Da Silva se lance à L'Aventure

Da Silva. © Julien Mignot

Depuis la parution de Villa Rosa, à l’automne 2013, Da Silva se consacrait davantage à la réalisation et à l’écriture pour les autres qu’à son propre répertoire. Le chanteur, dont on découvrait jusqu’alors de nouvelles chansons tous les deux ans, s’est accordé du temps avant de revenir nous dévoiler aujourd’hui celles de L’Aventure, son sixième album.

RFI Musique : Vous nous aviez habitués à un rythme de sortie d’album particulièrement soutenu, pourquoi avoir attendu quatre ans pour celui-ci ?
Da Silva :
J’ai enfin mis un temps normal, avant j’étais complètement fou. Je sortais un album tous les dix-huit mois, j’avais même enchainé les précédents, La distance et Villa Rosa, dans un laps de temps encore plus court. C’était hyper violent, avec des centaines de concerts à chaque fois. Un matin je me suis posé la question sous cet angle : "Bon, il va falloir que tu commences à écrire ta soixante-huitième chanson pour toi…" Je me suis mis la pression, ça m’a pris trois ans. Je ne voulais pas me répéter, j’avais envie d’avoir un propos. Faire un disque de plus pour mettre sur mon étagère ça ne m’intéressait pas, surtout que je fais beaucoup de choses à côté. J’avais besoin de sortir mes chansons en me disant "Il faut que ça existe, c’est hyper important". L’envie d’avoir envie, Johnny Hallyday quoi ! (rire) Je ne voulais pas être dans une espèce de confort où, parce que j’ai un contrat avec une maison de disques, je tire des balles à blanc ; j’ai pris le temps de laisser mûrir chaque chanson.

En matière de propos, La Fille et La Fille 2, qui se font écho comme un travelling, honorent un discours féministe peu souvent abordé en chanson…
Ça constitue ma pensée, j’en ai ras le bol d’avoir encore les résidus d’années et d’années de machisme, que les hommes puissent porter un droit de regard moral sur les mœurs des femmes. J’avais envie d’écrire ça parce que, même au cinéma, il y a cette notion de "ça, c’est tolérable quand on est adolescent", la légèreté, le choix d’utiliser son corps comme on veut est admise, tant qu’on "expérimente". Après on devient adulte, et là pour les femmes c’est fini. Si jamais… c’est très vite jugé. Même les plus modernes, les plus ouverts, auront toujours une espèce de petit relent, un sourire ou quelque chose de cynique. Alors qu’un garçon passerait presque pour un héros, jusqu’à en faire le pan… C’est assez délirant quand même ce rapport. Tout le monde parle de cette différence entre les hommes et les femmes dans le milieu du travail, encore, dans le sport, les salaires, les responsabilités, les places même… Combien de femmes aujourd’hui dans le monde de la musique sont directrices artistiques ? Moi j’en connais deux. Pourtant je travaille pour beaucoup de maisons de disques, j’en connais deux. Combien y a-t-il de patronnes dans les entreprises ? Peu. Et ça m’insupporte.

Vous abordez plus généralement le thème de la réputation dans un autre titre…
Je viens de Nevers, une toute petite ville. J’ai été élevé là-bas, c’est le centre de la France… Ça colle bien à cette phrase d’Andy Warhol qui disait "Mieux vaut être personne à New-York que quelqu’un à Pittsburgh". C’est tellement pesant les étiquettes. Il y a à la fois la réputation telle qu’elle est faite au fur et à mesure de ton histoire, et celle qui est fantasmée. L’imagination est débordante quand il s’agit de dérailler pour pouvoir inventer des choses incroyables, et j’avais vraiment envie de faire une chanson là-dessus.

Vous avez régulièrement travaillé avec des illustrateurs à l’élaboration de livres-disques pour enfants, mais c’est la première fois que vous choisissez un dessin comme pochette d’album, pour figurer graphiquement L’Aventure.
Dans la tradition de la chanson française, il y a toujours ce portrait. Et moi des portraits j’en ai eu hein… cinq albums, cinq portraits. C’est la première fois que je n’apparais pas sur la pochette, ça fait du bien. En cherchant des illustrateurs qui me plaisaient, je suis tombé sur le belge Elzo Durt. D’habitude, il travaille beaucoup pour le label Born Bad Records, il fait essentiellement des pochettes de punk rock, de rock garage, ou psyché. C’est à lui que l’on doit l’image du premier album de La Femme, celle aussi de la tournée Automaten de Stephan Eicher, seul avec ses machines. C’est un graphiste qui travaille par collages : il prend des gravures qu’il détoure et assemble avant d’en dessiner les fonds. Il a aussi illustré tout l’intérieur du disque ! Je lui ai raconté les villes que j’avais traversé, il les a toutes représentées. Regarde comme c’est beau, la femme, les flamands roses-là, les oiseaux… Je suis dingue d’oiseaux, j’ai une passion pour les oiseaux. Bon, ils ont quand même réussi à mettre une photo…

Vous voyagez de ville en ville, et d’un style musical à l’autre, en écrivant ou réalisant par ailleurs pour Jenifer, Soprano, Enrico Macias, entre autres…
J’écris pour les autres parce que c’est exotique. Je veux toujours écrire pour une personne avec un style musical et une façon d’écrire la plus éloignée possible de moi. Ça me permet de partir en voyage, c’est quelque chose d’exotique, je suis étonné. C’est marrant de faire une chanson pour Enrico. Il a une voix, il chante hyper bien. On connait ses chansons les plus populaires, mais lui et son fils sont hyper musiciens. Ce qui m’intéresse, c’est surtout l’aventure humaine. Bien sûr que c’est loin de moi, c’est ça qui est génial. J’ai fait ce métier pour ça. Pour rencontrer des gens, et pas les mêmes que moi.

Cette aventure même qui donne son titre au disque ?
L’aventure, c’est ce qui me motive, me donne envie de me lever le matin, d’aller découvrir l’autre, le monde, tout en général. C’est cette notion, que de l’autre côté sur le trottoir d’en face, c’est la jungle. J’aime bien cette idée.

Da Silva L’Aventure (Pias) 2017

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