Festivals: une saison de restrictions ...et de retrouvailles

Jean-Louis Aubert, le jour de l'ouverture du Printemps de Bourges, le 22 juin 2021. © AFP

Tandis que les concerts se tiennent à nouveau debout, la saison 2021 des festivals de musique s’annonce en demi-teinte. À la veille des États généraux des festivals, le lundi 28 juin à Bourges, le point sur l’été à venir.

Cet été, La Rue Kétanou va retrouver le chemin de la scène. Avec une dizaine de festivals en juillet et deux prévus au mois d’août, le groupe doit enfin célébrer son vingtième anniversaire. Pour son chanteur, Florent Vintrignier, la question ne s’est pas posée de ce retour estival. "Dès qu’il y a un bout de vie, on va le prendre, même masqués ! On a pu faire de la création l’année dernière, mais notre équipe technique n’a pas eu la possibilité de travailler. Elle avait très envie de repartir sur la route. Il y a notre tourneur qui s’est débrouillé pour caler des dates. Et puis, il y a les festivals qui ont fait l’effort d’exister malgré tout. Je trouverais super dur de leur dire qu’on ne vient pas", explique-t-il.

Le groupe festif n'en est pas à ses premiers concerts "originaux" mais c’est bien une saison "très particulière" qui s’annonce pour les festivals français. Après l’annonce faite en février par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qu’ils pourraient se tenir avec une jauge de 5000 personnes assises, de grands rendez-vous ont annulé leur édition 2021, à l’image du Hellfest, à Clisson. Celui-ci table sur une édition mémorable en 2022.  

Le festival de Beauregard, près de Caen, a quant à lui attendu le mois de mars pour acter cette décision. "Les prises de risques financières, on connaît quand on fait un festival. Mais on prend nos décisions en connaissance de cause. Un plan B, ça aurait été prendre un pari dans le vide. Ce n’est pas possible quand on gère une entreprise", estime Paul Langeois, son directeur. 

Dix soirées aux Vieilles Charrues

Pour les autres, c’est bien un "plan B" qui s’impose avec une reconfiguration totale des événements. "Les trois quarts de nos festivals adhérents ont décidé de maintenir une édition, observe Aurélie Hannedouche, déléguée générale du Syndicat des musiques actuelles (SMA). Mais ça va être une année de transition. Aucun des festivals ne donne une édition sous son nom propre. À Charleville-Mézières, par exemple, le Cabaret vert va s’appeler Face B."

À Carhaix, les Vieilles Charrues ont été parmi les rares à maintenir une édition alternative qui porte leur nom. Son directeur, Jérôme Tréhorel, a plaidé contre vents et marées pour ce maintien en dépit des incertitudes du printemps : confinements, reprise de la pandémie de Covid-19, cadre sanitaire très strict annoncé...

Loin de ses 270 000 spectateurs habituels, le rendez-vous breton proposera dix soirées de concerts avec une jauge de 5 000 personnes. Très longtemps envisagé en configuration assise, le festival breton a finalement annoncé qu’il se tiendrait en partie debout. Côté programmation, la 29e édition des Charrues sera exclusivement francophone et à dominante pop-rock, avec Vianney, Catherine Ringer, Miossec, Woodkid, Yelle ou Feu ! Chatterton. L’électro et le rap seront quant à eux représentés a minima, les gros rappeurs du moment ont pour la plupart fait l’impasse sur cette saison. À trois semaines de l’événement, la problématique principale était la mise en place du pass sanitaire.

Obligatoire pour le public, ce pass sanitaire ne l’est pas pour les bénévoles et le personnel des Vieilles Charrues, mais il est "très fortement recommandé". Le public devra donc être vacciné ou fournir un test PCR négatif de moins de 48 heures.  

Des craintes pour l’emploi des intermittents

À l’image de Vieilles Charrues qui ont des retombées importantes pour leur territoire du Centre Bretagne, les festivals français représentent une manne pour les endroits qui les accueillent. Ce n’est pas pour rien que le 5 mai dernier, le ministère de la Culture a publié, une déclaration commune avec les collectivités territoriales encourageant au maintien de ces rendez-vous.

"S’il doit y avoir un bénéfice à cette crise, c’est la prise de conscience de l’importance culturelle, économique et sociale des festivals. Les festivals, c’est un phénomène de société aujourd’hui en France, les Français sont friands de ces rassemblements", assure Jérôme Tréhorel.

Pour l’Union nationale des syndicats d’artistes musiciens CGT (SNAM-CGT), "le gouvernement a préservé les structures et pas l’emploi". "Les festivals embauchent des intermittents à tous les niveaux. Les conséquences en termes d’emplois vont être terribles. Le secteur subventionné va pouvoir jouer, mais il y a peu de festivals du secteur marchand qui vont pouvoir se maintenir", décrypte Philippe Gautier, secrétaire général du SNAM-CGT.

L’année blanche, c’est-à-dire l’accès à l’assurance chômage, a été prolongée jusqu’au mois décembre pour les intermittents du spectacle. Toutefois, la saison des festivals représente un moment important de l’année pour les artistes et les techniciens. Le Centre national de la musique (CNM) a mis en place un fonds de soutien aux festivals et une compensation des pertes de billetterie.

"Comme dans tous les pays d’Europe de l’Ouest, il y a des aides en France. Le maintien des subventions et le chômage partiel aident à tenir", nuance Carol Meyer, co-présidente de la fédération internationale de festivals De concert ! et directrice du festival Art Rock, à Saint-Brieuc. Alors que les conditions sanitaires s’assouplissent, des festivals reprogramment à la hâte des événements qui viennent combler le vide laissé par leur annulation. C’est le cas de Solidays dont l'édition 2021 va organiser le 4 juillet une journée gratuite à l’Hippodrome de Longchamp, à destination des personnels de santé. C’est le cas des Eurockéennes de Belfort, également, qui reviennent avec un mini festival de cinq jours. Les Francofolies ont annoncé, de leur côté, que la grande scène serait debout et sans masque.