manifs, il n’y avait pas de musique, on s’ennuyait un peu. Nous, on aimait bien les manifs à la sud-africaine, à la façon de l’ANC, quand ça avance en ligne. Donc, on a dit : ‘Vos slogans, c’est sympa, mais il faudrait qu’il y ait cette énergie de la danse.’" Le nom de Motivés traduit l’état d’esprit du moment.

La force du collectif 

Son succès est indissociable d’une période où le rock français embrasse la cause altermondialiste. 200 000 exemplaires sont vendus de Chants de lutte, sans compter les CDs gravés qui passent de la main à la main. Au plan local, Motivés devient un mouvement citoyen qui s’écrit désormais Motivé-e-s. Cette liste emmenée par Salah Amokrane, le grand frère de Mouss &  Hakim, recueille 12,38 % des voix à Toulouse au premier tour des élections municipales de mars 2001. "Mes parents, arrivés en France dans les années 60, étaient impliqués dans la vie politique, confie Hakim Amokrane. Mon père, qui était ouvrier, n’avait pas le droit de vote parce qu’il était algérien, mais il était syndiqué. Il nous a  inculqué ces valeurs de travail. Ces Chants de lutte, ce sont les CGTistes, les copains de mon père, c’est aussi mon grand frère. Mais c’est aussi une idée collective : trouver ses idées et la force chez ceux qui nous entourent. C’est pour cela qu’aujourd’hui, en 2017, on est toujours dans cet esprit."

Pour leur retour en cette année d’élections présidentielles, les Motivés ne se sont pas coupés de leur ambition de départ. À savoir, travailler sur les idées de fraternité et de solidarité, même dans un pays qui doute. Recentrés autour de Mouss & Hakim, tandis que Magyd Cherfi poursuit sa carrière solo, ils font la place à la chanteuse Karimouche et à des pierres angulaires du projet initial comme l’accordéoniste Jean-Luc Amestoy et le guitariste Serge Lopez.

Le répertoire de Chants de lutte s’est lui aussi quelque peu étoffé : cinq titres complètent les onze originaux. A Luta Continua de Miriam Makeba et le Police on My Back popularisé par les Clash ont trouvé en route Sabra ou Chatila. Sur le fond, le collectif Motivés reste festif et ses concerts sont définitivement un bon moyen de chanter ensemble… entre les tours de Gennevilliers, comme on a pu le voir, ou à Paris dans la très symbolique église Saint-Bernard qu’ils investiront à la fin du mois de mars.

Motivés Y'a toujours pas d'arrangement ! (Association Takticollectif) 2017

Page Facebook de Motivés