Nuit des Griots, un festival parole et musique

Sekou Trio, Marseille, avril 2022 © Squaaly

Festival qui place l’oralité au centre de son propos, la Nuit des Griots déroulait sa 7e édition du 5 au 10 avril dans plusieurs salles marseillaises. Construit autour d’une programmation pluridisciplinaire qui croise musique, conte, lecture et cinéma, il réunissait samedi dernier, en presque clôture du festival, le Sekou Trio et BKO Quintet, deux formations tradi-modernes, aux accents jazz et rock. Retour sur l’évènement qui avait comme maître de cérémonie, le journaliste Soro Solo.

 

"Conteur et musicien, le griot transmet l’histoire d’une famille, d’un pays, d’un royaume. C’est un art qui se transmet de père en fils dans la cadre d’un système de caste" rappelle Victor Da, l’un des fondateurs et directeur artistique de ce festival. "C’est cette tradition, celle des griots – un mot d’origine portugaise, précise-t-il – que nous souhaitons mieux faire connaître pour apporter notre pierre à l’édifice du vivre ensemble."  

Ignoré sous l’ère du maire précédent, le Festival a cette année pour la première fois, bénéficié d’une subvention de la nouvelle municipalité Printemps marseillais (*)  et surtout reçu un soutien logistique à la communication locale. Encouragée, la petite équipe aidée de bénévoles a ainsi pu, après deux années Covid (une annulée et une en distanciel), construire une programmation qui s’ouvrait par la projection de Ouagagirls de la réalisatrice suédo-burkinabé Theresa Traoré Dahlberg.

Ce film raconte l’apprentissage de jeunes femmes, des pionnières qui ont choisi d’entreprendre une carrière dans les métiers de la mécanique automobile au Burkina Faso. Une Journée des Minots, une Nuit de la Parole (contes et histoires) des spectacles de danse et trois soirées musiques ainsi que des stages, des ateliers et des rencontres avec les artistes complétaient le programme.

Sekou Trio, le Jimi Hendrix de la Kora

Sekou qui ouvrait la soirée du 9 avril à la Cité de la Musique-Marseille, est presque un enfant du pays, bien que né en 1985 en Guinée-Conakry. Marseille a été son premier point de chute en France, quand très jeune, avec son frère Kourou Fia et son cousin Ba Cissoko, ils atterrissaient ici à l’invitation festival ciotaden Nuit Métis. Ils y resteront le temps d’une création avec le trompettiste Gilles Poizat.

La France, Sekou l’avait traversée pour la première fois, un an auparavant, en 98, au côté de son père, le maestro de la kora, Mbady Kouyaté, avec qui il se produisait souvent. Ce n’est qu’au début du nouveau millénaire, que Ba, Kourou et Sekou choisissent de s’installer ici pour donner vie à la carrière du groupe de Ba. Très vite repéré par les programmateurs de festival, le groupe se singularise entre autres, par la dextérité du jeu de kora de Sekou et les effets qu’il utilise, modifiant ainsi le son de son instrument traditionnel.

"J’ai été le premier à travailler avec des pédales d’effets (phaser, distorsion, wahwah…) sur la kora" précise celui qui a commencé à toucher aux 21 cordes de la kora paternelle à l’âge de 7 ans. "Jeune, je jouais de la guitare et avait envie que le son de la kora puisse bénéficier des mêmes qualités de sonorisation. Rien n’était vraiment pensé pour la kora. On se contentait de plonger un micro dans la calebasse" regrette-t-il.

Son aîné ne succombera pas dans un premier temps à ses lubies novatrices. "C’est à l’occasion d’un de ses concerts à Paris, son guitariste étant malade, que je le lui ai proposé de jouer de la kora avec effets pour occuper l’espace sonore, laissé vide par son guitariste." Alliant le geste à la parole, il se lance dans une démo avec un looper et quelques effets. Son père, séduit, l’autorise à se produire ainsi à ses côtés le soir même.

© Squaaly
Le BKO Quintet, au festival La nuit des griots.

Très vite, surnommé "le Jimi Hendrix de la kora", Sekou lâchera quelques années plus tard, le groupe de son cousin. Il collabore ensuite sur deux albums avec le guitariste américain Joe Driscoll, avant de lancer à Lyon un foisonnant trio, entre musique mandingue, jazz et rock psychédélique, ou d’accompagner Matthieu Chédid, Roberto Fonseca, Kassav' ou plus récemment Baaba Maal sur le projet Voix du Fleuve, voix de la Paix au côté de Fatoumata Diawara, Noura Mint Seymali et Daara J Family.

Quand Marseille invite Bamako

"On a fait le tour du monde, joué plus de 500 dates dans 25 pays différents, mais c’est notre première fois à Marseille" glisse Fassara Sacko, le chanteur aveugle de BKO avant d’entonner la chanson éponyme. BKO comme les initiales aéroportuaires de Bamako dont est en partie originaire ce groupe composé de 4 Maliens et un Français.

"Il y a bientôt 10 ans, j’ai fondé le groupe avec Ibrahima Sarr, mon maître de percussion" racontait un peu plus tôt dans l’après-midi, le Lyonnais Aymeric Krol. "L’idée était de faire rencontrer les sonorités de deux cordophones : le djeli n’goni, le luth des griots et le donso n’goni, celui des chasseurs du Wassoulou, qui ne sont jamais joués ensemble. Il nous a fallu choisir nos micros, nos pédales d’effets et affirmer notre son" raconte-il.

Forcément, une telle rencontre suscite rapidement curiosité et intérêt, ce qui explique probablement l’étendue des tournées évoquées sans véritable tube, sans succès notoires répertoriés. Bamako Today, un premier album paraît en 2014, suivi trois ans plus tard par Mali Foli Coura. Tous deux sont publiés par Buda Records.

Enregistré avant le début de la crise sanitaire, Djine Bora, leur troisième opus qui libère selon lui "l’énergie du live" ne sortira qu’en juillet prochain sur le label genevois Bongo Joe. "Nous sommes un groupe de folklore moderne. Notre énergie est rock et notre chanteur punk" affirme le Lyonnais du groupe, excité par cette sortie sur un catalogue où figurent par exemple les Turcs aux influences psyché et new-wave de Lalalar ou les Hollandais de Yin Yin aux sonorités funk et asiatiques.

Site officiel du festival / Facebook / Instagram