Le Minimum, onirique et rock
Un album enchanteur, exigeant : Around Keats, du groupe Le Minimum, impose une superbe voix féminine, une atmosphère onirique et met dignement en musique des poèmes du romantique anglais John Keats, traduits en français. Découverte d’un groupe rare.
Des cordes. Une note tenue au piano. Aussitôt, le souffle de la voix de John Keats (1795-1821), en l’occurrence celle de Ben Whishaw qui l’interprète dans l’excellent film Bright Star de Jane Campion : "I almost wish we were butterflies and lived but three summer days…" ("J’en suis à souhaiter que nous soyons des papillons, pour ne vivre que trois jours d’été.") La voix de Chantal Dayan, d’abord caressante, s’élève ensuite vers les aigus. Batterie marquée. Montée de cordes. Keats se retrouve alors du côté sombre de la lune, cerné dans un espace-temps incertain, comme chez Pink Floyd. Ce morceau, Three Summer Days, a été écrit sur l’île de Wight – le 3 juillet 1819…
"J’ai découvert Keats grâce à Hyperion, de Dan Simmons, précise Chantal Dayan. Un sommet de la science-fiction, entièrement articulé autour de la personnalité de Keats. Puis j’ai vu Bright Star de Jane Campion, sur les dernières années de Keats et sa relation avec la jeune Fanny Brawne. J’ai été touchée par ses lettres à Fanny puis par ses Odes. Depuis longtemps, j’avais envie de chanter de la poésie. Des vers écrits par quelqu’un d’autre que moi."
Ce projet, lancé en 2013 avec le guitariste Jean-Paul Mori, l’autre créateur du Minimum, offre aujourd’hui un album onirique et rock, Around Keats. Huit étapes mélancoliques et violentes dont on doit retenir les impressionnants Correspondances et Ever Yours.
Des débuts avec Jolly Jumper
Il fut un temps où Le Minimum se nommait Jolly Jumper et copinait, en banlieue sud de Paris, avec Christian Olivier des futures Têtes Raides, ainsi qu’avec les Hot Pants, future Mano Negra… "Nous étions passionnés par le rhythm’n’blues", se souvient Chantal. "Nous avons aussi fréquenté, fin 86, le tremplin de l’émission Grand Public sur TF1, aux côtés de Johnny, se marre Jean-Paul. Et nous l’avons gagné, attirant le regard des producteurs." Un grand moment approche alors : le vendredi 24 avril 1987 au Printemps de Bourges. Carré d’Auron… Un single suivra, beaucoup de concert, mais jamais d’album ("Nous étions trop dirigistes…").
Jolly Jumper tire sa révérence en 1993, bientôt remplacé, en 1995, par Le Minimum. "En l’honneur de mon père, Juif d’Algérie, j’ai alors intégré dans nos morceaux des mélopées orientales, se remémore Chantal. Et cela a créé notre style de l’époque : le blues-world… Jean-Paul, qui a vécu en Tunisie, s’y retrouvait complètement. Nous avons vraiment pu plonger au plus profond de nous-mêmes." Premières parties marquantes : Skunk Anansie au Hot Brass, Jean-Louis Aubert, Kent, Arno, les Rita Mitsouko, Calvin Russell… Nombreux concerts.
Quatre albums sortent entre 1997 et 2008. "Le second, Deci Delà, en 2000, précise Jean-Paul, est le plus world : Sylvain Joasson, notre batteur, nous avait fait découvrir Nusrat Fateh Ali Khan…" Dans l’album de 2008, Histoires bleues, on remarque l’incroyable performance vocale (et la guitare Dobro) du Pardessus bleu… Aujourd’hui, ce sont les tourments de Keats que nous conte avec lyrisme le cinquième album du Minimum. Et La Dame sans merci tourne doucement sur la platine : trente-trois tours et un tiers par minute.
Le Minimum Around Keats (Minibox) 2017