Acid Arab : prêt pour la nouba
Son nouvel album est destiné à faire danser. Groupe de scène, de studio et de DJ, Acid Arab publie٣ (Trois) et revient à l’electro avec de nombreux invités du monde arabe. Rencontre dans son studio parisien, encombré de claviers.
RFI Musique : Beaucoup d’invités, chanteurs ou musiciens, ont collaboré à ce troisième opus…
Hervé Carvalho : On a commencé à travailler sur cet album en octobre 2021, jusqu’au printemps 2022. Au fur et à mesure de nos envies, nous contactions des personnes pour se joindre à nous. Comme Sofiane Saïdi et Djem Yıldız, qui font partie de la famille Acid Arab. Ou la grande chanteuse algérienne Fella Soltana. Des musiciens de Constantine, notamment un joueur de gasba (une flûte, ndlr). Wael Alkak, un ami syrien réfugié en France, est revenu collaborer avec nous, il avait chanté lors de plusieurs soirées. Il y a aussi un chef d’orchestre et multi-instrumentiste palestinien très doué, basé aux États-Unis, Hassan Minaoui.
Pierre-Yves Casanova : Il nous a dit : "On n’avait jamais créé quelque chose comme cela avec moi". Ce genre de phrases nous plaît et légitime notre projet : des gens aussi brillants se retrouvent à faire quelque chose qu’ils n’ont jamais fait et cela leur plaît… Collaborer avec tous ces invités, cela nous permet d’ajouter de l’organique à notre musique et de lever le nez de nos synthés. On a beaucoup travaillé à distance, en visio. Il y a eu quelques ratés, des artistes enregistrés et, finalement, cela ne collait pas à la musique. Mais cela a été rare…
Vous ressuscitez même Rachid Taha (mort en 2018), expliquez-nous comment…
Hervé : On avait eu l’envie de le faire chanter sur un titre techno de Detroit, après une soirée, bien arrosée à Belleville. Nous l’avions enregistré chez un pote, Gilb’R de Versatile, sur un téléphone. À partir de cette improvisation, nous avons créé ce morceau, Rachid Trip, grâce à l’autorisation de son fils.
Votre second album, paru fin 2019, a été stoppé dans son envol par la pandémie…
Hervé : Le Covid a tué cet album et la tournée qui l’accompagnait. Alors, nous avons profité de nos familles et de nos proches —comme beaucoup de gens, j’ai l’impression (rires)— après huit années de tournées et de voyages non-stop.
Guido Minisky : On a mis un peu de temps à comprendre que cet album était comme mort-né. Et impossible de tourner sans actualité musicale.
Pierre-Yves : Mais grâce aux plateformes, il existe toujours pour ceux qui souhaitent l’écouter…
Trouvez-vous que les musiques électroniques se métissent ?
Hervé : Lorsque l’on voit l’importance d’un festival comme Nyege Nyege, en Ouganda, l’avant-garde de la musique électronique se métisse en Afrique noire.
Pierre-Yves : Notre label, Crammed, métisse l’électro avec d’autres genres depuis très longtemps.
Guido : Il y a eu Transglobal Underground, un peu l’ancêtre d’Acid Arab, mais plutôt trip hop, ou Center of the Universe, un DJ norvégien qui produit une musique électronique d’inspiration arabe depuis une quinzaine d’années. J’ai l’impression que la musique électronique se métisse désormais avec absolument tous les genres. Qu’est-ce qui est de la musique électronique ? Clara Luciani, Tame Impala ou The Weeknd, c’en est. La pop est désormais créée avec des ordinateurs.
Hervé : Nous ne sommes pas les seuls à métisser l’électro. En cherchant de la musique pour nos DJ sets, nous avons trouvé des titres qui combinent musique arabe et sons électroniques dès les années 70. Rachid Baba Ahmed a révolutionné le raï en y infusant boîtes à rythmes et synthés. Safi Boutella a utilisé beaucoup de sons électroniques et ambient, Bachir Attar au début des années 80. Brian Eno et David Byrne avec My Life in the Bush of Ghosts ont utilisé des samples de musiques du monde. Les exemples sont nombreux.
Quel accueil reçoit votre musique dans les pays arabes ?
Guido : On nous a souvent posé cette question. Ce qui est génial, c’est que le côté techno et acid les intéresse, ...la modernité. Alors qu’en France, c’est le côté oriental qui séduit. La Turquie est le pays phare en termes d’écoutes en ligne. La Palestine, le Liban, la Jordanie, le Maroc ou la Tunisie sont des pays où nous sommes très suivis. Il n’y a qu’en Algérie où nous n’avons pas tourné.
Avec quels chanteurs ou chanteuses aimeriez-vous collaborer ?
Hervé : Khaled ou Fadela, cela pourrait être incroyable ! Ou alors trouver les enregistrements d’a capella de Rimitti ou Oum Kalthoum…
Acid Arab٣ (Trois) (Crammed Disc) 2023
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