Les hommes sages de Barbara

Vincent Dedienne, Alexandre Tharaud et Albin de la Simone. © RFI / Bastien Brun

C’était l’un des événements de cette nouvelle édition du Printemps de Bourges, une création autour de Barbara. Inaugurant une série d’hommages qui seront rendus à la longue Dame brune tout au long de cette année à l’occasion des vingt ans de sa disparition, Mes hommes réunissait ce 20 avril un beau bouquet de chanteurs autour du pianiste classique Alexandre Tharaud. Ce dernier dit sa passion pour la chanteuse et évoque le concert que nous avons vu au Palais d'Auron.

Cela a commencé par une introduction durant laquelle Alexandre Tharaud a raconté un peu de sa passion pour la chanson. Le pianiste classique a évoqué Cora Vaucaire, Les feuilles mortes, puis on est tranquillement entré dans le vif du sujet. La création Mes hommes inaugurait jeudi soir au Printemps de Bourges une série d’hommages qui seront rendus toute cette année, à Barbara pour les vingt ans de sa mort, le 24 novembre 1997.  

L’idée était on ne peut plus simple, réunir autour du répertoire de la longue Dame brune une suite de chanteurs l’ayant tous aimée, beaucoup, passionnément… à la folie. Mes hommes, c’était dans la chanson originelle de Barbara, ses musiciens. Les hommes s’appelaient cette fois-ci Vincent Delerm, Albin de la Simone, Dominique A ou Pierre Guénard de Radio Elvis, des chanteurs qui, quoi qu’on en dise, savent raconter des histoires.

 

Durant une heure quarante-cinq, ce spectacle englobant des morceaux de toutes époques aura tenu sa promesse. Le comédien Vincent Dedienne a épaté tout le monde avec un Vienne en parlé/chanté et Au bois de Saint-Amant interprété depuis les coulisses ; Julien Clerc a, quant à lui, rappelé son talent sur Ma plus belle histoire d’amour (c’est vous) tandis qu’à l’opposé, le cadet de ce casting, Tim Dup péchait d’orgueil sur un Perlimpinpin, tristement d’actualité, comme un Dominique A éteint. 

Mais ce qu’on a regretté dans cette création où l’essentiel des chanteurs ont été accompagnés au piano par le maître de cérémonie, Alexandre Tharaud, c’est qu’elle ne nous emporte pas plus, à la fois dans sa scénographie très sobre et déjà vue en ces mêmes lieux – des ampoules nues qui tombent du plafond ou habillent la scène- , comme dans son propos. Ce fut appliqué. Il y eut Une petite cantate finale de toute beauté, certes, mais on y aurait bien vu plus de ce "caractère" dont parlait au sujet de la longue Dame, son accordéoniste Roland Romanelli, lui aussi invité de cette soirée.

 

Alexandre Tharaud : "Barbara a changé ma vie"

RFI Musique : À l’occasion des 20 ans de sa mort, vous rendez largement hommage à Barbara. Vous êtes au Printemps de Bourges, vous serez festival d’Avignon et à la Philharmonie de Paris pour des spectacles autour d’elle, et vous faites paraître à l’automne un album/hommage. Pourquoi elle ? Pourquoi aujourd’hui ?
Alexandre Tharaud :
Plus qu’avec aucun autre auteur-compositeur de chanson, c’est une relation très singulière qui a commencé à l’adolescence. Barbara venait me chuchoter à l’oreille dans mon lit. J’étais déjà insomniaque à l’époque, je l’écoutais dans mon walkman. Et puis ensuite, je l’ai découverte sur scène en 1987, au Théâtre du Châtelet. Un concert peut changer une vie, j’en suis le témoin. Elle m’a aussi appris beaucoup de choses. J’estime que les chanteurs sont des maîtres pour nous, les pianistes, qui essayons toute notre vie de nous rapprocher de la voix humaine et de créer une unité avec notre instrument mécanique. Elle a donc été une leçon de musique, mais aussi d’artiste. Comment on peut vivre la scène intensément, se sentir complètement libre, se donner entièrement, tout ce que l’on peut tisser avec le public. L’espace de la scène, je l’ai vraiment compris le jour où je l’ai vue. Je me pose au milieu des hommages qui entourent les 20 ans de sa mort parce que je veux témoigner de ce qu’elle a apporté à quelqu’un qui est musicien classique. 

Pour la création Mes hommes du Printemps de Bourges, vous avez repris Barbara uniquement avec des chanteurs. Pour quelles raisons ? Et comment vous êtes-vous approprié ce répertoire ?
Trois jours après sa mort, lorsqu’elle a été enterrée, le 27 novembre 1997,  je me suis retrouvé au cimetière de Bagneux avec tout le monde, on était deux mille. Une fois que les stars, les paillettes et les caméras sont parties, les nuages ont fait place à des rayons de soleil. On s’est alors retrouvé entre fans, et on a chanté durant plusieurs heures. À ce moment-là, je me suis dit qu’il faudrait enregistrer un disque avec gens-là. Évidemment, ce n’est pas avec les gens qui étaient autour de son tombeau que j’ai enregistré mon disque hommage, mais mon idée était là. Je me suis dit qu’à partir de ce moment-là, Barbara chanterait à travers nos voix. Et ce concert de Bourges est né de là, du silence dans lequel nous a laissés Barbara. C’est le Printemps de Bourges qui m’a proposé de faire ce concert avec des hommes. Je trouvais que c’était pertinent parce que cela donnait un axe à la soirée. Je pense que plus on est éloigné de Barbara, plus la reprendre est aisé. Lié aussi à sa chanson Mes hommes, je trouvais que c’était intéressant d’avoir ce cadre-là.

Quelle approche du piano Barbara possède-t-elle ?
Elle a des musiques qui semblent simples, mais à y regarder de plus près, c’est un véritable travail d’orfèvre. Il lui arrivait d’attendre des années avant d’enregistrer une chanson, parce qu’elle n’était pas contente de ce qu’elle avait fait. D’ailleurs, les chanteurs ont souvent beaucoup de mal à reprendre Barbara, c’est pourquoi j’ai choisi des chanteurs très musiciens. J’aime aussi reprendre Barbara au piano, parce que sans les mots, sa musique est absolument superbe. Puisqu’elle jouait du piano et qu’elle composait au piano, on devient de suite un intime de Barbara, on sent sa main dans le clavier. C’est une sensation fascinante que je peux aussi avoir quand je joue Liszt ou Chopin. Après, je ne joue pas exactement les notes qu’elle jouait. La musique s’arrange, elle se modifie au contact des chanteurs. Quand Albin de la Simone reprend Joyeux Noël, c’est avec l’humour de Barbara, mais c’est aussi avec le sien, et il en a beaucoup.

Finalement, qu’est-ce qu’une chanteuse populaire peut apporter à un pianiste classique comme vous ?
Quand j’ai vu Barbara sur scène, elle avait des problèmes vocaux, mais sa voix était magnifique. Elle était magnifique parce que Barbara jouait avec ses failles, elle contournait les obstacles. C’est une leçon de musique, mais c’est aussi une leçon de vie : comment tout mettre sur la table et jouer avec cela. Et on ne m’a pas appris cela au conservatoire ! J’étais très jeune, j’y ai beaucoup réfléchi et j’ai essayé de comprendre comment une femme qui ne jouait pas aussi bien qu’avant, qui ne pouvait plus danser comme avant, pouvait être aussi légère sur scène. Cela m’a aidé à préparer ma vie future d’homme de scène. 

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