Juniore, rétro vers le futur

Juniore. © Sandra Matamoros

Avec son esthétique sophistiquée, ce groupe de Parisiennes revisite le yéyé et le son des années 60. Mais dans une veine rétro/futuriste assez en vogue, Juniore est un peu plus qu’un exercice de style. Rencontre avec Anna Jean, sa chanteuse trentenaire, et présentation d’un premier album, Ouh là là, qui se révèle très cinématographique.

Le 12 avril 1966, le mensuel Salut Les Copains réunit autour d’une photo les chanteuses et les chanteurs les plus connus de son époque. Face à l’objectif du photographe Jean-Marie Périer ce jour-là, il y a Johnny, Sylvie, Sheila, Eddy, Dick, Antoine et presque tous ceux que le magazine et l’émission de radio de la station Europe N°1 ont menés sur le devant de la scène depuis le début de la décennie. Depuis plus de cinquante ans, ce cliché symbolise pour les Français, un âge d’or de la jeunesse, "le temps des copains et de l’aventure", comme le chantait Françoise Hardy.

C’est cela que Juniore reprend à son compte, en s’inspirant largement de la musique des sixties. "Au début, j’ai écouté trop de chanteuses yéyé. Je me suis imaginé que moi aussi, je pouvais avoir 17 ans, être avec mes copines France Gall et Sylvie Vartan, sourit la chanteuse/guitariste Anna Jean, à l’origine du groupe. J’avais donc rameuté mes amies mélomanes, mais j’avais déjà 30 ans. Elles avaient déjà un travail. Elles se sont mariées, elles ont eu des enfants, elles n’ont pas pu rester. C’est quand je les ai remplacées que j’ai voulu un groupe de filles."

Le pouvoir aux filles

Plus qu’un groupe, c’est plutôt une bande de filles qui joue de la pop très cinématographique. En écoutant la voix monocorde, le son plein de reverb' de ce premier album, Ouh là là, on imagine les courses poursuites, les voitures décapotables, les séries B et les films japonais dans lesquels elle retrouve "ces personnages féminins assez courageux, avec une faiblesse pour la gent masculine qui est toujours fatale". "Mes chansons sont des histoires d’amour et souvent, de déceptions amoureuses. Mais j’ai l’impression que c’est un prétexte pour raconter tout ce qu’il y a autour", éclaire-t-elle.

Le trio de filles rappelle parfois La Femme, un groupe pour lequel elles ont assuré des premières parties, et ce n’est pas innocent. Outre leur côté rétro, elles partagent le même producteur, Samy Osta qui fait merveille quand il s’agit de faire du neuf à la façon du vieux. Pour Juniore, la relation dépasse le cadre artistes/producteur. 

Anna et Samy se sont rencontrés au lycée, à Nice, le temps a filé et ils sont restés "très proches", formant ensemble le duo folk Domingo. S’il n’y avait pas eu Samy, il n’y aurait pas eu de musique pour Anna. Traductrice, fille de l’écrivain et prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio, elle a commencé à écrire des chansons "sur le tas", à 25 ans, avec les "cinq accords" de guitare montrés par Samy.

La jeune femme évoque aussi son adolescence passée en bonne partie dans la ville d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, et ce qu’elle a eu de déterminant dans le fait chanter en français plutôt qu’en anglais. "C’est plus difficile d’écrire en français. Il n’y a pas de place pour des phrases dénuées de sens, observe-t-elle. Et puis, il y a une autre mise à nu. Sans que ce soit juste de la mise en scène, j’aimais l’idée d’enrober mes textes dans un style qui me permette de me cacher derrière."

Après deux 45 tours parus sur le label Entreprise et un EP, Juniore semble bien partie. De ses ambiances noires, on ne dira pas Ouh là là, mais il y a pas mal d’onomatopées et de second degré dans ces chansons. 

Juniore Ouh là là (Le Phonographe/A+LSO) 2017

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