Adrienne Pauly ressort du bois

Adrienne Pauly. © Yann Orhan

Fin de l'interminable éclipse pour Adrienne Pauly, révélée il y a douze ans avec un premier album diablement accrocheur et la détonante chanson J'veux un mec. La chanteuse a enfin trouvé son binôme et revient donc aux affaires avec le disque À vos amours !. Verdict ? Cela valait bien le coup d'attendre.

RFI Musique : Il s'est écoulé neuf ans entre la fin de votre première tournée et ce deuxième album. Pourquoi un si long laps de temps ?
Adrienne Pauly
: C'était le temps de trouver la musique. J'ai une mélodie qui vient avec les mots, mais je ne sais pas véritablement jouer d'instruments. Du coup, je suis dépendante ; il faut que je rencontre quelqu'un, je suis comme Brigitte Fontaine.

Une sorte de Pygmalion ?
Surtout pas. Justement, c'est là qu'est venu le désastre. Je déteste les rapports de force. J'avais besoin de rencontrer un pote, quelqu'un avec qui je m'amuse et avec qui j'arrive à échanger. Et là, je suis tombée presque par hasard sur Gaby Concato et son ami Norman Langolff. Ils font de la musique ensemble depuis qu'ils sont gosses. J'avais failli travailler avec Gaby et Norman pour le premier disque. Je les avais appelés pour la réalisation, mais ils n'étaient pas libres. Sauf que j'ai oublié ensuite que j'avais fait cette approche (rires).

Vous avez joué dans deux films en 2009 et 2010 (Bellamy de Chabrol et La tueuse de Rodolphe Tissot). Et ensuite qu'avez-vous fait ?
Je suis tombée sur les hommes les plus fous, les bêtes les plus sauvages, j'ai fait une tentative à Bruxelles, une autre en banlieue parisienne. J'ai presque rencontré toute la place de Paris. En tout cas, on peut dire que j'ai vu énormément de musiciens. Cela devenait une sorte de quête d'absolu. J'avais vraiment besoin de chanter mes chansons parce que c'est ça qui me plaît dans la vie. Il y a eu  plein de gens très bien. Mais c'est comme ça la vie, c'est une question de timing ; parfois ce n'était pas le bon moment. Rares sont ceux avec qui j'aurais pu faire un disque en entier, j'aurais pu prendre une chanson de l'un et de l'autre.

Êtes-vous passée par des périodes de découragement ?
Beaucoup. J'ai même eu des phases où j'ai un peu picolé. Mais c'était hors de question que je ne sorte pas ce disque. Qu'est-ce que j'aurais fait d'autre ? C'est bien ça, le problème. Il faut bien gagner sa vie et essayer d'en faire quelque chose. J'étais obligée d'aller au bout. À force de chercher, je me suis perdue. Rien ne se fixait. Ma maison de disques d'avant voulait des tubes. Je me suis sentie très seule. Dans ses neuf ans, j'ai eu plein de périodes. Après, j'ai rencontré Gaby il y a presque quatre ans, le disque est fini depuis dix mois. Mais il a fallu monter une structure, etc. Je pensais que c'était plus simple.

Vous étiez en larmes, l'an dernier, à la fin de votre premier concert aux Trois Baudets...
C'était une délivrance. J'étais tellement émue de ce nouveau départ devant le public. Ce que j'ai vécu, c'était entre le septième sous-sol de l'enfer et des moments merveilleux.  La route a été longue ; une route de tours, de détours, avec des culs-de-sac et des rencontres. C'était presque Alice au pays des merveilles. Tu fais aussi le tri dans tes amis et tu te rends compte qui sont précieux ou non pour toi.

Toujours sur cette même scène, vous avez dit : "Dans les chansons, on peut dire des trucs qu'on ne peut pas dire dans la vie... C'est libérateur". C'est l'expression de tous les possibles pour vous ?
On peut davantage faire craquer les choses, c'est certain. J'ai commencé à écrire à l'âge de 22 ans parce que j'ai eu des crises d'angoisse. Cela me permettait d'exulter et de me libérer de mes malheurs de Bécassine ou de Sophie. Faire des chansons m'offre la possibilité de mettre une forme au chaos. Dans la vie, il y a une certaine manière de se comporter : tu n'es pas le même face à ton patron, ta mère ou un pote. Moi, j'ai été élevée à la Jefferson High School par des parents avec qui on pouvait tout se dire. Il y avait cette espèce de liberté. Pour les chansons, ne sachant pas faire la musique, je suis confrontée à une sorte de dépendance et aussi à un système.

Pourquoi les amours batailleuses vous inspirent-elles autant ?
Les êtres humains sont si différents et c'est compliqué de faire un bout de chemin avec l'autre. L'histoire que j'ai souvent racontée, c'est celle de la fille seule parce que cela a été un peu mon cas. J'ai vécu une enfance un peu intense en compagnie de gens avec qui je me suis entendue sur d'autres choses que sur le fait que c'était mes parents. Ils écrivaient, faisaient des films. Mais après, cela m'a mis sur une route un peu solitaire. Il y a un lien entre les deux disques parce que ce sont les premières chansons que j'ai écrites mêlées avec deux-trois faites avec Gaby. Les prochaines que je vais dérouler seront plus liées à l'époque. Tous les repères changent, on est notamment très liés aux machines.

Le titre L'excusemoihiste est-il un clin d’œil à L'aquoiboniste de Serge Gainsbourg ?
Bien sûr. Il y avait d'ailleurs une autre chanson au XIXe siècle qui s'appelait L'aquoiboniste. Là dans la chanson, c'est un personnage qui passe son temps à s'excuser. C'est une fille qui a dû mal à s'incarner, à trouver sa place dans le monde. L'excuse, c'est une façon de ne pas affronter les situations, de fuite en avant. Je me moque de ça jusqu'au dernier couplet où elle affronte enfin l'autre.

Musicalement, on est dans la continuité du premier disque, non ?
Au niveau des arrangements, c'est un peu plus personnel, il y a plus de matière. Je reste attachée au format chanson et au fait que chaque musique corresponde à l'histoire racontée. J'aime quand c'est varié et populaire. Les Rita Mitsouko savaient faire ça. Catherine Ringer a ce truc incroyable des chanteuses réalistes. Je suis dingue de Damia ou Fréhel : des vraies punks ces filles-là. Elles disent des choses très graves et drôles à la fois.

L'image de la fille déglinguée projetée par certaines personnes vous a-t-elle fait souffrir ?
Je suis contre la folie. Cela rassure les gens de te mettre dans une case. Je suis comme tout le monde, j'ai envie d'être comprise. Je n'ai pas le désir d'être la fille mystérieuse, dingue ou barge.

Adrienne Pauly À vos amours ! (Choï music / Because music) 2018

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